De mémoire de joueur, on n’a jamais vu ça ! Un jeu dont la boîte renferme une version pour la console actuelle et son équivalent pour la génération précédente avec laquelle ladite console est rétrocompatible. La Wii U nous étonnera toujours, une console atypique, on ne cesse de le dire.

La boîte de Rodea the sky soldier ne contient pas un, mais deux disques ! Pas un, mais deux livrets ! Pas une simple pochette, mais une double jaquette réversible ! Tout le matériel nécessaire pour transformer votre jeu Wii U en édition Wii. Une curiosité qui passerait inaperçue si le créateur de Rodea n’avait pas alerté la communauté sur son compte Twitter : « Rodea the sky soldier will be released today in North America! Please play the Wii version. » Et quand ce créateur s’appelle Yuji Naka, on l’écoute.

Qui est Yuji Naka ? Non, vous vous moquez de moi… Ou peut-être pas et c’est désolant. Car pendant que Miyamoto jouit d’une réputation planétaire, le créateur de Sonic galère dans un anonymat relatif. Ouais, Sonic ! Sur Mega Drive ! Et bien d’autres choses par la suite, mais Sonic Mega Drive quoi ! Alors que le grand maître de Sega pourrait briller d’une gloire méritée, il a toutes les peines du monde à sortir un jeu, rappelant pourtant l’un de ses anciens succès : Nights into dreams sur Saturn. Pour celui qui évoque Rodea the sky soldier sur Wii depuis 2010, la sortie sur Wii U doit être à la fois un soulagement et une déception, d’où son tweet explicite.

Yuji Naka fait-il sa diva ? C’est ce que nous allons voir en empoignant d’abord le disque Wii U. Et là, Mesdames et Messieurs, le didacticiel ! Je vous épargne la description de la procédure pour faire simplement voler votre héros, un véritable crève-cœur pour tout amateur de jouabilité légère – fâcheux pour un soldat du ciel. Péniblement, vous aurez peut-être l’opiniâtreté de poursuivre le « plaisir » jusqu’à la fin du premier stage et la découverte des possibilités d’amélioration du héros. Mais quand le jeu vous proposera de sélectionner le chapitre deux sur la carte, le tweet de Yuji Naka vous intriguera suffisamment pour redémarrer votre console en mode Wii.

Vous l’entendez, cette musique qui appelle à l’aventure ? Reparti sur cette base entraînante, Rodea nous invite à lui donner une seconde chance. On empoigne sa Wiimote sans fermer la dragonne – on est des dingues – et revoilà le didacticiel… Magie ! la maniabilité bâtarde au Gamepad fait place à la souplesse des mouvements instinctifs à la Wiimote. Hourra, crie-t-on, sans comprendre toutefois pourquoi les contrôles à la Wiimote ne sont pas gérés sur Wii U. Pour mieux coller à la version 3DS ? Par pure méchanceté ?

Il n’est pas idiot de penser que la maniabilité à la Wiimote est apparue trop ringarde aux yeux des éditeurs. D’autant plus que Rodea sur Wii U s’encombre de caractéristiques censément modernes : les possibilités d’amélioration, la carte du monde, les dialogues à faire défiler soi-même. Du gras, rien que du gras ajouté à la conception originale du jeu. Jouez léger, jouez sur Wii ! Et ne vous lamentez pas trop sur la perte graphique, la technique est médiocre sur Wii U également.

Rodea est un robot à forme humaine qu’on a investi d’une mission : sauver Garuda, une contrée faite de petits îlots suspendus dans les airs. Il y a mille ans – rien que ça – Rodea s’est pris une raclée dans un combat contre le vilain du monde d’à côté désireux de pomper les ressources naturelles de Garuda. Dix siècles plus tard, une jeune fille retrouve sa carcasse, la répare et appuie sur « ON » : Rodea 2 le Retour ! Hélas, notre petit robot a perdu la mémoire (mille ans sans rebooter son Windows, ça ne pardonne pas) et a surtout oublié… qu’il avait un cœur. Un petit cœur qui bat dans son armure de métal et qui fait de lui le synthétique le plus serviable de l’univers. Je sais ce que vous vous dites : il ne manque plus qu’une photo de chat tout mignon qui se tient le museau entre les coussinets. Pourtant, Rodea reste dans les degrés raisonnables sur l’échelle du « cute ». C’est juste mignon, gai, sympathique, enjoué, rigolo – oui j’aime ça. Rodea illustre aussi cette philosophie dans ses cinématiques, qui rappellent celles des Sonic en 3D sans en atteindre toutefois le niveau technique.

Le jeu se décompose en 25 chapitres isolés et sanctionnés par un score (vitesse et recherche d’items). Chacune de ces scènes parachute Rodea dans un niveau, où un faisceau lumineux marque sa destination. Entre son point de départ et cet objectif, Rodea a heureusement la possibilité de s’écarter du chemin rectiligne pour découvrir des trésors cachés, plus ou moins difficiles à atteindre. Va et vole maintenant Rodea, déploie tes ailes de robot romantique et sauve le monde !

De l’autre côté de l’écran, vous dirigez Rodea en balayant votre Wiimote. Outre les déplacements lourdauds sur le sol, tout se fait à la détection de mouvements. Rodea ne vole pas automatiquement, il lui faut un objectif suffisamment proche vers lequel s’élancer. Il peut s’agir d’un mur, d’un objet ou d’un ennemi, beaucoup de possibilités en somme qui rendent le déplacement intéressant. Concrètement, vous pointez vers un élément à proximité et appuyez sur la gâchette arrière. Rodea s’approche alors tranquillement de la destination pointée et change de cap en plein vol lorsque vous lui assignez un nouveau point à atteindre. Et ainsi de suite jusqu’à créer un élégant parcours aérien tout en courbes et en douceur. Un vrai délice !

Les niveaux comportent aussi des trajectoires prédéfinies symbolisées par un chemin de gemmes ; si vous pointez sur l’une des gemmes et dans le bon axe, Rodea suivra (à l’image d’un certain Sonic en 3D) le chemin comme un grand dans une forte accélération. Accélération que vous pouvez aussi enclencher vous-même en appuyant sur « A » au lieu de la gâchette arrière. Rodea fonce alors vers le pointeur et rebondit sur son objectif, qu’il s’agisse d’une paroi, d’un réceptacle de bonus ou d’un ennemi. En bondissant d’ennemi en ennemi sans toucher le sol, Rodea fait monter son multiplicateur et affirme encore son côté arcade. C’est décidément la toute grande classe et très gratifiant, même si la caméra libre peut parfois vous couper dans votre élan. Par ailleurs, Rodea peut trouver en chemin quelques bonus bien pratiques, grâce auxquels il peut tirer sur ses ennemis, activer des passages dans les airs, verrouiller plusieurs cibles ou endurer un coup supplémentaire.

Capture officielle de la version Wii U

Rodea a même l’élégance de ne pas tout gâcher dans ses combats de boss (comme dans Sonic Rush, au hasard). Ces gardiens immenses – assez impressionnants pour de la Wii – ont des points faibles explicites et se démontent assez facilement pour ne pas vous bloquer trop longtemps. Même bon goût pour les affrontements contre les semblables de Rodea, des petits robots sans cœur ceux-là (enfin…) qui offrent un défi raisonnable. Tout serait parfait en réalité sans cette dernière succession de boss en fin de jeu. Trois boss à la suite plus fatigants qu’amusants, spéciale dédicace au tout dernier qui nous rappelle les problèmes de caméra au plus mauvais moment. Espérons que vous ne restiez pas sur cette mauvaise impression, car les niveaux précédents ont franchement de la gueule. Le dernier quart de l’histoire regorge de scènes épiques, vertigineuses et intéressantes à jouer. Le genre de final qui vous donne envie d’un Rodea 2 là tout de suite – alors oubliez cet affreux boss final.

En version Wii uniquement, Rodea the sky soldier propose également une déclinaison multijoueur. Cependant, on atteint ici la limite de la rétrocompatibilité Wii U, puisque le multijoueur nécessitera la possession de plusieurs Wiimote. Or, après le Game Pad et la manette Wii U Pro, la télécommande n’est que la troisième option sur Wii U. Alors s’il faut en détenir plusieurs…