Dossier Star Wars : les années Nintendo

Dossier Star Wars : les années Nintendo

« Les harpons et les câbles de remorquage, c’est peut-être notre seule chance de les arrêter ! »

Luke Skywalker, l’Empire Contre-Attaque

Le projet Shadows of the Empire est un concept cross-média très important, lancé en 1996 par Lucasfilm tandis que George Lucas planche de son côté sur la ressortie de sa trilogie en édition spéciale. Pour résumer les faits, le but de l’opération Shadows of the Empire était de déployer l’artillerie lourde autour d’une nouvelle histoire officielle déclinée sur plusieurs médias : accompagner la sortie d’un nouveau film, sauf qu’il ne s’agit pas d’un film ! Ainsi, en plus du roman écrit par Steve Perry, cette nouvelle aventure, venant s’intercaler entre l’Empire Contre-Attaque et le Retour du Jedi, sera également déclinée en comics, bande originale, jouets et bien entendu jeu vidéo. Et quoi de mieux pour proposer une adaptation en jeu d’un film qui n’existe pas que de s’inspirer des adaptations existantes ? C’est en partant de ce constat que les développeurs de chez Lucasarts vont s’inspirer de la construction des Super Star Wars pour découper leur propre jeu en plusieurs types de gameplay différents selon les besoins du scénario. Ainsi, si Shadows of the Empire est un TPS sorti en 1996 sur Nintendo 64 et PC, son héros Dash Rendar prendra régulièrement les commandes de divers vaisseaux et ce dès le premier niveau. Petit point scénaristique, le roman Shadows of the Empire raconte comment Luke, Leia et Lando ont pu retrouver la trace de Han après les évènements de Bespin avec l’aide d’un contrebandier complètement inspiré du capitaine Solo et qui plus est ami de ce dernier, le susnommé Dash Rendar. Et comme pour bien rappeler que son action se passe après l’Empire Contre-Attaque, Shadows of the Empire – le jeu vidéo – pose son premier acte durant la bataille de Hoth.

De l’aveu même des développeurs, outre cette facilité scénaristique pour poser les bases de l’histoire, le but avec ce premier niveau était de s’inspirer et des séquences en vaisseau des Super Star Wars et de l’expérience 3D immersive de X-Wing pour proposer une expérience de pilotage convaincante sur consoles de salon en profitant de l’apport technologique de la Nintendo 64 et son stick analogique. Autant dire qu’ils ont relevé le pari haut la main, la prise en main du Snowspeeder est immédiate, les sensations de vol grisantes et on prend vite plaisir à foncer entre les walkers ennemis en alignant les tirs. Shadows of the Empire fut non seulement mon premier contact avec un jeu Star Wars, mais également mon premier jeu vidéo en 3D, et cette relecture de la bataille de Hoth m’a collé une énorme claque au point où elle a contribué à elle seule à créer une passion pour tout un genre vidéoludique alors qu’elle n’est, je le rappelle, qu’un niveau spécial dans un jeu dont le cœur du gameplay est tout autre… Et je ne suis pas le seul à avoir été marqué par cette séquence, car chez Lucasarts ce niveau va servir de prototype à une toute autre série. Mais revenons sur Shadows of the Empire : une fois le générateur de bouclier de la base Echo détruit, le jeu révèle le type de gameplay qui occupera la majorité de l’aventure, un TPS inspiré de Tomb Raider avec un accent très fortement mis sur la plateforme. On peut certes y relever un niveau aux commandes des tourelles de l’Outrider, le vaisseau de Dash qui, pour la petite anecdote, apparaîtra à l’écran dans l’édition spéciale d’Un Nouvel Espoir. On note aussi un autre niveau où il faudra affronter un gang aux commandes d’un speederbike sur Tatooine, ou encore le niveau final qui, après une nouvelle séquence de tourelle, reprendra le gameplay de la bataille de Hoth cette fois-ci dans l’espace pour une expérience très largement inspirée de la bataille d’Endor. Mais c’est principalement sur le plancher des banthas que se passe Shadows of the Empire, et ce n’est pas là que le jeu brillait le plus malheureusement.

En 1997, soit trois ans après TIE Fighter, Totally Games revient avec un titre entièrement axé autour du jeu en ligne : X-Wing vs TIE Fighter ! Forts de l’expérience accumulée sur les deux précédents opus, les développeurs ont mis l’accent sur le multijoueur avec de nombreux types de matchs dans lesquels les joueurs peuvent prouver qui est le meilleur astropilote de toute la galaxie. Fidèle à ses habitudes, Totally Games développera une extension Balance of Power, qui viendra rajouter une campagne solo ainsi que de nouveaux vaisseaux jouables pour renouveler les affrontements. Techniquement, c’est un peu Squadrons 23 ans avant l’heure !

La série X-Wing étant uniquement disponible sur PC, les têtes pensantes de Lucasarts ont bien cerné le potentiel derrière les niveaux dédiés de Shadows of the Empire et confient aux Allemands de Factor 5, encore eux, la lourde tâche de développer un titre complet autour de ces prototypes. Le résultat s’intitulera Rogue Squadron et sortira en 1998 sur Nintendo 64 et PC. Si le gameplay est beaucoup plus « arcade » que celui des simulations de Totally Games, Rogue Squadron n’en propose pas pour autant une expérience au rabais et baladera le joueur aux quatre coins de la galaxie dans ses 19 niveaux. Le cœur de l’expérience réside bien entendu dans ses affrontements aériens, mais chaque niveau impose à ses pilotes d’accomplir différents objectifs de mission : escorte de convoi, raid éclair sur une base impériale, défense d’une ville assiégée ; aucune mission ne ressemble à la précédente. Plusieurs vaisseaux sont jouables, principalement des chasseurs rebelles, et si notre engin nous est imposé la première fois que l’on prend part à une nouvelle mission, il est ensuite possible de la refaire avec d’autres véhicules. Car Rogue Squadron est un titre jouissant d’une rejouabilité folle grâce à son système de médailles : quand une mission est terminée, un score est attribué au joueur en fonction de ses performances, avec la médaille associée. Au fil des médailles accumulées, il sera possible de débloquer des vaisseaux comme le Faucon Millenium ou un intercepteur TIE, mais également trois niveaux bonus : une course en T16 dans le canyon du Mendiant, la tranchée de l’Etoile de la Mort et la bataille de Hoth. Le jeu est sorti en pleine production de la Menace Fantôme et les développeurs, étant dans le secret des dieux, se sont amusés à dissimuler dans le code du jeu le chasseur Naboo N1. Cet easter egg a permis un joli coup de pub pour le jeu et le film quand le code permettant de le débloquer a été diffusé massivement peu avant la sortie en salle ! La dernière mission du jeu avait la particularité d’introduire un vaisseau inédit et de nous faire revivre une bataille tirée du comics L’Empire des Ténèbres, où l’objectif était de repousser l’assaut de vaisseaux de guerre, à la puissance de feu comparable à celle d’une Etoile de la Mort, envoyés par un empereur Palpatine ressuscité plusieurs années après la bataille d’Endor ; une mission qui a trouvé un drôle d’écho avec la bataille d’Exegol dans l’Ascension de Skywalker vingt ans plus tard !

1998 voit également le retour de la saga en salle d’arcade sous l’aile de Sega avec Star Wars Trilogy Arcade. Le titre est un rail shooter pur et dur proposant de revivre la trilogie originale fraîchement ressortie dans son édition spéciale à travers quatre niveaux distincts : la bataille de Yavin, la bataille de Hoth et la bataille d’Endor à la surface de la lune forestière ou au cœur de la deuxième Etoile de la Mort. Le gros de l’expérience se joue aux commandes de divers véhicules mais les batailles de Hoth et d’Endor renouvellent le gameplay avec des sections à pied assez réussies qui, si elles rappellent un peu Rebel Assault, se révèlent pourtant bien plus intéressantes et tiennent moins de ce dernier que du Virtua Cop au joystick. À chaque niveau terminé, le jeu propose un stage bonus où nous incarnons Luke armé de son sabre laser, en vue subjective. Ces niveaux spéciaux étaient assez sympathiques car ils donnaient l’impression que le joystick de la borne était tout simplement notre sabre laser, mais le segment du jeu le plus excitant reste assurément les niveaux en vaisseau. Car l’action y est omniprésente, notre véhicule file à une vitesse considérable et chaque crédit mis dans la borne est la garantie d’une bonne dose d’adrénaline. Pour la petite anecdote, j’ai eu le « malheur » de découvrir la borne sur un ferry lors d’un voyage scolaire, et j’y ai pris un tel pied qu’une fois arrivé à quai, je n’avais plus un sous en poche ! Star Wars Trilogy Arcade n’a hélas pas été porté sur consoles de salon, le laissant rejoindre le club de ces super jeux Sega « morts avec l’arcade ».

1999 marque le lancement de la prélogie au cinéma avec la sortie de l’épisode I : la Menace Fantôme. Bizarrement, à part l’excellent Star Wars : Racer qui, avec ses courses de modules, sort un peu du sujet qui nous intéresse, la sortie du film n’est accompagnée d’aucun jeu de pilotage et ce malgré l’introduction du chasseur N1 dans Rogue Squadron grâce à la diffusion du fameux code. Ce qui est complètement fou quand on y pense, c’est qu’une telle manœuvre n’aurait jamais pu fonctionner aujourd’hui, tant les fichiers composant les jeux sont analysés sous les moindres coutures sitôt sortis.

C’est donc quelques mois avant que tous les projecteurs ne soient braqués sur la jeunesse d’Anakin Skywalker que sort X-Wing : Alliance, ultime opus de la série développée par Totally Games. Après un X-Wing vs TIE Fighter orienté multijoueurs, Alliance se recentre sur sa campagne solo qui commence d’ailleurs bien loin du conflit opposant l’Empire et la Rébellion en nous faisant incarner Ace Azzameen, le jeune fils d’une famille de commerçants. La première mission nous place carrément aux commandes d’un transport Corrélien YT 1300 pour une mission de transport où il sera impossible de ne pas se prendre pour Han Solo, le Faucon Millenium étant justement lui aussi un YT 1300 ! Cette campagne, qui verra Ace rejoindre l’Alliance Rebelle comme le laisse supposer le titre du jeu, est à mon sens la meilleure expérience solo délivrée par la série X-Wing, grâce notamment aux avancées technologiques. Le jeu arbore des graphismes à faire pâlir de jalousie ses prédécesseurs et l’évolution du marché des joysticks PC a permis l’apparition de nouveaux axes de contrôle, rendant ainsi possible un contrôle total du vaisseau piloté sans devoir, comme dans les trois précédents opus, maintenir une touche enfoncée pour basculer de l’axe X à l’axe Z (ou pour vulgariser, impossible de faire faire des tonneaux à notre vaisseau sans sacrifier la possibilité de tourner à droite ou à gauche le temps de la manœuvre). X-Wing Alliance reste encore aujourd’hui un simulateur de vol très complet à même de délivrer une expérience qui n’a pas à rougir de son âge !

L’an 2000 sera marqué par la sortie de Star Wars : Battle for Naboo, un jeu développé par Factor 5 qui, s’il n’arbore pas le nom de Rogue Squadron, en partage pourtant grandement l’ADN. Sur le papier, le concept vend du rêve : un Rogue revisitant la Menace Fantôme aux commandes de l’élégant chasseur N1, comment ne pas signer ? Et pourtant, le résultat va s’avérer surprenant : les deux premières missions nous placent aux commandes de véhicules terrestres. Le gameplay reste globalement assez similaire à Rogue Squadron, avec des missions à objectifs et le retour des médailles, mais le ressenti manette en main des véhicules terrestres est globalement moins plaisant que quand le jeu nous fait enfin décoller. Aux commandes d’un chasseur, les sensations sont assez proches d’un Rogue mais, proportionnellement parlant, Battle for Naboo est bien plus un jeu de batailles terrestres que de batailles aériennes. Il marque par contre l’apparition de niveaux se déroulant dans l’espace, en contradiction avec ceux du premier Rogue Squadron qui restaient tous construits sur un concept de batailles aériennes en surface, et de niveaux où il sera possible de changer de véhicule au cours de la bataille. Sorti sur une Nintendo 64 en fin de vie, Battle for Naboo est moins connu que son grand frère et le fait que sa version PC soit difficilement compatible avec les systèmes d’exploitation modernes et n’est jamais ressortie sur les plateformes de distribution numérique n’y est sans doute pas étranger.

Contrairement à Battle for Naboo, la suite de Rogue Squadron, Rogue Leader, ne fera pas partie des derniers jeux à paraître sur sa console mais figurera carrément en tête de proue du catalogue de lancement de la Gamecube en 2001. Ce jeu est une pure merveille ! Tirant profit de la puissance de la nouvelle console de Nintendo, les développeurs de Factor 5 accouchent ici d’un digne héritier de Rogue Squadron qui s’ouvre sur ce qui reste à ce jour la meilleure adaptation vidéoludique de la bataille de Yavin. Fort d’un gameplay accessible dissimulant une véritable courbe de progression et des niveaux intenses et variés, Rogue Leader tape tellement fort qu’il en relègue presque son prédécesseur au rang d’antiquité, non sans reprendre au passage les idées introduites dans Battle for Naboo comme les niveaux dans l’espace et les changements de véhicule à la volée – une mécanique au cœur notamment de l’excellent niveau sur Kothlis qui nous imposera de jongler entre un X-Wing, un Snowspeeder et un Y-Wing à de nombreuses reprises. Deux nouvelles mécaniques de jeu sont intégrées à cette digne suite : la possibilité de donner des ordres à ses équipiers à tout moment grâce à la croix directionnelle, et celle d’utiliser un ordinateur de visée – celui-là même que Luke coupera pour se fier à son intuition suite aux conseils d’Obi-Wan – afin d’identifier plus efficacement les cibles ennemies. Fidèle à la tradition instaurée par Rogue Squadron, Rogue Leader propose lui aussi de très nombreux vaisseaux et niveaux à débloquer grâce aux médailles, comme le Slave One de Boba Fett ou le chasseur Naboo qui fait son grand retour. On retrouve dans les niveaux bonus des séquences aux commandes d’une tourelle du Faucon Millenium qui rappellent les mêmes niveaux dans Shadows of the Empire, ainsi qu’un niveau où nous incarnons ni plus ni moins que Dark Vador menant un raid de riposte sur la base Rebelle de Yavin.

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