Cet article fait partie d’un dossier en trois parties sur le thème des ponts entre jeux vidéo et jeux de société. Le dossier est organisé comme suit :

• Partie 1 : Introduction
• Partie 2 : La relation entre jeu vidéo et jeu de société
• Partie 3 : Le retour du jeu de société et les raisons de son succès

3. Le retour du jeu de société, les raisons de son succès

Il y a bel et bien une recrudescence des jeux de société, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le succès croissant des conventions telles que Spiel, la Gen Con ou même le Brussels Games Festival, l’envol des ventes lors de ces dernières années, ou encore le développement de la communauté autour de cette passion. Les raisons de ce succès, dont Connor Lennon affirme qu’il sera durable, sont bien évidemment multiples. Examinons cela de plus près.

Le joueur à nouveau au cœur du gameplay

Paul Dean, un journaliste spécialisé dans le gaming, avance que l’avènement du jeu vidéo en ligne a remplacé les gaming parties où plusieurs personnes se rendaient physiquement à un endroit pour jouer à des jeux vidéo sur console. Conséquemment, le jeu de société est donc redevenu un moyen de se réunir autour d’une table et de retrouver cette dynamique sociale unique en ce qu’elle autorise l’interaction directe entre les joueurs. C’est ainsi l’être humain qui se retrouve au cœur du jeu, en lieu et place de l’écran.

(..) le désert de la vraie vie est toujours un endroit très séduisant pour vivre l’essentiel de leur vie aux yeux des citoyens lambdas de l’Ouest. Mais les jeux de société, dans leur tentative de ramener à la vie une sociabilité non-digitale, dans leur incitation à l’expertise de jeu et à la stratégie plutôt que la simple dextérité, dans leur richesse esthétique et leur variété thématique, offrent une alternative saine au martèlement des touches et des boutons.Doug Mann

Une amélioration qualitative des jeux de société

L’âge d’or du jeu de société dont nous sommes actuellement témoins (ou acteurs !) tient également à l’amélioration qualitative des jeux présents, et de leur diversité. Comme indiqué dans le chapitre précédent, les jeux de société sont actuellement plus spécialisés, plus segmentés, et visent souvent des publics de niche. Rien d’étonnant donc à ce qu’ils poussent leur concept plus loin, débarrassés de la contrainte de devoir plaire au plus grand nombre. Nous assistons donc à des jeux dorénavant décomplexés, osant s’affranchir des codes et du langage qui régnaient dans les années 80 et 90 et qui conduisaient souvent à une uniformisation du jeu de société, véritable bride à la créativité des designers.

Le Web comme facilitateur

Nous mentionnons plusieurs projets de jeux de sociétés tels que Dark Souls ou Plague Inc. qui avaient rencontré un succès incontestable sur Kickstarter et Indiegogo. Il va sans dire que ces plate-formes de financement participatifs constituent un double avantage permettant l’émergence de jeux de société originaux et indépendants. D’abord, le financement participatif permet de libérer des sommes d’argent que des éditeurs refuseraient souvent de dégager sans certitude de leur rentabilité financière; ce nouveau modèle économique permet de s’assurer qu’un projet est fiable financièrement avant de le produire, ce qui renverse la logique économique traditionnelle. D’autre part, les campagnes de financement participatives sont un formidable outil de communication vers son public, à tel point que certaines campagnes ont été lancées par des sociétés qui savaient pertinemment bien qu’elles rempliraient leur objectif à coup sûr. C’était par exemple du très polémique Shenmue 3 qu’une gigantesque communauté de fans attendaient depuis des années et qui, soyons honnêtes, avait avant tout pour objectif de communiquer sur le jeu que de récolter des fonds pour la réalisation du jeu.

Il est par ailleurs évident que les réseaux sociaux agissent également comme catalyseurs du phénomène de renouveau du jeu de société, puisqu’ils favorisent l’émergence de communautés autour de cette passion et qu’ils facilitent la gestion des contraintes logistiques liées au jeu de société.