She’s in the game – Marla Saavedra

She’s in the game – Marla Saavedra

« Chef de département » ? Tu connais beaucoup de femmes qui occupent ce genre de poste dans le jeu vidéo ?

Non, il y a un gros contraste d’appréciation de ton travail entre la France et le reste du monde. C’est pour cela que j’ai pleuré très fort au fond de mon cœur… =]

Puis, on m’a demandé jusqu’où je voulais aller. Et j’ai répondu : jusqu’où je pourrais aller.

Cela a été le point de départ à partir duquel je me suis dit et ai réalisé que je pouvais aller loin en fait, et faire tous les types de jeux dont j’ai envie. Ce fut aussi le déclic pour tout simplement ne pas rester en France, à cause du manque de perspective de carrière pour un game designer (féminin) dans ce secteur.

Et où es-tu arrivée maintenant ?

Je suis game designer ou (assistante) creative director. Je préfère dire game designer que creative director, car j’ai encore du mal à assumer ce titre qui fait prétentieux. Puis, cela ne me dérange pas d’être simple game designer sur des projets intéressants pour moi. Sur les petits projets, je fais aussi le level design si besoin est. Un game designer qui ne sait pas faire du level design, c’est suspect, alors que l’inverse n’est pas une obligation. En ce qui concerne les triples A, j’ai déjà été game designer sur une feature qu’il fallait creuser ; avec succès, puisque j’ai eu une grosse prime en remerciement. Et j’ai été assistante creative director sur un AAA pour Square Enix, mais le projet a été annulé. Enfin, si la question est de savoir si je me sens capable d’être creative director sur un triple A, c’est oui.

À Montréal

À Montréal

Et tu en as envie ?

Bien sûr ! Tant que tu sais que tu peux l’assumer, il faut y aller.

La gestion d’une grosse équipe ne te ferait pas peur ?

Non, c’est une question de confiance. Puis, je n’ai encore jamais proposé des mécaniques de jeu ou un core system qui soit inintéressant. J’espère que cela va continuer comme cela.

De plus, donner des cours, notamment à Technobel, Technocité et prochainement HEAJ, m’a fait prendre conscience que j’avais une aisance pour accompagner dans l’apprentissage. C’est proche du management, je m’en doutais déjà, car il m’était arrivé de « former » et donner des « tips » de travail pour que mes collègues soient plus efficaces. Je suis toujours dans une logique de long terme, car en étant efficace avec un même code de communication, on est plus rapide, ce qui permet de gagner du temps, pour autre chose.

Puis, je suis une vraie pile électrique : je fatigue plus les autres que je ne me fatigue moi-même. Et j’ai une bonne mémoire pour retenir les choses importantes, cela aide pour être efficace. Et surtout, il y a tellement à faire… d’innovant.

Comme quoi ?

Cela dépend de ce qu’on me demande de faire. Rien qu’avec un point & click, on peut faire plein de choses, exprimer plein d’émotions. Alors avec les autres genres, c’est énorme ! Naughty Dog et Rocksteady l’ont bien compris, mais on pourrait en citer plein d’autres…

Effectivement, même dans les genres classiques, certains arrivent à exploiter un potentiel insoupçonné.

Ce n’est pas qu’il est insoupçonné, c’est qu’il n’a jamais été pris en main, réfléchi par ceux qui ont la chance de passer par là. Il suffit de prendre en exemple une personne comme Tim Schafer.

Tim Schafer, concepteur de grands jeux d'aventure (Monkey Island, Full Throttle, Grim Fandango, etc.)

Tim Schafer, concepteur de grands jeux d’aventure (Monkey Island, Full Throttle, Grim Fandango, etc.).

En fait, un jeu, cela se réfléchit à la conception. À partir des grandes lignes, tu peux voir si le jeu va être intéressant ou non, dès le départ.

Cela fonctionne bien, puisque c’est de cette manière que j’apprends à travailler à mes apprenants : c’est un gain de temps considérable + tu sais ce que tu factures au client et ce qui a été convenu pour tel prix.

C’est sûr aussi qu’il faut oser aller dans une voie plus risquée. Tim Schafer, en l’occurrence, peut se permettre beaucoup avec sa légitimité.

Après, il y a « risque » et « risque », c’est comme l’histoire du bon et du mauvais chasseur ;-). Sinon, Tim Schafer est mon idole, au même titre qu’Amy Hennig, parmi toutes les personnes qui ont fait ou font de super jeux, mais dont je ne retiens jamais les noms, même si je respecte beaucoup le travail de chacun.

Amy Hennig, Creative Director de la série Uncharted pour Naughty Dog

Amy Hennig, creative director de la série Uncharted

Je sais que tu as travaillé chez Fishing Cactus ? (« Tout à fait, en tant que freelance ») As-tu participé à la conception d’Epistory ?

Vite fait, autour d’un verre. On a parlé de la référence à Bastion, de l’aspect narratif et de l’univers qui s’en va. Mais c’est tout, pas de quoi fouetter un chat ou se mettre en avant. Surtout que l’équipe a fait un super jeu !

La référence à Bastion plaît aux critiques en tout cas.

J’ai moi-même adoré ce jeu. Et c’est ce que je donne en référence à mes apprenants dans le cadre des formations dont Fishing Cactus s’occupe, en partenariat avec Technobel & Technocité.

Bastion a révolutionné le système d’aide au joueur, en l’incluant non seulement dans le système de dialogue, mais aussi dans la partie narrative de l’histoire. Cela revient à ce que je disais tout à l’heure : il suffit qu’une bonne personne réfléchisse à quelque chose et qu’elle en ait l’opportunité pour la révolutionner. C’est simple et astucieux. Il y a plein de choses à faire dans cet ordre-là. Comme les systèmes de combat de God Of War ou Batman, qui sont simplement géniaux.

C’est ce que j’enseigne à mes apprenants. Au moins, ils le sauront et ils pourront dire qu’un jeu est mauvais car il a été mal pensé. Mais c’est encore tabou dans le milieu, on dira plutôt que le jeu a été difficile à développer, ou que c’est une aventure humaine… Ensuite, ils apprennent que l’originalité d’un jeu ne passe pas par un gros budget, ni par la taille d’une grosse équipe. Il suffit de voir les jeux de Ace Team (Zeno Clash, Rock Of Ages, etc.).

Je connais moins leurs jeux, j’avoue…

Il va falloir car bientôt, les Chiliens vont envahir le marché !

Et quelle est ton actualité professionnelle ?

En ce moment, je travaille sur des projets non officiels, qui devraient être annoncés dans l’année. L’un des projets est la création d’une université de jeu vidéo. Le projet se lie entre le Canada, la Belgique et le Chili : tout un programme ! C’est un projet lourd, qui demande de la confiance mutuelle, de bons partenariats et un travail d’équipe, compte tenu du fond. Avec cinq valeurs clefs : Respect, Honnêteté, Humilité, Efficacité, Curiosité. Mais je suis, maintenant, bien entourée.

Sacrément multiculturel donc.

C’est le but. La richesse vient toujours de la mixité culturelle et de l’échange. Un peu comme lors de mes études universitaires à la Sorbonne. Puis, j’ai grandi dans ce genre de mixité, cela aide pour savoir prendre le meilleur de chacun.

Un horizon élargi donc, qui ne se limite pas qu’au jeu vidéo.

Ah oui, je suis très « surfeur », je m’enrichis de tout ce qu’il y a autour de moi. J’ai toujours besoin d’être stimulée intellectuellement. D’ailleurs, je suis artiste 3D pour Alejandro Jodorowsky en ce moment, pour commencer.

Merci beaucoup pour cette agréable discussion et bonne continuation !

C’est moi qui te remercie, et Bruno [Urbain de Fishing Cactus] de me l’avoir proposé, car c’est la première interview de ma vie : cela m’a forcé à assumer certaines choses, et c’est beaucoup pour moi, car je préfère la discrétion. J’espère avoir donné une image correcte, objective de ce milieu. Et je te souhaite aussi une bonne continuation !

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