Legend of Mana

Legend of Mana

J’entretiens une relation toute particulière avec la saga des Mana. Cette série de Action RPG produite par Squaresoft a vu le jour en 1991 avec un premier épisode sur Gameboy, sobrement intitulé Seiken Densetsu. Compte tenu de la très forte dimension action de son gameplay, le titre a connu les affres d’une sortie mondiale qui va entraîner des changements de nom selon les régions. Ainsi, le jeu verra le jour aux États-Unis sous le nom de Final Fantasy Adventure histoire de capitaliser sur l’aura du RPG paru sur NES quelques mois plus tôt, tandis que nous, pauvres Européens privés de FF, pourrons par contre retrouver Seiken Densetsu dans nos rayons sous le nom de Mystic Quest. J’ai d’ailleurs eu la chance d’en posséder la cartouche, et ce fut purement et simplement mon premier contact avec le genre du RPG. Alors certes, le jeu reste un Action RPG et les grandes lignes de son gameplay ne diffèrent pas tellement de celles d’un Zelda auquel j’avais déjà pu m’essayer au moment où j’ai mis la main sur Mystic Quest, mais c’était la première fois que j’avais affaire à une telle emphase sur les dialogues pour faire avancer l’aventure – des dialogues uniquement en anglais d’ailleurs et je pense sincèrement qu’à force d’essayer de décoder ce que le jeu avait à me dire, il a énormément contribué à mon apprentissage de la langue. Je découvrais aussi la fièvre du loot et de l’entraînement (pour ne pas dire le farming massif) pour être toujours paré à affronter les pires calamités.

Fort d’un succès considérable sur Gameboy, la série Seiken Densetsu accouchera de deux suites sur Super Famicom, Seiken Densetsu 2 en 1993 et Seiken Densetsu 3 en 1995. De ces deux suites, seul le second opus bénéficiera d’une sortie mondiale, renommé Secret of Mana pour l’occasion. Bien que le jeu ait grandement marqué les esprits, en entraînant dans la foulée de houleux débats l’opposant à A Link To The Past dans les cours de récré du monde entier, la saga Mana allait longuement bouder le reste du monde en restant exclusive au Japon. On peut certes noter la sortie en 1993 de l’obscur Mystic Quest Legend sur Super Nintendo, que l’on aurait vite fait d’assimiler à tort au Mystic Quest de la Gameboy, alors que ce RPG au tour par tour n’a absolument aucun lien avec la série des Seiken Densetsu. Ce premier épisode sur Gameboy aura en tout cas su éveiller en moi un amour invétéré pour tout un pan du jeu vidéo japonais, me poussant tout naturellement à découvrir simultanément Final Fantasy VII et VIII sur ma Playstation achetée spécialement pour l’occasion.

C’est ainsi que quelques années plus tard, alors que la sortie de Final Fantasy IX se rapprochait de plus en plus, je suis tombé en librairie sur un magasine qui lui était consacré. J’avais l’habitude des tests import à la une mais quelque chose en particulier attirait mon regard sur cette couverture blanche à la maquette parfois hasardeuse : le magazine s’appelait Gameplay RPG et se consacrait donc quasi intégralement à ce genre en pleine explosion après la sortie mondiale de Final Fantasy VII. Ne tournons pas autour du pot, ce numéro de Gameplay RPG consacré au test de Final Fantasy IX a complètement changé ma vision du jeu vidéo, en me faisant découvrir une toute autre façon de parler du média, beaucoup plus enflammée que dans la presse JV « généraliste » ! Je ne suis pas là pour refaire le match, et je vous renvoie à cet article si vous souhaitez plus d’informations sur l’homme derrière le magazine, le fameux Georges « Jay » Grouard, mais si j’évoque ce numéro en particulier, c’est parce qu’on y retrouvait aussi le test de Legend of Mana, le jeu qui nous intéresse aujourd’hui.

Malheureusement, malgré ce test qui me donnait relativement envie d’y jouer, Legend of Mana fait partie de ces titres Squaresoft de la Playstation que l’éditeur n’a pas cru bon de porter dans nos contrées et j’ai longtemps salivé devant les captures d’écran qui accompagnaient ce test. Avec le temps, la série Seiken a fait son retour chez nous en 2003 sur Gameboy Advance. Remake du premier opus, Sword of Mana va entraîner dans son sillage la localisation d’une poignée d’épisodes sur Nintendo DS tandis que la licence se fera de plus en plus discrète. Malgré un nouveau remake de l’opus originel, cette fois-ci sur PS Vita en 2016, c’est en 2018 que la série fera son retour en fanfare avec Secret of Mana HD, un remake intégral de l’épisode Super Nintendo sur Playstation 4. Après des années passées dans l’ombre de Final Fantasy et Dragon Quest, Square Enix semble s’être décidé à ramener Seiken Densetsu sur le devant de la scène et sort une compilation Switch des trois premiers épisodes, marquant ainsi la première sortie officielle et traduite de Seiken Densetsu 3 et d’un Trials of Mana réimaginant ce même troisième opus avec plus d’ambition que les deux remakes précédents. Par ailleurs, en attendant d’en apprendre plus sur un nouvel épisode inédit récemment annoncé par le studio japonais, Legend of Mana profite enfin d’une sortie mondiale par le biais d’un remaster du jeu de 2000.

Un point qui m’avait marqué dans le test du magasine était à quel point ce Legend of Mana bouleversait la formule établie lors des trois premiers jeux. Concrètement, la licence Mana fonctionne un peu comme un Zelda ou un Final Fantasy dans le sens où chaque épisode est indépendant du précédent. Il reprend certes des archétypes récurrents autour desquels il peut broder son intrigue, mais chaque jeu est une réimagination complète du monde de Mana dans lequel nous serons appelés à vivre un nouveau mythe et à y incarner un aventurier qui va se retrouver mêlé au destin du monde ni plus ni moins pour une aventure épique où, avec le renfort des alliés rencontrés au fil de se quête, il sauvera la mise. Legend of Mana envoie cette tradition voler en éclats dès la première minute : notre avatar vit dans sa maison, une bâtisse qui est tout simplement la seule et unique chose placée sur la carte du monde ! Sur le seuil de notre porte se tient un personnage étrange qui, après un échange verbal non moins étrange, nous fait don d’un Artefact qu’il nous invite à utiliser sur la carte du monde. Cet Artefact est en fait à placer sur une case adjacente à celle de notre maison afin d’y faire apparaître un nouveau point d’intérêt sur la carte. Bien entendu, l’aventurier que nous sommes s’empresse d’aller visiter ce nouveau site, qui s’avère être une ville où nous faisons la rencontre d’un personnage plutôt agressif en train de se mettre toute la population à dos pour retrouver quelqu’un et c’est ainsi que se lance notre première quête. Bon gré mal gré, nous l’aidons à trouver des renseignements dans la ville et une fois cela fait, le bougre nous remet un nouvel Artéfact, dévoilant ainsi la boucle autour de laquelle Legend of Mana vient construire son gameplay.

La fameuse carte du monde

Car ce nouvel Artéfact nous permet de faire apparaître une nouvelle zone de jeu sur la carte du monde, toujours à placer librement sur une case adjacente à une case déjà utilisée, où nous pourrons continuer la quête commencée un peu plus tôt dans le village et aider l’étranger arrogant à retrouver sa sœur tout en disputant nos premiers combats. Bien entendu, une fois la quête accomplie, notre avatar se voit récompensé par de nouveaux Artéfacts, et je pense que vous avez compris la formule : placer un Artéfact ouvre une nouvelle zone de jeu où se déclencheront des péripéties octroyant des Artéfacts qui donnent accès à de nouvelles zones pour répéter inlassablement la boucle tout en faisant grandir la carte du monde. La partie de chaque joueur sera ainsi différente selon l’endroit où il aura placé chaque Artéfact, l’ordre dans lequel il aura visité les différentes zones de jeu et accompli ses quêtes. Parlons-en d’ailleurs des quêtes, car elles sont bien souvent indépendantes les unes des autres et restreintes à leur propre zone de jeu. Il s’en dégage, malgré l’absence d’un souffle épique et d’enjeux importants, un sentiment de fraîcheur et de renouveau constant. L’une des quêtes qui m’ont marqué a vu mon personnage apprendre les fondements d’un langage fictif pour parvenir à dialoguer avec des personnages étrangers afin de leur vendre des lampes : une quête sans le moindre combat et qui demande un minimum d’investissement à ses joueurs pour décoder les dialogues saugrenus qui en découleront. Car c’est là la principale force de Legend of Mana : parvenir à proposer de petites aventures qui renouvellent fréquemment l’expérience en jouant sur diverses mécaniques.

Comme ses prédécesseurs, Legend of Mana est un Action RPG où nous sommes totalement libre de nos déplacements. Malheureusement, les rixes semblent manquer de précision et pour cause : la perspective adoptée par la caméra rend plutôt difficile à juger la position de nos ennemis sur le plan de jeu et il n’est pas rare de taper juste au-dessus ou en dessous du sprite de ce dernier, d’autant plus qu’une fois en combat notre personnage se déplace par petits bonds. Notre avatar peut donner des coups normaux qu’il pourra enchaîner en un combo limité, mettre la garde, donner des coups puissants ainsi que faire appel à une compétence défensive et jusqu’à quatre compétences offensives à apprendre et découvrir au fil de l’aventure. Grosse particularité, assez déroutante d’ailleurs, de ce Legend of Mana, il est impossible d’utiliser des objets – et donc de se soigner – en plein combat. Chaque affrontement est une épreuve à remporter sans aucun artifice, et notre barre de vie se remplira automatiquement au sortir de chaque combat remporté. Les combats demandent donc à être disputés avec précision, ce qui contraste un peu avec le problème de perspective et de déplacement évoqué un peu plus haut.

La direction artistique de Legend of Mana rappelle beaucoup une autre licence de Squaresoft de l’époque de la Playstation, Saga Frontier, de par ses décors tracés à l’aquarelle sur lesquels évoluent des personnages en pixel art soigné. Ce portage sur consoles actuelles fait résolument honneur à la direction artistique du titre, qui ressort sublimée avec le travail effectué sur l’amélioration de la résolution du titre d’origine et le passage au format 16/9. La bande originale signée Yoko Shimomura peut être appréciée soit dans sa version d’origine telle que sur Playstation, soit dans une version spécialement réarrangée pour l’occasion. Un peu comme dans les épisodes Super Nintendo, un deuxième joueur pourra prendre la manette pour rejoindre l’aventure quand le personnage principal sera accompagné dans sa quête.

Note

13/20

Après Trials of Mana, la série Seiken continue de remettre ses anciennes épopées au goût du jour tout en rendant enfin l'aventure accessible aux joueurs du monde entier avec ce remaster de Legend of Mana. Déroutant par sa structure et sa narration fragmentée, frustrant à cause de son manque d'enjeu à la première approche et de quelques approximations de gameplay, Legend of Mana reste pourtant une expérience rafraîchissante qui dégage une innocence propre aux J-RPG, transcendée par sa direction artistique soignée.

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