Assassin’s Creed Valhalla

Assassin’s Creed Valhalla

Après avoir enchainé les sorties de Origins en 2017 et Odyssey en 2018, Ubisoft a choisi de laisser respirer sa licence phare pour permettre aux équipes de Ubisoft Montréal de peaufiner comme il se doit le déjà troisième épisode de Assassin’s Creed depuis la refonte majeure opérée avec les aventures de Bayek en Egypte. En effet, malgré plusieurs idées propres visant à le démarquer de son prédécesseur, Odyssey conservait énormément de l’ADN Origins au point d’éclipser parfois ses nouveautés. Ce – certes court – hiatus aura-t-il été bénéfique ?

Par Odin, plutôt deux fois qu’une ! Assassin’s Creed Valhalla peut effectivement ressembler, au premier coup d’œil, au « même jeu » que ses grands frères directs en se contentant de changer de héros et de cadre, mais ce serait oublier l’héritage de la franchise. Depuis 2007 et l’opus originel nous plaçant aux commandes de Altair, la série n’a eu de cesse d’expérimenter avec ses propres codes dans une constante recherche d’évolution. Si certaines de ces tentatives pouvaient sembler discutables, il est indéniable que Assassin’s Creed est un joyaux brut qu’Ubisoft continue de polir depuis bientôt quatorze ans. Il est donc impossible de ne pas noter des similitudes entre les épisodes (Valhalla est tout de même le douzième opus – sans compter les spinoffs, extensions en stand-alone et jeux mobiles – de la série) mais s’arrêter à ces seules ressemblances serait extrêmement réducteur.

Car Valhalla s’inscrit complètement dans cette recherche d’évolution et propose, comme le dit l’adage, le meilleur équilibre entre la modernité et la tradition. Fonctionnant fondamentalement sur la même formule que les deux ACO, l’Assassin nouveau tire son épingle du jeu de par le degré de finition qui ressort sur les trois piliers de ladite formule : son système de combat, l’exploration de son monde ouvert et la dimension RPG.

Origins nous offrait un bouclier, Odyssey faisait la part belle à une esquive tellement permissive qu’il était aisément possible d’en abuser, Valhalla propose une parfaite synthèse de ces deux archétypes. S’il était déjà possible d’équiper une arme dans chaque main lors de certaines situations de par le passé, le jeu nous propose cette fois-ci une dissociation complète des mains gauche et droite de notre avatar. Concrètement, cela permet plusieurs combinaisons. Une arme à une main et un bouclier ? Deux armes à une main ? Voire une imposante épée bâtarde qui nécessitera vos deux mains pour être utilisée ? Libre à vous de vous battre de la manière qui vous correspond le plus ! Une barre d’endurance fait son apparition : porter une attaque dans le vent, faire une esquive ou bloquer un coup avec un bouclier viendront puiser dans ladite jauge. Cette mécanique toute simple contribue à pimenter les affrontements et pousse le joueur à ne pas foncer tête baissée en enchainant les roulades tel un Misthios ivre ! Nos adversaires héritent également d’une jauge d’endurance qui finira par se vider et les étourdir s’ils viennent à rester sur la défensive, ouvrant la voie à une « attaque étourdissante » accompagnée d’animations de mise à mort dignes d’un vrai viking…

Parce que oui, j’ai oublié de vous le préciser, mais Assassin’s Creed Valhalla nous place aux commandes de Eivor, un(e) redoutable guerrier(ère) viking (au libre choix du joueur) partant à l’assaut de l’Angleterre. Le jeu joue complètement la carte de la culture nordique et cela se ressent dans la mise en scène plus brutale et sérieuse. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, la série a toujours été sérieuse, et comment parler d’assassins sans nous confronter à la violente réalité de la mort. Prenons néanmoins l’exemple de Odyssey : Alexios traversait des évènements tragiques, mais le ton global du jeu et l’écriture du personnage très largement inspirée – pour le meilleur et pour le pire – d’un Geralt de Riv taquin avaient tendance à en diminuer l’impact. Dans Valhalla, Eivor est plus posé et réservé, et l’écriture globale du titre fait qu’on le sent moins détaché des enjeux de l’aventure. Les cinématiques de dialogues principaux bénéficient de beaucoup plus de soin dans la mise en scène, en venant s’inspirer des séries Game of Thrones et Vikings – tiens donc ! – et s’émancipent souvent du simple champ / contre-champ des précédents opus.

N’ayons pas peur des mots, Assassin’s Creed Valhalla est à ce jour le monde ouvert le plus abouti et le plus réussi à sortir des studios Ubisoft. Chaque zone explorable de la carte bénéficie d’un soin tout particulier sur son level design et son ambiance, nous donnant réellement l’impression de changer de région pour renforcer l’immersion. La topographie des lieux invite à l’exploration en parvenant à mettre subtilement en évidence ses points d’intérêt dans la ligne d’horizon, poussant tout naturellement l’instinct du joueur à s’y diriger. Ce sentiment de liberté et de découverte liée à l’exploration est d’autant plus renforcé par la refonte de la carte et de la boussole. Les productions Ubisoft sont souvent raillées pour le fait de proposer des mondes ouverts « liste de courses » avec de nombreuses activités plus ou moins similaires venant meubler la traversée d’espaces vides. Ici, les points d’intérêt sont relativement moins nombreux par régions, mais adoptent surtout une nouvelle représentation : des points lumineux de différentes couleurs. Plutôt que de permettre déjà de voir sur la carte s’il s’agit d’un camp ennemi à infiltrer, un tombeau à explorer ou un animal précis à tuer, ce système encourage plus que jamais l’exploration car deux points d’une même couleur ne vous proposeront pas forcément les mêmes activités. Ainsi, un point doré représentera toujours un trésor à récupérer, mais il peut très bien se trouver dans un donjon à explorer, dans la besace d’un adversaire à vaincre, caché dans un campement de voleur ou encore au cœur d’une église n’attendant que votre passage pour être pillé !

On se prend très vite au jeu grâce à toutes ces améliorations dont on aurait vite fait de sous-estimer l’importance : plus que jamais, nous avons l’impression d’incarner un noble viking, et remonter les cours d’eau à bord de son navire à la recherche de richesses à piller avec son équipage est toujours aussi prenant à chaque fois. Ca tombe plutôt bien, car les richesses obtenues lors des pillages trouvent toute leur importance dans la gestion de la colonie où Eivor et ses frères d’armes se sont installés ! En plus de la gestion de l’évolution de son propre personnage, Assassin’s Creed Valhalla nous propose également de gérer l’expansion du camp de base de notre clan. Plus nous ramenons de richesses pillées lors de nos pérégrinations au village, plus il sera possible d’y construire des bâtiments afin de prospérer. Une bonne gestion du camp représentera un avantage certain pour Eivor, en offrant progressivement de nombreuses améliorations de ses statistiques, lui permettant de venir récupérer et améliorer de l’équipement ou encore de modifier son apparence.

Car Valhalla est un nouveau pas de géant dans la direction RPG embrassée par Origins. Eivor sera très régulièrement confronté à des choix cruciaux lors des séquences de dialogues, dont l’issue aura d’importantes conséquences sur l’évolution de l’arc narratif en cours, des répercussions qui pourront même influer sur l’histoire principale du jeu de façon bien plus significative que dans les précédents épisodes. La récupération de pièces d’équipement à outrance a disparu avec une promesse qui fonctionne relativement bien manette en main : beaucoup moins d’armes et de pièces d’armure mais un potentiel d’évolution et d’amélioration décuplé sur l’équipement proposé pour renforcer le sentiment de progression. Concernant l’évolution des statistiques de notre personnage, le jeu « abandonne » le système traditionnel des niveaux mais Eivor gagnera pourtant bien des points d’expérience qui viendront lui octroyer des points de compétence à chaque palier d’expérience atteint. Cette idée toute simple permet de personnaliser l’évolution de notre viking à l’envi sur un tableau rappelant le sphérier de Final Fantasy X : dès les premiers points de compétences acquis, les trois grandes lignes classiques d’évolution de la série s’offrent à nous (Assassinat, Corps à Corps et Archerie). Sauf que contrairement à un système d’expérience classique établi sur un niveau – où on se retrouvait parfois à devoir investir des points de statistiques dans d’autres catégories que celle visée car la prochaine amélioration possible était soumise à un niveau minimum – Valhalla permet réellement de choisir comment faire progresser Eivor dans chaque catégorie, la seule limite étant le nombre de points de compétence à disposition.

C’est encore plus sympa quand le tableau propose différentes ramifications dans chaque catégorie pour toujours plus de personnalisation : s’orienter corps à corps c’est bien, mais pouvoir se spécialiser dans son arme de prédilection, c’est mieux ! Les aptitudes sont bien entendu de retour, mais ne s’obtiennent pas en dépensant des points de compétence : toujours dans cette optique de pousser à l’exploration, Eivor apprendra de nouvelles aptitudes lorsqu’il trouvera le livre y étant consacré lors de ses aventures, l’ouvrage faisant partie des trésors affiliés aux points d’intérêt dorés.

Parcourir le monde de Valhalla est un réel plaisir tant l’équilibre entre l’action et l’exploration est finement dosé. Et l’infiltration dans tout ça ? Un guerrier viking n’est-il pas tout l’opposé d’un assassin opérant dans l’ombre ? Eh bien contre toute attente, la connexion entre le clan viking de Eivor et la confrérie des Assassins est logique et cohérente, et notre héros se voit offrir une lame secrète en symbole d’alliance entre les deux factions : l’occasion pour lui d’apprendre quelques petites techniques qu’il pourra – ou non, le choix est vôtre – mettre en application sur le terrain. Seule ombre au tableau, l’intelligence artificielle des ennemis n’a pour ainsi dire pas trop évolué depuis plusieurs Assassin’s Creed et on aura vite fait d’abuser à nouveau de ses ficelles bien trop visibles : si certaines quêtes vous demanderont d’y recourir, le ton global du jeu couplé à cette IA stagnante fait que vous délaisserez sans doute rapidement la subtilité. Vous auriez tort de vous priver tant les nouvelles mécaniques du système de combat peuvent vite se montrer jouissives, mais la présence accrue des assassins dans cet épisode nous permet de retrouver la confrérie d’une façon bien plus familière que dans Odyssey.

L’avis d’Aerticum en bref

Après une centaine d’heures de jeu, Assassin’s Creed Valhalla m’a clairement séduit. S’il ne révolutionne pas la série et ressemble par certains aspects encore un peu trop à Origins et Odyssey, l’ambiance viking tantôt brutale et barbare en combat, tantôt contemplative dans ses panoramas me captive totalement. Bien sûr les puristes de la première heure trouveront certainement que les références aux Assassins rentrent au chausse-pied, mais il serait vraiment dommage de s’arrêter à ce détail.

Côté gameplay nous restons en terrain connu. Les contrôles d’Eivor ou du long ship sont similaires à ce que nous avons connu dans les opus précédents. C’est au niveau des combats que tout change et pour le mieux ! Le feeling des coups est incroyable, se ressent vraiment bien et les finish move brutaux et gore éveillent notre soif de sang.

L’histoire très libre nous offre vraiment l’occasion de prendre notre temps et de nous balader pour découvrir l’Angleterre et même s’il faudra bien finir par réaliser cette quête qui traine, il est possible de faire presque tout le jeu dans l’ordre désiré. Ubisoft réalise ici un open world de très haute qualité avec des points d’intérêt beaucoup moins intrusifs qu’auparavant. Le seul bémol réside dans le fait que les énigmes pour trouver les objets se répètent beaucoup trop, même si certains lieux sont vraiment ingénieux et amusants à parcourir.

Note

18/20

Assassin's Creed Valhalla est l'aboutissement ultime du "virage RPG" qu'a pris la franchise avec Origins en 2017. Fort d'un monde ouvert particulièrement léché, d'un système de combat aux sensations diablement bien appropriées à un viking et d'une mise en scène qui commence enfin à se donner les moyens de ses ambitions, Valhalla est une aventure envoûtante dont on aurait tort de se priver.

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