Le Donjon de Naheulbeuk : L’Amulette du Désordre

Le Donjon de Naheulbeuk : L’Amulette du Désordre

Comment rendre hommage à une œuvre qui a bercé votre jeunesse tout en restant le plus neutre possible ? Avec le sujet du jour, cela ne sera pas une tâche facile surtout quand il s’agit de la source principale de votre découverte de l’univers « fantasy » mais aussi du jeu de rôle de manière plus générale. Je vais vous parler un peu aujourd’hui de ni plus ni moins que le Donjon de Naheulbeuk : l’Amulette du Désordre.

Ce donjon, c’est à un gars nommé Pen of Chaos que nous le devons, ou John Lang de son petit nom. Sur la base de ses connaissances et expériences en jeu de rôle, et de son attrait pour l’univers Fantasy, il crée en 2001 une série d’aventure audio en MP3 qui relate les pérégrinations d’un petit groupe d’aventuriers en environnement donjonique. Autrement dit, une compagnie d’amateurs qui vont essayer de se frotter à bien plus fort qu’eux.

L’aventure va ensuite se décliner en romans, bandes dessinées, jeu de rôle et même un groupe musical avec le Naheulband.

C’est donc un ranger (rempailleur de chaise), une elfe, un nain, un barbare, un voleur, une mage et un ogre que nous allons suivre dans les couloirs du donjon et de ses intrigues. Le groupe hétéroclite représente les poncifs de tout univers heroic fantasy avec, par exemple, le nain et l’elfe qui n’arrivent pas à se pifer, la mage un peu sous-douée ou le voleur qui aurait presque des remords. En bref, une belle bande de bras cassés à qui on ne confierait même pas un chat. L’Ogre serait capable de le bouffer.

Avec l’arrivée du jeu L’Amulette du Désordre, développé par Artefacts Studio, le Donjon remet les compteurs à zéro et nous offre une aventure inédite. Mais l’est-elle seulement ?

On va acheter son pack « Bitos du donjon » à Boulgourville et on attaque ce donjon qui n’a pas l’air terrible ! BASTON !

À l’aventure compagnons !

Comme je le disais plus haut, le but du jeu sera de nous rendre avec la petite compagnie dans le fameux donjon et, à l’instar de la série en MP3, de trouver la douzième statuette de Gladeulfeurha qui permettrait, selon les palabres de quelques ménestrels, d’ouvrir la porte de Zaral Bak et ainsi d’accomplir la prophétie. Mais personne ne semble savoir de quelle prophétie il s’agit. Ce n’est sans doute pas super important.

Le Donjon de Naheulbeulk : L’Amulette du désordre est un tactical-RPG dans la grande veine de tout bon RPG. Si on ajoute le fait que le système de combat se déroule au tour par tour, vous allez devoir gérer l’équipement ainsi que les compétences de la petite équipe d’aventuriers. Chaque personnage aura ses affinités propres au combat ainsi que ses faiblesses. Prenons par exemple l’Elfe qui, outre son charisme indéniable, aura une force de frappe assez importante à distance. Cependant, compte tenu de cette capacité de pouvoir causer de lourds dégâts de loin, il faudra aussi prendre soin de ne pas mettre l’Elfe au milieu d’un groupe d’Orques. Cela risque de très mal finir pour elle.

Le jeu fait aussi la part belle aux interactions entre les personnages. Certains s’entendant mieux avec d’autres, vous pourrez débloquer en plus des buffs passifs d’affinités.

Lors de la prise de niveau d’un personnage, vous pourrez donc lui attribuer des points dans différents traits comme la force, le charisme ou encore l’intelligence. En plus, cela vous donnera des points à dépenser dans un archétype propre à chaque personnage. Il y a les compétences actives (sorts ou compétences que vous pourrez activer en combat) et les passives (utiles en et hors combat, elles donnent certains avantages comme par exemple renforcer le coté Harpagon du Nain, qui va du coup augmenter le gain d’argent du groupe ou donner la possibilité à l’Ogre de défoncer des murs).

Qui dit tactical-RPG dit aussi de la BASTON, mais genre plein de bastons, dont certaines vous feront d’ailleurs rager sur la RNG (random number generator, bref le jet de dé). Vos aventures se basant principalement sur le principe d’exploration, vous aurez affaire à toute une ribambelle d’ennemis comme des araignées géantes, des orques et des gobelins, des trolls, des sorciers, des guerriers maudits, des rats mutants (qui mettent des patates violentes), une bouteille d’huile, du papier toilette, deux éponges et des raviolis.

Tout ces ennemis ont leurs forces, leurs faiblesses et pourront se montrer parfois assez retors. Dès les combats lancés, vous aurez à positionner vos personnages dans un rectangle. Cette « pré-phase » du jeu va vous permettre d’élaborer votre stratégie en fonction des forces adverses. Par exemple, prévoir de mettre l’Ogre et le Nain en première ligne car ils sont de bons tankers, en seconde ligne le barbare et le ranger et en dernière ligne les DPS distance que sont la mage et l’elfe. Le voleur pourra, lui, être un électron libre pour que vous puissiez vous servir de lui pour ourdir des pièges ou prendre les ennemis à revers.

Vous, comme vos ennemis, aurez accès à votre panel de compétences. Je le disais, l’Elfe peut être forte à distance mais faible au corps à corps, elle aura aussi la possibilité de soigner une cible alliée. Le Ranger va disposer de ses coups au corps à corps mais pourra aussi user d’un arc à flèches pour effectuer des tirs de couverture. Tous les compagnons disposent peu ou prou des mêmes facultés de base : l’attaque au CaC et l’attaque à distance (si le personnage est équipé pour) ainsi que deux autres possibilités, la défense et la vigilance. La posture de défense va faire en sorte d’augmenter la résistance du personnage tant que ce dernier ne se déplace pas. La vigilance, elle, va permettre d’activer une zone de surveillance devant les personnages et tout monstre ou ennemi qui viendrait à entrer dans cette zone se prendrait un tir de vigilance du personnage qui a la compétence active. Pratique pour affaiblir l’ennemi avant qu’il n’arrive sur vous.

Autre point : le jeu peut être pété dur, mais vraiment. À tout moment vous pourrez subir un échec critique qui va renverser la situation en votre défaveur ou faire qu’un de vos persos va mourir bien plus vite que prévu. C’est ainsi que fut inventée la jauge de la divinité Randomia ! Cette jauge se remplit avec vos fails (des ratés, des échecs critiques, des esquives, etc.). Elle vous donnera accès à 4 compétences en fonction du remplissage de la jauge. Pour ne pas en dire plus, Randomia peut littéralement sauver une partie.

Ceci représente la base même du jeu qui, comme vous l’aurez remarqué, repose sur un socle finalement solide de ce qui se voit dans le monde du jeu de rôle de manière générale et du genre Tactical-RPG plus précisément.

Le Donjon n’est pas un ingrat

Mais alors, qu’est-ce qui fait de l’Amulette du Désordre un jeu qui sorte autant de l’ordinaire ? Je vous le donne en mille Emile : son ambiance. S’il est vrai que ce petit jeu reste somme toute dans la normalité habituelle de ce qu’on peut trouver dans un Dungeon crawler RPG avec des monstres, des capacités, des fiches de persos, des loots, etc., cela serait oublier la force narrative de ce jeu.

Elle vient surtout de son humour et de ses quêtes proposées. Si on compare le jeu avec les aventures d’origine de 2001, nous remarquerons vite que l’histoire va dévier et ce, dès les premiers mètres parcourus dans les couloirs. On y apprend que le donjon n’est plus géré par le fameux Zangdar, mais par une coopérative donjonesque. Mais au fur et mesure de notre avancée, nous aurons l’impression que les bruits des MP3 d’antan résonnent sur les murs de ce donjon, tel un fantôme qui nous susurre qu’il y a quelque chose de plus derrière tout cela. Et immanquablement, les personnages eux-mêmes le remarquent, se posent des questions, sentent qu’ils sont peut-être déjà venus dans ce donjon. Mais n’arrivent pas à se souvenir. Comme coincés dans une causalité qui les empêche d’avancer dans leur propre histoire ou de se libérer de ce donjon à qui ils appartiennent depuis tant d’années.

Le force de l’Amulette du Désordre est, comme je le disais plus haut, son humour constant. Du nom des PNG au titre et contenu des quêtes, en passant par le nom des objets à récolter ou de l’équipement ainsi que de leur description ou encore de toutes les références pop et geek dont le jeu peut nous abreuver, c’est une véritable mine de références qui s’ouvre à nous. Nous nous régalerons en continu des joutes verbales dont l’Elfe et le Nain sont capables, de la façon dont le barbare peut résoudre les problèmes, de l’envie de l’Ogre de tout avaler ou encore des difficultés du Ranger à s’imposer en tant que chef de la petite bande.

Et c’est là le principal problème du jeu. Ce dernier est une référence en elle-même aux aventures en MP3, vous jouez l’aventure en MP3. Ce qui, du coup, posera souvent un problème aux gens qui n’ont pas connu la série audio originelle. Pour les non-avertis, l’humour peut être gras, graveleux, voire sexiste. Mais… c’est ainsi qu’est le Donjon, et l’a finalement toujours été. La difficulté première du jeu sera finalement d’exister et « vivre » en tant que medium à part de l’aventure audio, d’être lui-même vecteur d’imaginaire comme son parent historique a su si bien le faire. J’ai un peu peur que, en tant qu’hommage vidéo-ludique, il n’arrive pas à s’imposer comme il se doit comme élément certes parent voire parallèle, mais autonome malgré tout grâce à ses différences visibles à peine les portes du Donjon franchies.

Autre difficulté en vue pour le Donjon : la barrière de la langue. Les aventures audio et finalement tout l’humour du jeu reposent sur un style très français. Il sera intéressant de voir comment ce Dungeon of Naheulbeuk pourra être perçu dans d’autres langues.

Le Donjon s’avère-t-il donc trop difficile ? Il pourrait l’être, de deux manières. D’une part, au niveau du gameplay il faudra s’accrocher les amis. Mais ça, finalement, cela fait partie du plaisir de se faire un peu mal. D’autre part, le jeu sera surtout difficile pour les non-initiés à l’univers. Mais qui sait, il leur donnera sans doute aussi envie de télécharger quelques MP3 et se taper de bonnes barres en écoutant des héros pas si héroïques devenir des amis pendant leur parcours en terre de Fangh.

Note

16/20

Le Donjon de Nauheulbeuk est un Tactical-RPG classique qui reprend les grandes lignes de ce qui se fait dans le genre. Mais l’humour, omniprésent et représentant la parodie des RPG qu’était l’aventure audio en MP3 de 2001, fait en sorte que la sauce prend véritablement bien. Nous avons plaisir à écouter le petit groupe s’engueuler et se vanner à coups de mandale dans l’occiput. Cependant, pour les plus jeunes qui ne connaissent pas l’univers ou encore les SJW qui s’offusquent pour un rien sur Twitter, l’ambiance risque de moins bien passer. Mais une fois l’effort fait (ou si on aime déjà fortement l’univers), ce Donjon se laisse découvrir et s’apprécier.

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