Forspoken

Forspoken

Dévoilé en juin 2020 lors du State of Play consacré à la première présentation de la Playstation 5, Project Athia est un titre qui n’a pas manqué de capter directement mon attention. Cette production Square Enix, en exclusivité console pour la petite dernière de Sony, nous présentait effectivement un monde intrigant qui n’a pas manqué de me rappeler directement Final Fantasy XV et pour cause, le jeu était développé par l’équipe interne qui s’était chargée de FFXV. Episode clivant s’il en est, le dernier Final Fantasy en date m’avait pourtant envouté et je me réjouissais déjà de mettre les mains sur le jeu, tant le trailer de ce State of Play me faisait remonter de doux souvenirs des aventures de Noctis. Après un report, alors que le titre était pressenti comme sortant pour la première année de vie de la Playstation 5 – une décision que je trouve d’ailleurs bienvenue en période de pénurie des consoles et donc de très faible parc installé de machines –, et un changement de nom, je dois bien admettre que mon enthousiasme initial était quelque peu douché par la transformation du Project Athia en Forspoken.

Car si Project Athia n’était qu’un prototype en cours d’écriture et une démo technique du Luminous Engine, le jeu final s’intitule Forspoken et nous a présenté, au détour d’une bande annonce, Frey, son héroïne new-yorkaise propulsée dans le monde d’Athia où elle se découvrait des pouvoirs magiques. Même si le spectre de FFXV planait toujours sur la direction artistique régissant Athia, cette héroïne à la langue bien pendue façon films Marvel me laissait un peu plus sceptique, et je me suis alors un peu désintéressé de la communication autour du jeu jusqu’à la sortie de sa démo. Comme vous avez pu le lire un peu partout, cette démo soufflait le chaud et le froid avec une prédominance d’avis mitigés et je vous avouerai faire partie des sceptiques : si les prémices du monde ouvert présenté dans la démo étaient intrigantes, ce n’est pas tant le ton mais bien le système de combat qui semait le doute sur l’expérience Forspoken.

Autant le dire directement, cette démo est un faux ami. Avec son tutoriel bien trop succinct, le joueur était livré à lui-même et maintenant que j’ai terminé le jeu, il me parait évident que la démo est, paradoxalement, trop riche en contenu pour permettre de se faire une idée de Forspoken. Car bon sang, qu’est-ce que j’ai passé un bon moment manette en main ! L’aventure de Frey débute à New York, où le décor est posé directement : orpheline livrée à elle-même, notre héroïne semble s’être fait une spécialité de prendre les mauvaises décisions et fréquenter des personnes peu recommandables comme en témoigne son passage devant un juge. Cette dernière, bienveillante, n’a de cesse de tendre la main vers Frey pour l’aider sans toutefois rien lui imposer, venant bien insister sur le fait que la jeune orpheline tend à écouter les mauvaises personnes. Alors que Frey a tout perdu lors d’une succession d’évènements chaotiques, elle fait la découverte d’un étrange bracelet… Et se retrouve projetée dans un monde inconnu !

Pendant que le joueur est tout aussi perdu que Frey une fois téléporté dans ce monde nouveau, de nouveaux éléments se rajoutent à la confusion quand le bracelet se met à lui parler et s’avère être doué d’une conscience propre, tandis que l’improbable duo se fait attaquer par un dragon et que Frey se découvre des pouvoirs magiques. C’est là que la partie commence bel et bien, et qu’il nous est donné de découvrir le gameplay de Forspoken. Le système de combat à base de sortilèges lancés en maintenant les gâchettes est plus intuitif dans son apprentissage avec le peu de pouvoirs à disposition au début de l’aventure ; aussi j’insiste à nouveau : si c’est le système de combat et de navigation entre les différents sorts à disposition qui vous a dérangé dans la démo, laissez sa chance à Forspoken. La démo est définitivement mal dosée et peu représentative du jeu.

Avant de nous pencher sur le gameplay, terminons donc d’introduire l’aventure : au fil de ses premières péripéties dans Athia, Frey découvrira que le monde est sujet à une catastrophe nommée brume, transformant tout être vivant en contact avec ladite brume en un dangereux monstre nommé embrumé. Par un « heureux hasard », il s’avère que Frey est immunisée contre la brume et que ses pouvoirs lui permettent de combattre les embrumés. Une fois parvenue au dernier bastion du peuple d’Athia, où elle sera jugée à nouveau car le peuple voit en elle un démon pour être ainsi immunisée, Frey – et donc le joueur – se retrouvera embarquée dans la course des évènements qui décideront du futur d’Athia.

Tout le cœur du jeu est construit autour des pouvoirs magiques de Frey. Comme vous avez pu le constater dans les derniers trailers insistant justement sur cette mécanique, elle est capable de se déplacer très rapidement et facilement grâce au « parkour magique » activé en maintenant le bouton rond. Frey se déplace alors à toute vitesse, entourée d’une aura magique, et peut ainsi escalader à peu près tout ce qui se trouve sur son chemin d’un bond vif venant fluidifier les déplacements et l’exploration. Les sorts de combat s’utilisent eux avec L2 et R2, tandis que R1 et L1 permettent de naviguer entre les différents sorts via une interface circulaire. Pour grossir le trait, les combats se disputent comme dans un TPS, où Frey effectue diverses actions offensives ou défensives en fonction du sort choisi et de la pression sur la gâchette. Bien que les premiers combats puissent sembler approximatifs, le tout se maitrise assez rapidement jusqu’à devenir instinctif et c’est là que les combats gagnent en dynamisme.

Frey pourra bien entendu faire évoluer ses pouvoirs au fil de l’aventure et ce de diverses manières : en engrangeant de l’expérience pour monter en niveau, en ramassant des émanations de mana trouvables un peu partout dans Athia, en récupérant de nouvelle pièces d’équipement qu’il est également possible d’améliorer via un atelier de craft et enfin en héritant des pouvoirs d’un boss après l’avoir vaincu. La montée de niveau est tout ce qu’il y a de plus classique : en plus de voir ses statistiques augmenter, Frey reçoit également un certain nombre de points de mana. Ces points sont à dépenser dans la feuille de personnage de Frey afin d’apprendre de nouveaux sorts et venir étoffer progressivement nos possibilités en combat. Le craft d’équipement est lui possible dans les zones de repos, en offrant la possibilité d’améliorer les statistiques de ladite pièce d’équipement ou d’y rajouter jusqu’à trois effets venant offrir des buffs sujets à condition en plein combat.

Les équipes de développement nous ont concocté tout un monde ouvert pour mettre à profit ces mécaniques de gameplay, et en tant que fan de Final Fantasy XV, c’est l’un des points où j’attendais le plus de voir le travail accompli sur le monde de Forspoken. En effet, bien qu’envoutant et à même de nous donner le vertige dans ses premières heures, le monde ouvert de FFXV montrait ses limites bien rapidement. Fort heureusement, la construction du monde d’Athia se révèle bien plus organique manette en main que dans le précédent effort des développeurs. Sans pour autant atteindre la maestria d’un Breath of the Wild ou d’un Elden Ring, le level design de Forspoken parvient à s’émanciper de l’éternel schéma de la carte couverte de marqueurs à cocher tel un livreur Amazon enchainant les livraisons, pour nous inviter tout naturellement à scruter notre horizon et choisir notre prochaine destination. La carte regorge pourtant d’activités, mais leur placement parvient à rester organique et crédible dans le monde dévasté d’Athia. La patte Breath of the Wild, qui se fait par ailleurs déjà sentir dans les possibilités d’escalade et de liberté de mouvement offertes par le parkour magique, est également présente avec ces tours optionnelles permettant d’avoir un point de vue plus élevé et une mise en évidence des points d’intérêt, ou encore avec de petits donjons à explorer s’assimilant à une relecture des sanctuaires d’Hyrule.

Une fois lâché dans le monde ouvert, c’est là que la sauce prend : comme les activités et points d’intérêt ne se révèlent qu’à leur approche, le joueur est tout naturellement plus enclin à se lancer à leur conquête quand il les croise en suivant la destination du prochain objectif de la quête principale, tandis que c’est en constatant les récompenses octroyées et le gain en points d’expérience qu’il se retrouvera à enchainer les détours sans voir le temps passer ni avoir l’impression de « retarder » le jeu. L’exploration dans Forspoken est grisante grâce à la dynamique de son système de combat, la variété des activités qu’il propose et le naturel venant enrober son level design. On n’oublie jamais vraiment que les développeurs ont également accouché de Final Fantasy XV, avec de très nombreux panoramas étrangement familiers ou encore une emphase toute particulière sur la prise de photos au fil de l’aventure.

Malheureusement, tout n’est pas rose pour autant ; Forspoken manque clairement d’ambition en matière de narration et de réalisation. Le jeu propose pourtant de jolis effets de lumière sur la plupart des sorts et le tout tient vraiment bien la route en exploration, c’est plutôt du côté des cinématiques et autres phases de dialogues que le tout pêche un peu par un manque de finition, avec beaucoup trop de coupures et de hors champ. Impossible de ne pas pointer également du doigt le ton général du jeu ainsi que son caractère très bavard. Si le contraste entre les propos de Frey et ceux des personnes qu’elle sera amenée à croiser découle tout naturellement du scénario et du principe même du jeu, Forspoken peut avoir tendance à nous abreuver de dialogues inutiles lors des phases d’exploration. Fort heureusement, une option bienvenue se trouve dans les paramètres d’accessibilité pour diminuer la fréquence de ces dialogues optionnels ou même carrément les désactiver.

Note

15/20

S'il n'a pas la superbe que pouvait augurer sa première présentation en tant que Project Athia, Forspoken reste une aventure particulièrement captivante dans laquelle transpire la précédente expérience des développeurs, avec un résultat qui semble être tout aussi clivant auprès du public. Le meilleur conseil restera de l'essayer par vous-même en vous souhaitant d'en ressortir aussi satisfait que nous !

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