Lancelot’s Hangover

Lancelot’s Hangover

Les Chevaliers de la Table ronde et la quête du Graal, voilà un thème héroïque qui réveille en vous les instincts les plus nobles. Et si en réalité, les motivations de cette quête étaient bien plus terre à terre, lubriques et dépravées ?

Quand Dieu vous confie une mission, ce n’est pas pour rigoler. Et quand bien même il vous ordonnerait d’aller dérober le Graal pour le remplir d’alcool et organiser la plus grosse fête que l’Angleterre ait jamais connue, vous ne remettriez pas en cause la sagacité de Dieu. D’ailleurs à quoi bon demander votre reste, ça vous changera peut-être de vos éternelles expéditions visant à sauver la veuve et l’orphelin. Vous acceptez donc votre mission avec joie et sans réfléchir, les voies du Seigneur sont impénétrables après tout.

Vous êtes donc Lancelot, ou plutôt une version de Lancelot qui a bien morflé. Pour vous situer son degré de classe, le fameux chevalier se balade pendant tout le jeu en slip rose moule-bite et avec une chope de bière (chaude) à la main… Ainsi affublé, il part le moins sérieusement du monde au Royaume de France, où se situerait le Graal tant recherché. Pour un Anglais de cette époque, la France n’est pas le pays rêvé, oh non. D’autant plus que le mec qui a écrit ce personnage de « Sir Lancelot The Sexy » est belge ! Et comme moi, vous savez comment « nos amis belges » adorent se moquer des Français.

Lancelot’s Hangover est né du cerveau de Jean-Baptiste de Clerfayt, un développeur belge qui a fait ses gammes sur les jeux d’aventure de LucasArts et Sierra. Les énigmes farfelues et les blagues potaches lui viendraient donc en partie de son expérience de joueur. Et vous ne me ferez pas dire que Jean-Baptiste n’est pas seul dans sa tête, ce n’est pas le genre de la maison. Pourtant… on doit bien reconnaître que le développeur (quasiment) solitaire de Lancelot’s Hangover relève encore d’un cran le niveau de « débilité » d’un Monkey Island et compagnie. Amateurs de grand n’importe quoi ou de nonsense, vous êtes ici chez vous !

Comme ses modèles, Lancelot’s Hangover est un point & click, vous vous en doutiez. Vous dirigez votre petit Lancelot à l’écran, cliquez avec un pointeur en forme de Jésus sur la croix (oui tout cela est normal) et disposez d’un mini-inventaire. Dieu vous expédie sur le continent et votre aventure se déroulera sur le territoire franco-belge entre une demi-douzaine d’endroits à visiter. Vous commencez où vous voulez sur la carte ; vous allez de toute façon faire plein d’allers-retours entre les différents lieux. Notez que chacun de ces lieux est assez petit et que vous passez rapidement de l’un à l’autre, ce qui est plutôt pratique quand on doit aller chercher un slip de grand-mère au Nord pour le mettre sur la tête du Pape au Sud (pas de spoiler ici, mais on est dans le trip).

Bon voyage Lancelot !

Lorsque vous arrivez dans un nouveau lieu, vos vieux réflexes de jeux d’aventure vous incitent à scruter chaque pixel pour repérer les éléments avec lesquels vous pouvez interagir. Rassurez-vous, tout est très lisible ; vous n’aurez jamais à fouiller le décor avec votre souris et vous ne passerez pas à côté de ce minuscule point à l’écran qui a une importance capitale pour la suite de l’aventure. Sans plus attendre, Lancelot va faire la causette avec les personnages et là accrochez-vous à votre slip (rose aussi, le vôtre ?) ! Chaque dialogue ou plutôt chaque ligne de dialogue est remplie de blagues salaces et absurdes dans le style des Monty Python. Avec un tel flot de blagues, toutes ne peuvent pas faire mouche mais il y en a suffisamment de bonnes pour vous faire sourire et rigoler durant votre partie. Petit détail amusant : les textes sont écrits dans un langage parlé moderne, ce qui donne un contraste marrant par exemple lorsqu’une touriste du Moyen-Âge appelle son copain « dude ».

De quel genre d’humour s’agit-il ? Eh bien… on pourrait le décrire comme du « bite, nichons, couilles » avec une bonne dose d’alcool, de drogues et de foutage de gueule. Tout le monde en prendra pour son grade dans Lancelot’s Hangover. Les hommes, les femmes, les Français et les Belges, jusqu’à notre couple royal. Mais alors les croyants, ah là ça va être leur fête ! Du saint accroché à poil sur un arbre à l’arnaqueur qui vend des titres de rédemption, la galerie de personnages religieux est savoureuse. Toujours dans le goût le plus exquis bien sûr, ce n’est pas « Martin L’Utérus » qui dira le contraire.

Le labo de toutes les expériences sensorielles…

L’aventure est donc une folie de bout en bout. Particulièrement dans la dernière partie du jeu, qui rappelle les situations excentriques des meilleurs point & click. La dernière heure est dingue et psychédélique, ça pète de partout (au propre aussi). D’ailleurs, je me rappelle bien une certaine flatulence associée à ce qui est, selon moi, la seule énigme tirée par les cheveux. Le reste des énigmes relève d’une certaine « logique », inutile de chercher midi à quatorze heures. On a ainsi une expérience de jeu dense qui se prête très bien à une soirée (quatre heures environ). Pour vous orienter vers le bon chemin, l’inventaire et surtout les dialogues évidemment ne sont pas avares en conseils. Assurez-vous seulement d’avoir un niveau de lecture suffisant en anglais, même si le pire qui pourrait vous arriver est sans doute de louper quelques blagues. Mais bon, mieux vaut comprendre un minimum la langue du Roi Arthur, car une traduction française n’est pas à l’ordre du jour.

Vous le voyez sur les captures d’écran, le style visuel est raccord avec l’ambiance décalée du jeu. Ce qu’on pourrait prendre pour du dessin grossier colle à merveille avec l’atmosphère, et les animations rigolotes sont du même acabit. Quelques cinématiques montrent aussi la maîtrise de Jean-Baptiste de Clerfayt en la matière – on chuchote qu’il serait pressenti pour réaliser la séquence d’introduction de Diablo 4, mais c’est entre nous hein. La musique a aussi été conçue dans le même moule de déconnade, où des airs médiévaux côtoient des morceaux minimalistes de piano à un doigt. Citons la musique de l’écran-titre qui vous restera en tête pendant toute la semaine, ainsi que le petit plaisir que s’est fait le développeur en chantant lui-même le futur hit de la scène du remix « Tu touches mon tralala ».

Quand on vous dit que les filles sont chaudes au Moyen-Âge.

L’ensemble sent bon le plaisir du développeur qui réalise un trip. Néanmoins, il faut se rendre compte du boulot qui se cache derrière Lancelot’s Hangover. Il ne s’agit pas du tout d’un « jeu-blague », mais plutôt d’une création qui parvient à équilibrer le bordel apparent et la bonne conception. Pour avoir suivi le développement du jeu sur Kickstarter, je peux vous assurer que le créateur de Lancelot’s Hangover s’est posé beaucoup de questions pour arriver à son « produit » fini et il n’a pas ménagé sa peine pour revoir son interface ou redéfinir encore et encore la logique des énigmes. Quatre ans de développement plus tard, Lancelot’s Hangover a beaucoup d’allure et détonne dans la production belge grâce à son orientation décalée et sa fraîcheur. Si vous voulez soutenir la création belge ultra indépendante et surtout si vous avez envie de vous poiler un bon coup, il n’y a rien de mieux à faire que de cliquer sur le lien Steam ci-dessous.

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