She’s in the game – Marla Saavedra

She’s in the game – Marla Saavedra

Et comment as-tu abouti dans le jeu vidéo ?

Mon frère ainé était démo-maker. La place était déjà prise, mais j’apprenais, via lui, ce dont j’avais besoin.

Lors de vacances en Espagne, j’ai vu « Dragon Slayer » (Dragon’s Lair) en arcade, en ’82 dans ces eaux-là. J’ai dit à mes parents qu’à défaut d’être scientifique, je voudrais faire un truc comme cela. Note que je n’ai jamais joué au jeu. Je pensais que c’était un open world ! Du coup, j’ai été surprise quand j’ai appris que c’était un jeu de QTE. Aussi, j’ai eu la chance d’avoir un maître qui savait programmer, et notre école publique faisait partie du programme Mo5 : nous faisions du Logo du CE2 au CM2 et nous avons construit une tortue robot, en plexiglas.

Et as-tu suivi une formation particulière ?

J’ai fait une école privée, soi-disant spécialisée, après l’université. Sauf qu’au prix que cela coûtait, il n’y avait pratiquement pas de cours et un encadrement quasiment inexistant par rapport à la fac où j’ai appris beaucoup de choses en histoire de l’art (les prémices de la BD, de la photo, du cinéma, etc.) et en sciences cognitives (comment construire une spatialité pour faire une expo, etc.).

Puis, je me suis trouvée un stage de trois mois, chez Neko Entertainment. Et comme j’ai sorti un jeu en trois mois, assez sympa, on m’a embauchée. Mon collègue stagiaire et moi sommes partis d’un moteur de jeu de voiture existant et avons fait le Level Design ensemble. C’était du one-shot. Ensuite, comme je me débrouillais bien et que le studio avait un gros projet, un jeu de combat, les boss m’ont laissée en charge d’un petit jeu pour enfants. Ce fut une expérience gratifiante mais à la contrepartie dérangeante. Lorsque l’on est en charge d’un projet en totale autonomie avec un collègue, il est difficile de voir et d’accepter qu’un game designer en place veuille apparaître comme lead game designer aux crédits et encore plus dérangeant que cela lui soit accordé ! Il en va du respect du travail d’autrui, mais encore en stage à l’époque, je n’eus d’autre choix que de ne rien dire… J’ai appris par la suite que le game designer en question était coutumier du fait !

Déjà le jeu Oui-Oui ?

Oui. On m’a donné carte blanche. On m’a mise sur ce projet car j’étais une « fille », mais moi, je voulais faire un jeu cool, comme le jeu « Dragon’s Lair » que je m’étais imaginée étant petite. C’est le seul moment où j’ai senti qu’être « une fille » pouvait avoir une influence. Mais j’ai pris la chose comme un moyen de montrer ce qu’une fille était capable de faire. Ensuite, la question de « je suis une femme » ne s’est pas posée avec mes collaborateurs. Ce sont les programmeurs qui ont eu un doute au départ, mais c’est vite passé par la suite. Une fois la confiance acquise, tout va plus vite. Et à Neko, savoir prendre la bonne décision le plus vite possible, c’est essentiel ou ton jeu est pourri. C’est simple, le one-shot : tu sais, ou tu ne sais pas faire.

Tu veux dire que tu as accepté le fait d’avoir été placée sur ce projet en partie parce que tu étais une fille, mais que tu as exploité cette situation en créant un jeu ambitieux pour enfants ?

Voui, mouhahahah ! Faire un jeu en point & click, du moins ce qui était proposé dans les précédentes versions de jeu, ce n’était pas marrant pour un enfant, voire ennuyeux. Comme je savais que Neko avait déjà fait un jeu d’aventure, dans un laps de temps identique, j’ai demandé si l’équipe se sentait capable de suivre ma proposition. Tout le monde était OK et on a créé un jeu « badass », comme GTA mais sans violence, avec la notion de partage et d’entraide, au sein du village.

J’ai pour philosophie que chaque jeu est une opportunité de faire un super jeu. Puis, on m’a toujours appris à prendre les choses que tu as autour de toi pour les rendre meilleures et moins « chiantes ». C’est comme avec les enfants. Si tu n’aimes pas les brocolis ou les maths et que tu leur dis ou montres que ce n’est pas bon ou pénible, par mimétisme, ils ne vont pas en manger ou ils vont trouver cela barbant. Par contre, si tu leur montres comme c’est cool et amusant, ils vont aimer. Tout est une question de point de vue, et de la manière dont on transmet quelque chose.

En tout cas, cela m’a permis d’avoir confiance en moi et de mettre en application tout ce que j’avais appris depuis l’enfance. On a même créé un niveau de difficulté automatique dans ce jeu. En 2006 quoi !

En Patagonie, à la rencontre de l'une de ses racines

En Patagonie, à la rencontre de l’une de ses racines

Néanmoins, j’étais en CNE* à cette époque et malgré la réussite de mon projet, je fus licenciée. Un autre projet, un jeu de combat, se passait très mal mais les membres de l’équipe ne furent pas inquiétés car ils étaient en CDI ! J’ai dû me battre car une fois de plus, on voulait mélanger les deux équipes dans les crédits d’un jeu auquel je n’avais pas participé et qui, en plus, se portait mal. J’ai beaucoup appris de cette expérience, à protéger mon travail et à me méfier de la cruauté et du manque d’éthique que l’on peut rencontrer parfois dans ce milieu. Ceci dit, je ne sais pas si cela m’est arrivé parce que je suis une femme…

(*CNE : contrat à durée indéterminée pour les PME et TPE permettant à l’employeur de licencier sans motif pendant les deux premières années. Ce contrat fut abrogé en 2008 car il allait à l’encontre des droits du salarié)

Le prix du meilleur jeu pour enfants à l’E3 2006 t’a donné une belle carte de visite ?

Tout à fait, c’est le moment où on a m’a proposé le poste de lead game designer chez Ubisoft. J’ai aussi été contactée pour bosser chez A2M, à Montréal, mais mon anglais était nul et mon compagnon de l’époque m’a déconseillé d’accepter l’offre, par peur de me perdre… C’est ce qui a permis que je participe à la création du département casual chez Ubisoft, avec la gamme « Game 4 Everyone » : Cosmic Family, My word Coach, Guitar hits, Chessmaster DS, etc.

En 2008, EA m’a aussi contactée pour terminer chef de département dans un nouveau studio : « EA Casual ». Mais il y a eu la crise mondiale, et EA a tué le projet dans l’œuf et le contrat en voie de signature avec.

Laisse un commentaire

* champs obligatoires