Dossier Star Wars : le début des années 90

Dossier Star Wars : le début des années 90

« Tu vas rentrer progressivement dans un monde nouveau. »

Obi-Wan Kenobi, Un Nouvel Espoir

Fort heureusement pour nous, l’industrie du jeu vidéo va se relever sous l’essor des compagnies japonaises Nintendo et Sega, mais ça vous le savez sûrement déjà, et nous ne sommes pas là pour retracer l’histoire complète du média. Toujours est-il que la NES accueillera plusieurs jeux Star Wars témoignant de plus d’ambition que les productions Parker sur Atari : plutôt que de s’inspirer de l’arcade et concevoir son action autour de boucles de gameplay assez simples répétées à l’infini, les adaptations d’Un Nouvel Espoir respectivement signées Namco sur Famicom en 1987 et Beam Software sur NES en 1991 sont avant tout des jeux de plate-forme où le joueur va traverser plusieurs niveaux dans des relectures parfois décomplexées du premier film. Toutefois, afin d’apporter de la variété à l’action, l’un comme l’autre n’hésitent pas à placer le joueur aux commandes du Faucon Millenium et d’un X-Wing quand le scénario l’exige, pour des niveaux largement inspirés des jeux Atari. L’air de rien, ces titres vont donner le la sur lequel bon nombre de jeux Star Wars accorderont leur diapason sur consoles de salon, à savoir des adaptations des films n’hésitant pas à alterner entre plusieurs types de gameplay pour redynamiser sans cesse l’expérience; la trilogie Super Star Wars de Sculptured Software débutée en 1992 sur Super Nintendo en est le parfait exemple.

Parallèlement à la sortie du jeu de Beam Software sortira un titre assez méconnu de par son statut d’exclusivité sur les micro-ordinateurs japonais PC98 et X68000 : Attack on the Death Star. Sous ses airs de version remasterisée de Star Wars : The Arcade Game, le jeu de MNM Software est bien plus révolutionnaire qu’il n’y paraît et c’est l’immersion qui fait un pas de géant en avant. Alors que le jeu d’Atari jouait sur la perspective en nous dévoilant le nez de l’appareil, Attack on the Death Star propose une véritable vue cockpit interactive : non seulement la modélisation de la verrière du chasseur donne aux joueurs l’impression d’être à bord, mais le tableau de bord fera également office de HUD permettant en un coup d’œil de vérifier l’état du vaisseau et surveiller les objectifs sur notre radar. L’utilisation de la musique et de voix digitalisées reprenant les répliques du film est également bien plus convaincante, avec des voix plus naturelles et des reprises des thèmes de John Williams omniprésentes : malgré les limitations techniques de l’époque, Attack on the Death Star se réapproprie les codes des films pour en restituer toute la dynamique des batailles.

Mais s’il y a bien un point sur lequel Attack on the Death Star est révolutionnaire, c’est son gameplay ! Si jusqu’à présent les jeux s’essayant au pilotage s’étaient contentés des mécaniques simples et efficaces du rail shooter, cette petite perle méconnue est tout simplement le premier titre Star Wars à permettre aux joueurs d’avoir un contrôle total de leur vaisseau avec des déplacements libres à 360° et la gestion – certes ici sommaire – de la vitesse. Pour la toute première fois, il est possible de se lancer dans des dogfights entêtés en poursuivant un groupe de TIE, et le jeu en profite pour nous proposer également des séquences où notre propre X-Wing est pris en chasse par des chasseurs ennemis, nous demandant d’esquiver les tirs et parvenir à décrocher. Dans le même ordre d’idée et afin de renouveler son gameplay, Attack on the Death Star nous rappelle que nous ne pilotons pas seul, et il faudra souvent sauver les miches d’un ailier pris pour cible. Alors oui, il ressemble peut-être à un simple remaster de Star Wars : The Arcade Game, mais Attack on the Death Star peut se targuer d’être le premier jeu Star Wars à se rapprocher d’un simulateur de vol et ce dès 1991.

En 1993, soit déjà dix ans après le Star Wars d’Atari, les sorties vont commencer à se multiplier et tirer profit des évolutions techniques du média. S’il fallait tirer un bilan de cette première décennie, c’est que l’arcade est maîtresse dans le domaine. La borne Atari aura inspiré aussi bien les séquences rail shooter des adaptations NES des films que le Attack of the Death Star de MNM Software, et son influence reste largement perceptible dans deux titres, pourtant assez différents, sortis pile dix ans après la borne. Son premier héritier, et probablement le plus évident, sera développé par Sega pour les salles d’arcade et se verra sobrement intitulé Star Wars Arcade.

Ai-je vraiment besoin de rappeler à quel point Sega régnait sur le marché de l’arcade dans les années 90 ? Forts de leur expertise sur des titres comme After Burner et G-Lock, les bougres savent y faire pour proposer des dogfights et accouchent d’un excellent titre. Sorte de fusion entre le jeu d’Atari et Attack on the Death Star, Star Wars Arcade invite les joueurs à affronter des vagues successives de chasseurs TIE dans des arènes entièrement ouvertes où il faudra jouer des gaz pour prendre en chasse les TIE mais également leur échapper, avec une mécanique qui semble directement reprise de l’exclusivité japonaise de 1991, jusqu’à finalement parvenir jusqu’à l’Etoile de la Mort affronter Vador et tirer le coup au but. Le jeu utilise la même technologie que Virtua Racing pour proposer des graphismes 3D bluffants d’immersion, et peut se jouer seul ou à deux ! En solo, le joueur est placé aux commandes d’un X-Wing avec un « Hotas » comme panel de commandes. Si par contre un second joueur se rajoute, le vaisseau piloté est un Y-Wing, les commandes principales restant attribuées au premier joueur tandis que son acolyte prendra les commandes d’une tourelle de tir en utilisant le second joystick de la borne. Grâce à sa borne et son panel de commande, ses déplacements libres et ses graphismes 3D impressionnants pour l’époque, Star Wars Arcade reste une expérience très immersive faisant la part belle à l’action. Sega oblige, un portage maison très réussi verra le jour sur 32X, l’extension de la Megadrive, avec des niveaux exclusifs et la possibilité de jouer soit en vue cockpit comme sur borne, soit en vue extérieure nous laissant admirer les polygones de notre chasseur.

Second héritier également paru en 1993 sur PC, Mac, 3DO et Sega CD, Rebel Assault est un rail shooter entièrement construit autour d’une technologie très en vogue dans le début des années 90, boostée par l’émergence du support CD : le Full Motion Video. Le joueur est invité à piloter des vaisseaux sur des vidéos qui défilent, avec une caméra pouvant adopter plusieurs positions selon les niveaux afin de proposer plusieurs types de gameplay. En vue cockpit, notre chasseur est posé sur des rails, ne laissant au joueur que le contrôle de son réticule de visée avec une marge de manœuvre pour ainsi dire nulle dans des segments explosifs où le but sera tout simplement de tout faire péter. Quand la caméra se place derrière notre engin, il nous faudra alors en prendre le contrôle et éviter les obstacles – en tentant de jongler avec une détection des collisions assez sévère et une maniabilité punitive où la moindre erreur peut entraîner la mort. Enfin, une caméra vue de dessus viendra de temps à autre varier les plaisirs en mixant les deux formules. En partant de ce gameplay très arcade, Rebel Assault invite ses joueurs à prendre part à une relecture très… libre d’Un Nouvel Espoir en y plaçant au passage une petite bataille de Hoth et énormément de libertés prises afin de proposer un minimum d’intérêt ludique à ce qui reste avant tout des cinématiques interactives. Il s’en dégage pourtant un certain respect de la licence, comme en témoigne la subtile référence aux propos de Luke Skywalker lors du briefing de la bataille de Yavin du premier niveau qui nous placera aux commandes d’un T16 Skyhopper afin de dézinguer des rats womps dans le canyon du mendiant. On peut également y retrouver une mission au sol qui ne viendra pas vraiment chambouler le gameplay et ne fait finalement que troquer les canons de notre chasseur contre celui de notre blaster.

Mais 1993 verra surtout la sortie du bien nommé X-Wing sur PC, développé par Totally Games – un studio réputé pour ses simulateurs de vol Battlehawks et Secret Weapons of the Luftwaffe. Ces titres visaient à reproduire, aussi fidèlement que possible, l’expérience d’un pilote de chasse au cœur de la Seconde Guerre mondiale, et c’est exactement ce que les développeurs vont appliquer à la licence Star Wars pour accoucher d’un simulateur de vol particulièrement exigeant. Au diable l’arcade et les rail shooters, dans X-Wing il faudra parvenir à faire corps avec votre chasseur et ne pas vous plonger tête baissée dans la mêlée pour obtenir la victoire ! Niveau immersion, on n’a jamais fait aussi fort avant cela : non seulement le jeu est intégralement joué en vue cockpit, mais il déguise même ses menus pour donner au joueur l’impression de se déplacer à bord d’un croiseur avant de décoller. Comme le jeu est une simulation qui demande de nombreuses heures de vol avant de parvenir à des résultats concluants, il propose, en plus des missions scénarisées formant la campagne principale, de nombreuses missions d’entraînement visant à progressivement dompter les nombreux chasseurs rebelles mis à notre disposition.

C’est bien simple, X-Wing sera un franc succès et le jeu reste acclamé encore aujourd’hui pour l’exigence de sa simulation et le plaisir ressenti au fur et à mesure que l’on en intègre ses mécaniques. Il connaîtra deux extensions, Imperial Pursuit et B-Wing, et sera réédité en 1994 dans une version légèrement améliorée et étoffée de contenu. Quand on pense que sa suite directe est également sortie en 1994 et connaîtra elle aussi deux extensions, on peut dire que les équipes de Totally Games n’ont pas chômé ! Avez-vous déjà rêvé de passer de l’autre côté, de rejoindre le camp opposé et vous battre non pas contre, mais pour les méchants ? Car c’est exactement ce que va proposer TIE Fighter : un simulateur de vol spatial aussi pointu que X-Wing, entièrement joué sous les ordres de l’Empire, une première non seulement dans le monde des simulations de vol, mais aussi des jeux vidéo Star Wars ni plus ni moins ! Dans un souci de fidélité aux films, le pilotage des chasseurs impériaux est encore plus exigeant que dans X-Wing, ce qui retranscrit assez bien la fragilité des chasseurs TIE.

Rebel Assault fera son retour sur PC et Playstation en 1995 avec une suite intitulée The Hidden Empire. Concrètement, on prend les mêmes et on recommence : comme le premier opus, Rebel Assault 2 est un jeu construit autour de cinématiques FMV, avec toutefois un bel apport technique. En effet, la résolution des « cinématiques interactives » a été largement revue à la hausse et le plaisir de jeu en ressort grandi. Si les évènements du premier Rebel Assault gravitaient plus ou moins autour du scénario d’Un Nouvel Espoir, The Hidden Empire témoigne de plus d’ambitions et raconte une histoire originale se déroulant entre la bataille de Yavin et la bataille de Hoth, où nous pourrons retrouver le pilote du premier opus comme personnage principal mais également Dark Vador comme antagoniste dans une aventure où il sera question d’empêcher l’Empire de mettre au point un nouveau prototype de super chasseur TIE. Outre cet apport scénaristique, le gameplay est repris à l’identique pour les séquences de vol en vue cockpit pour les affrontements et vue arrière du vaisseau pour les passages ardus à traverser, bénéficiant d’un rien plus de précision dans l’exécution mais toujours aussi frustrants dans la forme. Visiblement assez fiers de la mission au sol du premier Rebel Assault, les développeurs ont également décidé d’en proposer plus fréquemment, avec en prime un système de couverture à la Time Crisis qui, on ne va pas se le cacher, rend ces segments maladroits et vite frustrants : on sent bien que le concept de proposer un jeu de pilotage en FMV a très vite atteint ses limites, et The Hidden Empire sera le dernier Rebel Assault. Le portage du jeu sur Playstation sera confié au studio Factor 5, qui signe ici son premier contact avec la licence Star Wars en jeu vidéo. Le studio allemand ne va pas se contenter de simplement faire tourner le jeu sur console, il va complètement retravailler certains niveaux de sorte qu’il soit possible d’y basculer la caméra de la vue cockpit à derrière le vaisseau. Loin d’être anodine, cette nouvelle perspective permet de déplacer notre chasseur plutôt que son viseur, en ouvrant autant que possible le gameplay tout en restant fidèle au matériau d’origine. S’ajoutant à la possibilité de faire basculer son vaisseau sur la tranche, cette caméra alternative transforme les niveaux où elle est disponible en une sorte de Starfox dans l’univers de Georges Lucas

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