Stasis: une expérience à lire

Stasis: une expérience à lire

Imaginez que vous partez en vacances aujourd’hui. Vous avez rempli votre bagnole à ras bord en oubliant évidemment de regonfler vos pneus. Votre fille est ceinturée à l’arrière, les yeux déjà tournés vers une tablette capable de l’alimenter en dessins animés pendant trois semaines d’embouteillage. OK, on peut y aller ! Votre compagne l’avait bien dit, vous êtes crevé ce matin après avoir joué « à la Playstation » toute la soirée. Alors que votre conductrice prévoyante règle les rétroviseurs, vous vous endormez déjà sur le siège passager… Et quand vous vous réveillez, vous êtes seul dans un camping dévasté et c’est le gros foutoir avec du Enrique Iglesias à fond dans la sono. Voilà, c’est l’histoire de Stasis ! Enfin… avec un vaisseau spatial au lieu du camping et une capsule de stase en guise de siège de voiture.

Stasis-inventaire

Vous étiez donc sur le chemin des vacances avec votre femme et votre fillette. Pour atteindre votre destination de détente, vous deviez embarquer pour un long voyage spatial en hypersommeil. Votre fille étant nerveuse, vous et votre femme lui avez chanté une berceuse pour l’endormir dans sa capsule de stase. La berceuse la plus déprimante du monde ! Une séquence poignante que votre personnage se remémore après une heure de jeu.

Avant cette évocation cynique du passé, vous avez pris vos marques dans le Groomlake, le vaisseau de votre aventure qui n’est pas celui dans lequel vous étiez monté. Le bâtiment spatial est en perdition, vous vous réveillez dans une forme abominable et, pour que tout aille pour le mieux, votre femme et votre fille sont introuvables. La situation est forcément glauque et restera toujours sur ce ton.

Stasis est un jeu d’aventure de style point & click présenté dans une vue isométrique en 2D (sexy, right ?). Vous progressez en résolvant des énigmes, en observant et en assemblant des objets. Très classique donc, à l’exception d’un petit détail pratique : en passant votre souris sur des points d’intérêt, votre personnage les observe et les commente sans avoir à se déplacer. Une astuce bien confortable qui évite aussi de visionner l’animation lamentable du héros. Votre femme, pendant l’épisode de la berceuse, est aussi animée comme un pantin de bois. C’est la seule fausse note de la réalisation, qu’on pardonne vite devant la beauté réaliste des décors.

Stasis-végétation

Stasis propose de nombreux environnements et se permet d’en survoler quelques-uns. Certaines zones ne présentent pas d’intérêt pour le jeu et se contentent d’être là pour l’ambiance et la vraisemblance. Pas question de se morfondre dans une salle étroite pour trouver la solution qui ouvrira la porte vers le prochain endroit à explorer jusqu’au moindre pixel. Stasis, au contraire, vous fait voir du pays ou plutôt du vaisseau, qui se dévoile en même temps que l’intrigue. Car même si la solution se trouve souvent à portée de main, le joueur se déplace beaucoup dans ce vaisseau coupé du monde.

Le huis clos fonctionne évidemment dans cet univers de science-fiction. On se retrouve dans le vaisseau d’Alien ou d’Event Horizon avec toutes les joyeusetés fournies de base et un supplément de relations humaines en option. La vie de l’équipage pourra même devenir la principale source de votre curiosité. Des problèmes de gens normaux ou pas, que vous lirez dans leurs journaux intimes éparpillés dans le Groomlake. OK, l’astuce de scénario a été vue et revue et le jeu s’en amuse lui-même. Mais quand le contenu est aussi intéressant, il serait sot de s’en plaindre. Vous apprenez les événements antérieurs en lisant les carnets de bord officiels ou personnels comme dans Bioshock, par exemple, et vous suivez les indications d’une personne extérieure par radio… comme dans Bioshock.

Stasis-boucherie

On prend tellement de temps à lire dans Stasis que l’on se demanderait presque si le jeu ne fonctionnerait pas aussi bien sous la forme d’un livre. Une impression que renforce le héros en commentant tout ce que la souris effleure. Assimiler Stasis à un roman serait évidemment exagéré et malhonnête, mais le plaisir de lecture ne faiblit jamais et s’intensifie même par paliers. Plus le joueur accède aux salles sensibles du vaisseau, plus il lit de journaux de bord écrits par des responsables du Groomlake et plus il en apprend sur la pièce tragique qui s’est jouée ici auparavant. Une écriture de haut vol (parfois trahie par des erreurs de traduction) qui passionnera tout amateur de science-fiction. Celui-là même qui pourrait trouver l’histoire un peu convenue au départ. Stasis explore en effet des thèmes (sur)utilisés dans le genre, certes en poussant très loin les curseurs de l’horrible et de l’insupportable pour le héros.

Outre les visuels parfois dégoûtants, l’ambiance sonore contribue au sentiment malsain. Elle agit souvent comme une musique de fond avant de balancer la sauce aux moments importants ou de détresse pour le héros. Sans transition. Le boulot est parfait, comme on pouvait s’y attendre avec un compositeur de la trempe de Mark Morgan – la musique de Fallout 1 et 2, Planescape Torment et Wasteland 2, c’est lui. Le thème de la berceuse revient sous plusieurs intonations et fait merveille, écoutez-moi ça ci-dessous !

Note

14/20

Les deux frères du studio The Brotherhood ont réussi leur pari avec Stasis. Grâce à des fonds issus du financement participatif, ils signent un point & click assez particulier : sans aucune trace d’humour et « réaliste » dans ses thèmes et ses énigmes. Bien aidé par des visuels crades et une bande-son adaptée, Stasis met le paquet sur l’ambiance. Son contenu s’offre toutefois plus dans la lecture que dans le jeu, la dizaine d’heures d’aventure se passant surtout à lire les messages d’un équipage disparu.

Réactions

  • Cyborg Jeff le 19/10/2015

    Mais ce jeu à l’air vraiment génial !!! Cela tourne sur quoi au final ? Compatible Mac ou qui sait PS3 ?

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    • spacecowboy le 19/10/2015

      Ca tourne sur un PC rikiki et sur Mac. Vu son genre, il serait assez difficile de le porter sur console à la manette.

      Je relève certains points négatifs, notamment un manque de surprise, mais certains critiques ont adoré le jeu. Si ça te tente a priori, tu ne seras probablement pas déçu.

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