Cotton Reboot

Cotton Reboot

La sorcière Nata de Cotton, ou plus simplement « Cotton », a un faible : les bonbons. Cet amour des sucreries est sa seule faille qui lui fait quitter son désabusement habituel depuis trente ans maintenant ! En 1991, la fée Silk la prie d’agir contre les ténèbres qui ont envahi le monde et Cotton s’en moque comme de son premier balai. Mais la récompense promise va lui faire changer d’avis : les meilleurs bonbons qu’on ait jamais mangés, comment résister à ça ?

La série de shoot ‘em up Cotton commence dès 1991 en arcade, avec le titre Fantastic Night Dreams Cotton du studio japonais Success. La sorcière kawaï aux cheveux roses, son obsession pour les bonbons et les cinématiques rigolotes laissent penser à un « cute ‘em up », mais il n’en est rien. Les ennemis et les décors sont lugubres, et la difficulté n’a rien d’accueillante non plus. L’ambiance est donc beaucoup moins détendue qu’il n’y paraît et surtout le défi est relevé, d’autant plus que le jeu vous renvoie au début du niveau dès le deuxième continue utilisé dans ce même niveau. Impossible ainsi de bourrer la borne de pièces pour atteindre la fin du jeu sans talent.

L’ordinateur japonais Sharp X68000 accueille, deux ans plus tard, la version que beaucoup considèrent comme définitive. Tout d’abord, elle est plus accessible avec ses continues désormais illimités par niveau et sans point de contrôle. Ensuite, elle améliore les graphismes généraux et ajoute des arrière-plans à défilement parallaxe. Enfin, elle remplace certains boss statiques par des opposants bien plus mobiles et intéressants à combattre. Le problème est que le Sharp X68000 était inconnu à l’époque en dehors du Japon et qu’il ne faut pas rêver en trouver un aujourd’hui à la brocante du village. Heureusement, il existe aujourd’hui un moyen tout simple de se procurer cette excellente version.

Cotton Reboot, tout juste sorti sur PS4 et Switch, repose sur la base très saine que l’on vient de décrire : Fantastic Night Dreams Cotton sur Sharp X68000. Le « reboot » ne s’en cache pas le moins du monde, il intègre même ce matériau tel quel, qui comporte à la fois une valeur historique et un réel intérêt ludique. L’édition X68000 propose un rythme plus posé que son réarrangement exubérant et un système qui détourne moins l’attention du joueur préférant aborder le défi par la mémorisation des situations.

Si vous jouez à Cotton depuis 1991 et que votre mémoire a autant de ratés que le matériel d’époque, la version réarrangée de Cotton sollicitera bien moins votre capacité à vous rappeler l’arrivée des ennemis. La disposition des dangers est très fidèle au modèle sur X68000, mais leur potentiel de nuisance diminue par rapport à vos propres forces parce que votre sorcière dispose d’un tir plus puissant qu’auparavant. Déjà pas ridicule au départ, ce tir s’améliore sur douze niveaux représentés par autant de jauges, lesquelles se remplissent grâce aux cristaux jaunes ramassés. À la puissance maximale, ce tir annihile toute velléité destructrice des ennemis, qui n’ont souvent même pas le temps de dégainer. Et comme le niveau de tir ne descend pas, à chaque mort, aussi douloureusement que dans les années 90, la sorcière pourra presque toujours utiliser un arsenal impressionnant. C’est pareil pour les bombes qui ratissent le terrain au sol comme jamais, maintenant qu’un seul et même bouton sert à tirer droit devant soi et à larguer des bombes. Cette double attaque automatique facilite notre vie, sans toutefois changer notre manière de jouer. Au contraire, les autres innovations bousculent nos habitudes.

Natta de Cotton a toujours volé avec les fesses serrées dans les passages étroits, menant sans détour possible à des cavernes infernales. Aujourd’hui, elle a trouvé la parade : l’arrière de son balai brûle les ennemis qui osent s’en approcher. Cette sorte de bouclier supplémentaire est un atout considérable de Cotton Reboot, qui s’ajoute comme une évidence à la formule vieille de trois décennies. La cohérence des autres ajouts est plus discutable ; il y a plus de chances que vous les appréciiez que l’inverse, mais on ne traitera pas péjorativement de puristes ceux qui regretteraient cette modernité.

Pour commencer, rappelons que les cristaux jaunes changent de couleur si on les canarde assez longtemps. Quatre teintes différentes contre deux dans l’original, pour deux fois plus de types d’attaques spéciales. Si vous attrapez un cristal rouge, vert, mauve ou bleu, vous obtenez une attaque spéciale de cette couleur, tout en sachant que saisir un cristal de la même couleur que le précédent augmente le niveau de l’attaque – une manœuvre stratégique qui s’avère bien utile, au prix d’un risque de distraction accru. Les attaques spéciales ont un comportement différent selon qu’on les charge ou non, mais on connaissait déjà cela avant. La nouveauté réside dans le choix tactique à opérer, puisqu’il sera aussi très intéressant de laisser les cristaux flotter à l’écran : les viser en continu a pour effet de dédoubler votre tir, ce dont vous ne manquerez pas de profiter surtout contre les boss. À force de leur tirer dessus, ces cristaux adopteront une teinte sombre définitive et octroieront alors un gros bonus de score.

C’est flagrant, le scoring a pris du galon dans le système de jeu. On en vient à un autre nouveau pouvoir, à charger dans une jauge spécifique et destiné à gonfler le score. La jauge se remplit en tirant, encore, sur des cristaux et, une fois arrivée à 100 %, elle permet de déclencher l’attaque la plus envahissante à l’écran. Ce pouvoir made in 2021 a pour objet de multiplier votre score et le dit haut et fort en projetant des « 64X », « 128X », etc. sur les adversaires touchés. Si ce déchaînement de score a un effet grisant, il exagère sa présence et gêne la lisibilité plus que de raison. Libre à vous toutefois de ne pas employer ce pouvoir… mais vous vous priveriez aussi de la montée spectaculaire du score avec les vies supplémentaires qu’elle suppose.

La version X68000 est jolie, très jolie même pour son âge, mais il va de soi que son réarrangement sent plus le troisième millénaire. Si vous arrivez à trouver le temps de regarder autour de vous en pleine action, vous verrez ainsi des décors soignés sur plusieurs niveaux dans l’arrière-plan. Les volcans rougeoyants du dernier stage, la lune au regard mauvais et les montagnes au relief déchiqueté capteront sans doute votre regard après quelques parties enfiévrées, tandis que les créatures fantastiques et les boss remodelés auront votre attention en tout instant. Les équipes graphiques ont également retouché les scènes d’introduction, typiques de la série et désormais compréhensibles grâce au sous-titrage en français. Plusieurs compositeurs se sont aussi penchés sur les musiques originales en ajoutant, où il le fallait, des pistes de guitare électrique ou de synthé dans les morceaux bien reconnaissables.

Pas révolutionnaire dans son contenu, Cotton Reboot conserve la structure en six niveaux plus un boss final, ni trop longue ni trop courte. En descendant du mode le plus difficile au plus facile, on s’approchera des capacités du commun des joueurs, qui pourront terminer le jeu en un seul crédit dans les modes facile et même normal. Un défi de time attack vous attend aussi pour atteindre les meilleurs scores en deux ou cinq minutes ; l’effort de mise en scène dans un décor inédit est louable, mais un peu vain me semble-t-il alors que le vrai challenge de scoring se trouve dans le mode de base. Il y a de quoi s’amuser aussi avec les personnages disponibles, au nombre de quatre : Nata de Cotton et sa rivale « Appli » du jeu Cotton 2, ainsi que leurs compagnons de bataille, Silk pour la première et Needle pour la seconde qui mettent à profit leur taille minuscule. Glissons un petit mot sur la technique qui s’en sort parfaitement sur notre version de test Switch, et il n’y a aucune raison de penser que ce ne soit pas le cas sur PS4.

Cotton Reboot fait forte impression et pourrait même attirer de nouveaux joueurs qui n’auraient pas déjà accroché à l’original en arcade, disponible depuis peu aussi sur l’Astro City Mini de Sega. La sorcière boulimique de bonbons reviendra encore fin septembre dans Cotton Guardian Force Saturn Tribute, une compilation des deux jeux Cotton de la Sega Saturn, accompagnés de Guardian Force, un autre shoot ‘em up de Success sur la machine. Les trois jeux sont impayables aujourd’hui et restent compliqués à émuler, ce qui nous fait attendre cette compilation avec d’autant plus d’impatience. Et ce n’est pas encore tout pour cette année, puisque Cotton Rock ‘n Roll sera de la partie en décembre pour ajouter un nouvel épisode à la série, prévu sur Switch et PS4, mais aussi PC et… en salles d’arcade !

Note

16/20

Cotton Reboot ne rate pas la fête d’anniversaire pour les trente ans de son modèle. La plus-value graphique et sonore est appréciable, mais ce sont surtout les innovations du système de jeu qui donnent une nouvelle jeunesse à la sorcière Cotton. Le résultat est aussi moderne qu’on pouvait l’espérer, et le grand âge du jeu original ne se ressent plus du tout après quelques parties. Les amateurs de shoot ‘em up devraient y trouver leur compte, juste pour le plaisir de terminer l’aventure en un crédit ou pour la quête du score enrichie pour l’occasion.

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