No Players Online

No Players Online

Comme il existe des écrivains qui produisent tout un chapitre en une matinée et d’autres qui ne sortent qu’un seul paragraphe sur une journée, les développeurs ont chacun leur propre rythme. Adam Pype est plutôt du genre rapide, même très rapide. Depuis plus d’un an, il s’est lancé le défi de terminer un jeu tous les mois.

Chaque mois, ça tombe : un nouveau jeu, un nouveau concept, un nouveau genre. La variété des créations est impressionnante et en dit long sur la curiosité de ce jeune développeur belge, élevé en game jam. En tant que Belge justement, Adam Pype avait ainsi tout un catalogue récent prêt à concourir pour les Belgian Game Awards 2020. Dont le FPS « No Players Online », nommé dans les catégories du jeu étudiant de l’année et du meilleur jeu tout court.

Adam Pype publie ses titres expérimentaux sous le nom de Papercookies, seul ou avec de l’aide pour certains aspects. Pour « No Players Online », il s’est entouré de Viktor Kraus comme compositeur et de Ward D’Heer comme artiste additionnel. Une toute petite équipe donc pour un jeu de taille réduite aussi, mais qui vous marquera peut-être plus qu’un FPS banal et tellement rempli de gras qu’il rend votre souris huileuse.

« No Players Online » commence par une cassette VHS de 1986, dont l’étiquette porte le titre « Capture the Flag Project ». Et c’est bien de cela qu’il s’agit : le mode capture de drapeau d’un vieux FPS des familles. Le problème, c’est que dans ce mode multi en ligne, il n’y a aucun joueur connecté (« no players online », c’était plutôt clair). Seul sur des serveurs vides, vous allez chercher le drapeau à l’autre bout de la map et le ramenez à votre camp de base. Et stop, on ne vous en dira pas plus, car le jeu est très court. Enfin, pas si court que ça en fait…

Adam Pype a pris un malin plaisir à s’amuser avec Internet en créant un jeu en réalité alternée (ou « ARG » comme « alternate reality game »). On peut assimiler cela à une chasse au trésor qui combine du déchiffrage d’indices numériques et une véritable recherche dans le monde réel. Le jeu de piste de No Players Online a commencé quand Adam Pype a publié des notes de développement sur itch.io, dans lesquelles il annonçait publier une version Linux ou encore avoir réparé le multijoueur de No Players Online. La quête pouvait commencer, notamment au sein de la communauté sur Discord : envoyer un e-mail à un prétendu développeur, cracker des codes, exploiter un fichier audio, etc. jusqu’à finalement trouver une cachette dans une forêt belge. Là se trouvait une note sur papier donnant le dernier mot de passe à introduire dans le jeu pour découvrir sa vraie fin. On imagine l’excitation de la communauté à cette époque, il y a environ deux mois.

Bien sûr, la fièvre est retombée et il sera impossible de revivre cette effervescence. Néanmoins, vous pouvez vous renseigner sur Internet et suivre assez facilement les étapes pour accéder à la fin du jeu. Une vraie fin bien éloignée des 10 à 15 minutes de votre première partie. Une sacrée dose de rab donc, qui complète une séquence initiale déjà bien intrigante.

Pendant que vous transportez un drapeau tout au long de la map, vous sentez bien que l’ambiance n’est pas très funky. Il y a déjà ce sentiment glauque d’être seul dans une partie multi, avec une bande-son qui en rajoute avec le souffle du vent à travers le vide. Ensuite, le grain de l’image appelle à la nostalgie, pas la nostalgie douce et sucrée, non celle qui vous met mal à l’aise à cause du temps passé. Puis, le non-sens d’une victoire en multi sans adversaire va évoluer vers quelque chose de plus étrange encore, de moins limpide mais néanmoins tangible… et effrayant.

J’ai eu l’occasion de découvrir No Players Online à côté du développeur lors d’une réunion Brotaru. Je ne m’attendais pas à ce que j’ai vu et l’expérience a été prenante malgré les circonstances défavorables. J’ai ensuite acheté le jeu (vendu à un prix libre) et mesuré tout son potentiel. Le must est d’y jouer seul, dans la pénombre et avec un casque sur les oreilles. C’est ainsi que tous les aspects créatifs se superposent pour engendrer l’expérience globale : on flippe ! Pour un petit avant-goût, écoutez donc cet extrait de la bande-son dans votre lit avant de vous coucher ou, mieux encore, dans les bois la nuit.

Si vous avez levé un sourcil en apprenant qu’un jeu amateur de 15 minutes (de base) figurait parmi les prétendants au titre de meilleur jeu belge de l’année, c’est que vous n’avez pas joué à No Players Online. Cette curiosité dégage une telle aura en si peu de temps que la magie créative va vous poursuivre pendant beaucoup plus longtemps. Rendez-vous le 21 février à la cérémonie des Belgian Game Awards 2020 à Courtrai, mais nous on mettrait bien une pièce sur No Players Online.

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