Ultros

Ultros

Bienvenue dans le Sarcophage, un vaisseau spatial perdu dans l’immensité interstellaire. Enfin pas vraiment un vaisseau, plutôt un « utérus cosmique » qui abrite une faune et surtout une flore particulières. Un démon nommé Ultros y serait également enfermé… Qui êtes-vous dans cette histoire et comment allez-vous interagir avec le monde du Sarcophage ?

On n’est pas contraires chez Press-Start. Quand on reçoit une clé de téléchargement avec la demande explicite de ne pas gâcher la découverte du jeu, on essaie de respecter ce souhait. Autant vous dire que ce ne sera pas évident avec Ultros, mais je m’engage à ne pas vous dévoiler la façon dont Ultros tord le genre du metroidvania. Ma seule entorse à cet exercice d’équilibriste entre les spoils sera de vous dire que cette distorsion du genre est réussie, originale et inattendue, d’où l’intérêt de vous la cacher ici.

Alors commençons par ce que j’estime être en droit, pardon, en devoir de vous présenter. J’ai entendu un développeur qualifier son œuvre de « gardenvania », et cela mérite quelques explications. Le Sarcophage d’Ultros est une terre fertile. Il n’attend qu’une chose : accueillir la vie végétale. La carte du monde est ainsi parsemée de spots de jardinage, où vous pouvez planter des graines. Mais quelles graines ?

La traversée du monde d’Ultros n’échappe pas à certains poncifs du genre, tels que l’incontournable double saut. Cependant, pour progresser, vous pouvez aussi mettre à profit ce que vous avez appris dans les émissions de jardinage du dimanche à la télé. Planter la bonne graine au bon endroit est un plaisir mais aussi une nécessité pour avancer. Telle plante se transforme en plateforme surélevée, telle autre accouche de lianes ou forme un mur d’escalade, etc. Comme dirait le pro gamer Voltaire, il faut cultiver votre jardin, d’autant plus si vous visez l’exploration complète du monde, riche en heures de jeu.

Maintenant, ouvrez les yeux et regardez les captures d’écran : Ultros a du style ! Le style de Moebius en l’occurrence, le dessinateur français est d’ailleurs cité comme référence dans les crédits du jeu. Derrière cet hommage, on trouve « El Huervo », un artiste déjà reconnu pour son travail sur Hotline Miami. La conception graphique du Sarcophage et de ses habitants est, selon moi, la principale attraction d’Ultros. Sans elle, le jeu garderait ses bonnes idées, mais ne captiverait que les plus mordus du système. Pour le joueur moyen, la partie sera surtout une succession de tableaux extraordinaires sur le plan artistique. Le design des personnages est à l’avenant, et l’animation est prodigieuse. Il faut voir l’héroïne courir ou se lover dans une capsule de sauvegarde ; c’est magnifique ! Avec une telle patte, l’univers est bien sûr psychédélique, jusque dans son scénario bien caché derrière des volutes de fumée qui fait rire.

Au-delà de ce trip visuel, Ultros dégage une double impression paradoxale. Les premiers pas font ressortir une ambiance sanguinolente et gore. Par exemple, lorsque vous terrassez une créature, vous récupérez sa viande et pouvez la dévorer pour récupérer de la santé. Et cela, le jeu vous le montre d’une manière très crue, avec votre héroïne qui déchiquète les restes du cadavre. Les combats de boss ne sont pas non plus avares en sang et en viscères. À l’inverse, il y a tout un pan de bienveillance qui se dévoile au fur et à mesure. Le jardinage y est pour beaucoup, mais aussi les interactions avec certains personnages et l’accomplissement d’un objectif du jeu : établir des liens, des connexions entre les êtres vivants des règnes animal et végétal. Ah, et si vous supportez mal de trancher dans les créatures pas toujours agressives, jetez-leur un peu de nourriture pour vous en faire des amis. Cette apparente contradiction entre deux atmosphères vous donne la sensation de faire partie d’un monde et d’avoir la mission d’en prendre soin. Dans Ultros, la violence n’est pas obligatoire.

Certes, vous vous ferez attaquer parfois et il faudra bien récupérer de la vie en mangeant. D’abord de la viande, plus ou moins nourrissante en fonction de vos talents de boucher (plus vous diversifiez vos techniques, plus les restes seront riches en nutriments). Ensuite, votre passion du jardinage vous rapportera aussi des fruits à déguster, cette fois sans arrière-pensée. En plus de faire remonter votre santé, votre régime alimentaire remplira plusieurs jauges qui servent à développer des capacités : un coup de pied sauté, un indice sur la carte, une aptitude physique supplémentaire, etc.

Jusqu’ici, il n’y a rien à reprocher à Ultros. La seule réserve que je formulerais, mais elle est de taille, concerne la maniabilité. Jamais au cours de ma partie je n’ai pris plaisir à diriger mon héroïne. Il flotte un parfum général d’imprécision dans les commandes, qu’aucune capacité additionnelle ne parviendra à régler. Dès lors, si vous abordez Ultros comme un jeu d’action, l’aventure sera laborieuse : les combats ne seront guère satisfaisants, certains mouvements manqueront de délicatesse et l’exploration sera dérangeante par moments. En réalité, je pense qu’Ultros ne s’apprécie réellement qu’en optant pour une approche posée et non violente. Cette approche est tout à fait légitime, ce n’est juste pas celle que j’ai privilégiée.

Pour revenir dans la colonne des bons points, la bande-son de « Ratvader » est époustouflante ! Ratvader, qui m’avait déjà tapé dans l’oreille avec The Gunk, réussit à varier les styles sans fausse note. Superbe par son côté inattendu, la musique est tantôt apaisante et mystique, tantôt folle lors des combats de boss (qui ont bien besoin de ce petit remontant). En fin de compte, je ne sais pas si je préfère les graphismes ou les musiques d’Ultros, c’est vous dire la qualité de ce qui pénètre dans les conduits auditifs du joueur.

Note

14/20

Ultros mérite toutes les louanges pour sa direction artistique, aussi bien graphique que sonore. L’aventure ressemble à une œuvre d’art qui émerveille à chaque pas. Le concept de faire un metroidvania différent fonctionne aussi, une sacrée prouesse compte tenu de la congestion du genre. Les défauts de maniabilité noircissent hélas le tableau, même si cela vaut le coup de les ignorer pour profiter de cette œuvre atypique.

Réactions

  • Johnny Ofthedead le 09/04/2024

    Les Maitres du Temps sous acide !

    J’ai ce jeu dans mon viseur depuis sa sortie et je suis content de pouvoir découvrir ton avis. J’avoue que pour le coup, la maniabilité me refroidi un peu… Bref j’attendrai probablement les soldes.

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    • spacecowboy le 10/04/2024

      Merci pour ton commentaire, Johnny !
      C’est vrai que la maniabilité casse l’ambiance. Ceci dit, j’ai joué à Ultros juste après le nouveau Prince of Persia, qui est un bijou de précision. La comparaison n’est pas flatteuse du tout pour Ultros sur ce plan.

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