la Rolls des portables

Avant de commencer la lecture de cet article, je voudrais que vous vous mettiez dans l’ambiance. Allumez donc un bon petit feu de bois dans la cheminée, bourrez votre pipe (ou demandez à votre femme de le faire, ce sera plus agréable) et mettez vos plus belles charentaises en tissu écossais. Tamisez la lumière, prenez une voix de Père Noël intermittent, ça y est, vous êtes prêt pour parler d’un des plus beaux bijoux sortis au début des années 90, la Rolls des consoles portables, l’Attila des batteries, j’ai nommé la PC Engine GT, la perle de technologie créée par NEC.

Dans les cours de récré, il y avait essentiellement trois types de joueurs. Ceux qui avaient fait le choix le plus commun et le plus raisonnable, et qui jouaient sur leur Gameboy. Ceux qui désiraient passer le cap de la couleur et qui avaient compris que Sega était la marque des winners possédaient une Gamegear. Enfin, les passionnés, les purs et durs, ceux dont le père venait les chercher à l’école dans une flamboyante décapotable avec plus de cylindres que de roues, eux, possédaient une PC Engine GT (*). Cette console avait tous les symptômes de la voiture de luxe de papa : chère (15.000FB – 375€ , soit plus de 525€ aujourd’hui, en prenant en compte l’inflation), qui consomme plus que votre tonton Joseph (6 piles pour 3 heures, outch) et complètement déraisonnable, mais elle présentait ce petit quelque chose qui sépare les petits garçons des hommes, le truc qui vous faisait instantanément passer pour un « connoisseur » : c’était une vraie console de salon portable, une version mobile de la magnifique PC Engine de salon. Et elle avait même un pare-soleil intégré, que demander de plus ?

Ses spécificités feraient rire les techos d’aujourd’hui : écran couleur de 2,6 pouces à matrice active, processeur à 7,16MHz et 8Ko de RAM. Yep. Et pourtant, cette console était digne des plus grands exploits, et pour peu que l’on ne joue pas trop loin d’une prise électrique ou d’un stock conséquent de batteries rechargeables, le plaisir qu’on en tirait était incommensurable. Un Jackie Chan dans la poche ? Un Devil’s Crush dans le bus ? Ou encore un Barumba dans les gradins de la piscine quand votre petit frère passe son brevet ? Check. Son format de cartouches Hu-Card (les mêmes que les Sega Card de la Master System, pour les plus de 30 ans) était extrêmement pratique également à emporter avec soi.

Dénommée Turbo Express ou Turbo GT aux States, elle présentait un seul inconvénient majeur : son incompatibilité US/jap . Faites donc attention au modèle que vous pourriez acheter, car la ludothèque est plus réduite outre Atlantique, même si son prix est plus alléchant et que les RPG sont plus compréhensibles.

Il était également possible d’y adjoindre un tuner TV pour capter ses émissions favorites mais uniquement sur les marchés américains et japonais, la console n’étant pas officiellement sortie en Europe, mais uniquement importée par Sodipeng, la SOciété de DIstribution de la PC ENGine.

Sachez qu’il existe une panne classique sur cette console, qui rend l’affichage tout blanc et qui ne diffuse qu’un son extrêmement faible dans les écouteurs. Il s’agit juste d’une paire de condensateurs à changer, et pour l’avoir fait sur ma console, je peux vous avouer que l’opération n’a rien d’impossible. En trouver une présentant cette panne peut donc s’avérer un pari intéressant, j’en ai vu passer récemment pour une cinquantaine d’euros, alors qu’une en état de fonctionnement se revend généralement aux alentours de 125€ sans boîte.

Malgré ses ventes qui ont dépassé le million et demi d’exemplaires, elle n’aura connu qu’une seule suite, à savoir la magnifique et extrêmement onéreuse PC Engine LT, qui était un précurseur de la Gameboy Advance, avec son écran repliable. Même pour les plus gros collectionneurs, son prix avoisinant le millier d’euros ainsi que sa rareté sur le marché de l’occasion en font un St Graal intouchable.

(*) Les plus malheureux à la loterie auront, quant à eux, choisi une Lynx, d’Atari, dommage pour eux… 😉