Console Wars, pourquoi Sega était plus fort que toi

Console Wars, pourquoi Sega était plus fort que toi

États-Unis, années ’90. Au milieu du désert commercial dans lequel Atari a enfoui les consoles de jeu, un nouvel espoir est né. Une société japonaise a ramené de l’ordre dans le secteur grâce à son système de contrôle renforcé. Elle monopolise désormais les ventes en exportant ses méthodes, ses grands jeux et même le beau-fils de son patron. La confiance des consommateurs est revenue et le marché semble florissant, si bien qu’une autre entreprise japonaise défie le leader avec un argument valable : une console plus puissante que la NES.

Console Wars nous raconte cette histoire extraordinaire, celle du lancement américain de la Sega Genesis (notre Mega Drive). Tout commence quand Hayao Nakayama, le patron de Sega, offre la présidence de Sega of America à Tom Kalinske, un commercial de génie qui a relancé la Barbie de Mattel. Avec quelques employés fidèles et motivés, Kalinske va construire le Sega que nous avons connu et le faire rivaliser avec le géant Nintendo. Jusqu’à le dépasser dans les ventes américaines… juste avant de rater une marche avec son 32X et de dégringoler avec sa Saturn.

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Console Wars nous fait revivre l’époque des fameux salons CES de Chicago et de Las Vegas (source : Flickr https://flic.kr/s/aHsjp2rSP7)

L’auteur de Console Wars, Blake J. Harris, a mené plus de deux cents entretiens avec les protagonistes côté Sega et côté Nintendo. Le résultat imprimé présente les méthodes de cow-boy, les coups marketing et l’acharnement positif qui ont marqué cette concurrence Sega-Nintendo, parfois à la limite du réglo. Le livre décrit aussi l’ambiance extraordinaire dans laquelle évoluent les employés de Sega of America dans les années ’90. Gare au lecteur un peu rêveur, qui pourrait avoir du mal à aller travailler le lundi en comparant son propre job à la séquence magique vécue par Tom Kalinske et sa bande. Même si la fin de l’aventure des pionniers de Sega a le goût déprimant de la réalité du quotidien…

Comme nous l’avions déjà souligné dans notre critique de la bible Super Nintendo de Pix’n Love, de nombreux commentateurs de la chose vidéoludique ont tendance à réécrire l’histoire à la lumière du présent. La situation est facile à analyser : Nintendo reste un constructeur majeur de l’industrie, tandis que Sega relève seulement de la catégorie des grands éditeurs. Le premier était donc objectivement supérieur au second, CQFD ! Console Wars ne souffre pas de ce « révisionnisme » et va chercher la vérité de l’époque dans la bouche des acteurs. Bien que l’auteur nourrisse manifestement une grande admiration pour Tom Kalinske et ses proches collaborateurs, il ne dénigre jamais l’autre camp et salue même l’approche de Nintendo visant à protéger et satisfaire le client (souvent jeune) de ses produits. Reste que la formule rock ’n roll du sale gosse Sega of America est plus attrayante.

Tom Kalinske et son pote Sonic (source : engadget.com)

Tom Kalinske et son pote Sonic (source : engadget.com)

Blake J. Harris nous replonge ainsi dans un duel auquel nous avons assisté entre les lignes des pages des magazines, dans les rayons des magasins de jouets et surtout par les discussions dans la cour de récréation. N’importe quel prof de français aurait sauté de joie en corrigeant une dissertation sur la célèbre phrase « Sega, c’est plus fort que toi » ! Mais Console Wars est bien plus qu’une bible nostalgique, car il nous montre l’envers du décor, la force des stratégies, les jeux politiques et les motifs de certains choix. Parmi les meilleurs extraits du livre, il y a certainement la savoureuse création du personnage de Sonic, la collaboration avec Sony ratée aussi bien par Sega que par Nintendo (lourde de conséquences) et le Sonic 2sday – le premier lancement mondial simultané, saboté par Sega Japon, pour Sonic 2.

Console Wars se lit comme un roman. Tout le mérite en revient à son auteur, qui construit son récit comme un thriller avec des rebondissements (authentiques) à chaque chapitre. De la plus délicieuse des manières, il sème aussi, à la sauvette, des détails et des anecdotes dont le sens n’échappera pas aux passionnés de jeux vidéo que vous êtes. Comme seule petite réserve, on regrettera que la situation européenne soit limitée à la réalité britannique et pas assez représentative des événements en Belgique et en France, par exemple.

Console Wars n’est encore disponible qu’en anglais, dans une langue compréhensible pour un lecteur avec un niveau correct. Sa traduction serait prévue aux éditions Pix’n Love (pour septembre selon Amazon). Enfin, il aura droit à une adaptation cinématographique pour laquelle Blake J. Harris mâche le travail du scénariste. Avec un tel sens de la mise en scène, il a réuni tous les ingrédients pour un futur film culte de notre communauté. Le livre, lui, est d’ores et déjà une référence.

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