She’s in the game – Marla Saavedra

She’s in the game – Marla Saavedra

Quand on parle de femmes dans le jeu vidéo, on pense surtout aux joueuses qui se débattent contre les stéréotypes. Mais qu’en est-il de celles qui se situent à d’autres stades du jeu ? Press-Start s’est entretenu avec des femmes qui font le jeu vidéo, le créent, l’étudient ou le détournent.

Marla Saavedra est game designer. Voici dix ans, elle remportait le prix du meilleur jeu pour enfants à l’E3. Depuis lors, elle exerce son métier avec volontarisme et clairvoyance. Et surtout sans complexe d’infériorité.

L’équipe de Press-Start étant composée majoritairement d’hommes, il nous paraissait nécessaire d’éviter tout préjugé pour aborder le sujet des femmes dans le jeu vidéo. Pour un premier entretien, nous avons donc préféré ne pas suivre un cheminement de questions ciblées sur le thème. C’est ainsi que la discussion avec Marla s’est déroulée naturellement en s’égarant sur son parcours en général. Une démarche idéale pour reproduire le sentiment de Marla, qui estime que sa féminité ne l’a pas réellement gênée dans le monde du jeu vidéo. Et cela dès son enfance, car à l’âge où certains mangent encore de la plasticine, Marla découvre l’informatique et les jeux vidéo.

À quatre mois en Espagne, où la famille passe toutes ses vacances d'été

À quatre mois en Espagne, où sa famille, originaire du Chili, passe toutes ses vacances d’été.

Nous avions l’Odyssey à la maison, quand j’étais à l’école maternelle. Puis, mon père, qui était directeur technique en édition (photogravure, Cromalin, mise en page) a voulu s’acheter un ordinateur pour suivre la technologie. C’est comme cela qu’on a eu l’Amstrad CPC 6128. Mon père était perdu avec les lignes de commandes, et mon frère et moi avons alors pris possession de la machine.

À cette époque, j’allumais l’ordinateur en rentrant de l’école et je faisais mes devoirs entre deux parties de Barbarian, Captain Blood, Gauntlet, etc. C’était le fun… Puis l’Amiga 500 a débarqué pour continuer notre folie. =]

Une folie assez atypique chez les filles de l’époque, non ?

Quand j’étais petite, j’étais le chef d’une bande de garçons, un vrai Tomboy. Et puis, je ne jouais pas trop à la poupée et encore moins à Barbie – elle est blonde et blanche, pas moi !

Pas trop effrayée à l’idée de se retrouver la seule fille dans une bande de garçons ?

Non, absolument pas. À part des différences physiques, nous fonctionnons de la même façon. Le reste est dû à l’environnement culturel. Parfois des copines venaient jouer avec nous, car c’était plus fun de grimper aux arbres que de jouer à la poupée. Tout comme les copains pouvaient aussi jouer à faire la cuisine.

Quand je m’ennuyais le samedi, j’allais à la bibliothèque et je lisais Mark Twain, Tolkien, Mafalda, El Condorito et les livres de science-fiction des années ’70. C’était une époque où on voulait tous devenir archéologue, chevalier au sabre laser, voyageur temporel ou super-héros.

À l’extrême gauche. Dans une bande de garçons, mais avec des bottes rouges, comme Wonder Woman !

À l’extrême gauche. Dans une bande de garçons, mais avec des bottes rouges, comme Wonder Woman !

Tu avais même la culture SF et fantasy alors ! Un bagage pour stimuler l’imagination et la créativité…

C’est affligeant de voir que les jouets proposés, aujourd’hui, stimulent de moins en moins la créativité, car tout est en un bloc. À l’école primaire, j’avais demandé pour Noël les Chroniques de l’humanité, de la révolution de 1789 au XXe siècle. Pourtant, sur mes carnets de collège, on pouvait lire « se laisse vivre », alors que j’avais plus de 12 ou 13 de moyenne… Encore aujourd’hui, je ne vois pas en quoi c’est mal de se laisser vivre. À l’inverse, mes parents étaient contents du moment que j’avais une moyenne correcte, car ils me voyaient m’amuser avec Chimie 2000, l’appareil photo ou la caméra de la maison.

Les profs, eux, étaient désespérés de voir que je pouvais facilement faire plus, mais je n’ai jamais vu l’intérêt d’être première. Peut-être parce que j’ai passé mon CP à l’être : genre, ça c’est fait, check… XD (En même temps, au CP, je savais déjà lire, écrire et compter. Du coup, on voulait me faire sauter deux classes, mais mes parents ont refusé, car j’étais attachée à ma bande de copains.)

À part en anglais, où j’étais nulle. Puis, je parlais espagnol, alors pourquoi apprendre une autre langue, surtout la langue du « Yankee » (la langue de ceux à cause de qui nous avions été exilés et avons dû vivre hors de notre pays) ? Mais j’avais déjà été confrontée à la perspective de devoir apprendre cette langue : après le lycée, ma tante voulait que j’aille la rejoindre à Miami pour y faire mes études supérieures ; mais la Sorbonne, ce n’est pas rien comme université, alors quand j’y ai été acceptée, je suis restée. Puis, après deux ans d’expérience dans le milieu du jeu vidéo, quand tu as un job de lead game designer chez Ubisoft qui te passe sous le nez à cause de l’anglais, tu fais l’effort. Alors depuis, j’y ai vu largement l’intérêt. Ensuite, on comprend vite que des gens biens, il y en a partout, tout comme l’inverse…

À partir de quand envisages-tu le jeu vidéo comme un métier ?

À vrai dire, j’ai toujours considéré le jeu vidéo comme une possibilité professionnelle. Parmi les membres de ma famille et leurs amis, il y avait des cinéastes, des chanteurs, des photographes, des peintres, Chiliens ou non, etc. J’ai eu cette chance de grandir dans un environnement intellectuel riche, via notre situation d’exil (Angel Parra, Sergio Ortega, Alejandro Jodorowsky, etc.). En réalité, je voulais devenir réalisatrice d’animation car j’étais très forte en dessin notamment. Mais j’avais envie de m’enrichir, encore plus culturellement pour m’exprimer plus fort et de manière plus cohérente dans la symbolique et la justification de mes choix.

Alexandro Jodorowski est un artiste chilien, célèbre notamment pour ses merveilleux scénarios de BD (La caste des méta-barons, l'Incal, Bouncer, etc.)

Alexandro Jodorowski est un artiste né au Chili, célèbre notamment pour ses merveilleux scénarios de BD (La caste des Méta-Barons, l’Incal, Bouncer, etc.)

C’est ainsi que j’ai fait le choix de mes études universitaires et de la bande dessinée. Avec mon compagnon de l’époque – c’est lui qui dessinait -, nous faisions de la BD ensemble. Il y avait d’abord une BD sur la banlieue, avec beaucoup d’humour. Nous travaillions ensemble l’enchaînement des cases, les histoires, les chutes et la dynamique entre les cases, en formule de « une page = une histoire ». L’autre BD était une histoire d’aventurier dans la jungle, sur une autre planète, mais cela date d’il y a quinze ans au moins… Nous avons remporté le Prix spécial du jury dans le concours BD de la Fnac, puis le premier prix au concours de BD de Maisons-Laffite.

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