Zero Escape – Une trilogie pas comme les autres

Zero Escape – Une trilogie pas comme les autres

Les jeux d’aventure ont toujours été une passion pour moi depuis l’époque des premiers jeux LucasArts sur mon 386 (un PC antérieur au Pentium pour ceux qui n’ont pas connu la guerre froide). Alors certes le genre a pas mal évolué depuis pour aboutir aux productions de Telltale Games (voir mon test de la saison 3 de the Walking Dead). Cependant il existe une variante de ce genre, dont le pays du Soleil-Levant est très friand : les visual novels. Pour ceux à qui ces mots n’évoquent rien, un visual novel est assez similaire à un livre illustré. Le joueur est spectateur des évènements qui se déroulent devant lui, il doit donc lire beaucoup de dialogues et bien suivre l’histoire afin que lorsqu’on lui donne enfin la possibilité d’interagir, il fasse son choix en âme et conscience. L’avantage de ce système c’est que contrairement aux jeux de la firme Telltale Games, vos choix ont bel et bien un poids sur le déroulement de l’histoire en ce sens que plein de fins sont disponibles. Mais toutes les fins ne sont pas heureuses et la « vraie fin » est le Saint-Graal qui vous demandera une implication plus grande dans l’histoire.

Le visual novel a été décliné en une multitude de variantes possibles et imaginables, allant de la simulation de rendez-vous galant (non pas avec Jacqueline) au survival horror en passant par les enquêtes policières. C’est d’ailleurs dans cette dernière catégorie que bon nombre de jeux tentent d’innover en entrecoupant les phases de dialogues avec des énigmes comme dans la série Layton, des débats plus animés comme les plaidoiries de la licence Ace Attorney ou les conseils de classe de Danganronpa (vous commencez à sentir ma passion pour ce genre de jeux).

Tous les titres que je viens de citer ont eu une couverture médiatique assez importante mais il y a une licence qui m’est particulièrement chère bien que confidentielle : celle des « Zero Escape ». Développée par le studio Chime et distribuée au Japon par Chunsoft, elle est le produit d’un studio et d’un éditeur spécialisés dans le genre des visual novels. La série est plus qu’un titre parmi tant d’autres, car l’éditeur japonais a voulu qu’elle devienne son porte-étendard afin d’attirer plus de personnes sur ce genre de jeux. Le scénario a été alors confié à Kotaro Uchikoshi, scénariste de Memory Off et surtout Steins Gate, série phare au Japon qui s’est déclinée, elle aussi, en plusieurs épisodes vidéoludiques mais également en de nombreuses adaptations en dessin animé. La production des Zero Escape est donc loin de celle d’un petit jeu indépendant et l’éditeur a vraiment voulu mettre les petits plats dans les grands.

Seuls trois volets sont sortis à ce jour. La série a débuté en 2009 avec l’épisode « Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors » disponible d’abord en exclusivité sur Nintendo DS puis sorti en 2014 sur iOS et dont un portage sur PC, PS4 et Vita est attendu pour cette année 2017. Ce premier jeu est donc assez confidentiel mais une suite, Virtue’s Last Reward, a été réalisée sur 3DS et Vita en 2012 et devrait, elle aussi, être adaptée en 2017 sur PC et PS4. Enfin le dernier volet Zero Time Dilema est sorti en 2016 sur 3DS, Vita et Windows (pas d’adaptation PS4 prévue à ce jour).

Bref les jeux Zero Escape se jouent actuellement sur une console portable et commencent tout doucement à arriver dans votre salon en cette année 2017. Mais comment attirer le chaland dans cet océan de jeux à textes qui se ressemblent à peu près tous ? En proposant une histoire assez déroutante, avec plein de morts et un gameplay éprouvé mais aussi original bien sûr…

The nonary game

Pas facile de raconter l’histoire de la saga sans dévoiler les nombreux twists qui la parcourent, mais commençons par la marque de fabrique de la série : 9 personnes enfermées dans un espace clos et qui, pour en sortir, doivent jouer le jeu de leur hôte, Zero. Le jeu consiste en une variante de Koh-Lanta assez mortelle puisque les protagonistes doivent voter à échéances régulières contre d’autres protagonistes, les condamnant à des morts plus ou moins douces (et c’est un euphémisme) afin de pouvoir à terme sortir de leur prison. Comment les héros sont arrivés là, mystère… Et pourquoi Zéro leur impose ce jeu sadique si ce n’est pour son plaisir, la réponse ne serait pas aussi évidente. Mais si les protagonistes ne s’y plient pas la sanction est immédiate : la mort pour tous grâce à un bracelet mis à leur poignet à leur insu contenant du poison ou un explosif selon les volets.

Les 9 personnages changent d’une aventure à l’autre et l’histoire aussi évolue dans le temps. Le premier volet se déroule sur un bateau en train de couler alors que le second se situe sur une base lunaire et enfin le dernier volet dans le désert de l’Arizona. Cependant deux constantes apparaissent : d’une part, la période durant laquelle l’intrigue se déroule, la période des fêtes de fin d’année dans la décennie des années 2020 et, d’autre part, deux personnages récurrents, Sigma et Phi. Bizarrement l’aspect physique de ces derniers change assez nettement d’un épisode à l’autre alors que finalement les jeux ne s’étalent que sur une période de moins de 10 ans…

Bon je vais m’arrêter là pour l’intrigue qui est l’une des raisons principales pour lesquelles vous jouerez (ou pas) à ces jeux. Sachez que même si le mystère paraît très nébuleux au début de l’aventure, les révélations faites au fur et à mesure vous donneront envie d’en savoir plus…

Oui les bracelets de la « mort » ont été édités en vrai et ils sont collectors pour beaucoup de fans de la série.

Le Chat de Schrödinger

Abordons maintenant la jouabilité et l’intérêt vidéoludique des Zero Escape. Deux phases de jeu sont à distinguer :

  • les missions de sortie (escape) ;
  • la narration en elle-même.

Pourquoi aborder la narration comme un élément du gameplay ? Parce que dans ce cas précis, elle constitue vraiment une partie essentielle du plaisir de jeu mais je vais détailler cela un peu plus tard.

La vue dans le mode escape (en noir et blanc comme dans le jeu)

Au cours de votre aventure, vous allez vous retrouver enfermé avec vos compères dans une pièce dont vous allez devoir sortir. Fini les écrans fixes et les textes à lire, place à l’action. Enfin ne vous imaginez pas voir des explosions et un body count à faire péter le plafond. Vous vous retrouverez comme dans un Myst à regarder des éléments de décors, à prendre des objets et des notes afin de résoudre les énigmes présentes dans la pièce. Celles-ci consistent souvent à introduire un mot de passe ou à tourner les interrupteurs dans le bon sens. J’avoue ne pas être fan de ces phases de gameplay mais sur console portable avec l’écran tactile et la possibilité de prendre des notes manuscrites, les passages d’évasion sont finalement assez agréables pour peu que le sudoku du journal Metro ne ressemble pas pour vous à une équation spatio-temporelle. Une fois les énigmes d’une pièce résolues, on arrive au « decision game » où vous devez faire un choix lourd de conséquences…

Tirer ou ne pas tirer n’équivaut pas forcément à tuer ou ne pas tuer, à vous de choisir…

Nous voilà au cœur du jeu, le fait de décider (l’abstention n’est pas possible) pour qui voter – qui va avec qui, appuyer sur un bouton ou non – déclenche une réaction d’évènements en chaîne aux conséquences irrémédiables : le game over ou la poursuite de l’intrigue. Du moins le croit-on la première fois car, c’est la force de ces jeux, vous pouvez revenir à n’importe quel moment grâce à un arbre de décisions tentaculaire. Ainsi, certains embranchements ne pourront être franchis sans que vous ayez récupéré les informations dans d’autres sections qui ne se terminent pas toujours bien. En résumé vous voyez l’envers du décor de la structure narrative et le jeu exploite cette capacité, vous forçant à utiliser tout le potentiel de l’histoire tentaculaire qui vous est offert. Et si certains se demandent pourquoi cette possibilité assez inédite est donnée au joueur, je les renvoie vers le titre de mon paragraphe qui leur donnera un petit indice de l’histoire principale…

La structure de la narration où vous pouvez naviguer comme bon vous semble.

L’effet papillon ?

La force des Zero Escape réside dans leur scénario et le vent de fraîcheur qu’ils apportent au genre grâce à la navigation dans l’arbre de décisions à tout moment. Mais tous les épisodes ne se valent pas et il y a clairement une progression dans la dynamique des jeux. Afin de bien comprendre l’histoire, je conseille de faire la trilogie dans l’ordre même si le Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors n’est pas l’épisode le plus catchy et le plus abouti. Dans celui-ci vous devrez faire une première fois le jeu de bout en bout avant d’accéder à l’arbre de décisions. Hélas, après la révélation finale, pouvoir revenir en arrière dans les embranchements scénaristiques apparaît plus comme une corvée que comme une bonne idée. Heureusement que Last Virtue’s Reward et Zero Time Dilemma s’affranchissent immédiatement de cette contrainte en partant du principe que le joueur sait pourquoi il peut naviguer dans le scénario.

Vous naviguez entre équipes et entre fragments de l’histoire.

Techniquement parlant la qualité des jeux reflète leur support d’origine. Graphiquement, vu que les protagonistes sont dans une prison de luxe, ce n’est pas moche mais pas très folichon non plus à cause des décors parfois assez vides (à l’exception du dernier volet Zero Time Dilemma qui propose deux ou trois effets graphiques assez remarquables). En revanche, les personnages ont des animations soignées. Les musiques collent bien à l’ambiance mais rien de très transcendant alors que les doublages japonais sont vraiment impeccables. L’utilisation de l’écran tactile est vraiment pratique pour les phases d’évasion et permet de réaliser les énigmes ainsi que de prendre des notes aisément. La durée de vie est énorme, comptez une trentaine d’heures pour avoir réussi à débloquer la vraie fin. Évidement une fois celle-ci atteinte, vous pourrez ranger le jeu sur votre étagère comme n’importe quel bon livre.

Une énigme parmi tant d’autres.

En conclusion, les jeux de la série des Zero Escape sont une excellente alternative aux Layton ou Ace Attorney pour les joueurs adultes en quête d’une histoire tordue qui vous propose de voir l’envers du décor de son intrigue grâce à son gameplay et sa structure narrative hors du commun. J’espère que son arrivée sur Windows ainsi que sur PS4 (et, qui sait, mon article) va lui permettre de sortir de son antre confidentielle car l’histoire est vraiment originale et vaut le détour.

Afin que vous vous fassiez une idée de la qualité des titres voici leurs trois bandes annonces :

 

 

 

Réactions

  • gazza8 le 02/02/2017

    Merci pour cette présentation d’une série originale, de qualité, et qui donc mérite d’être plus connue. Je me suis régalé avec 999 (sur DS) il y a quelques années.

    Vous mentionnez le survival horror en visual novel : quel jeu par exemple ?

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  • robocop3000be le 14/02/2017

    La série des Corpse Party dont un article devrait bientôt arriver sur le site 😉

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