Les Piliers de la Terre – Quand TellTale fait des émules

Les Piliers de la Terre – Quand TellTale fait des émules

Énorme succès commercial des années 90, le livre “Les Piliers de la Terre” de Ken Follett a connu plusieurs évolutions : une “suite” avec un autre roman (Un Monde Sans Fin) et une adaptation en série ayant bénéficié, l’un comme l’autre, d’un grand succès critique et public. Désormais, grâce à Daedalic Entertainment, l’étape du jeu vidéo peut aussi être rayée du parcours. Et avec le même brio.

Sale temps pour l’Angleterre

C’est quoi, Les Piliers de la Terre, d’abord ? Difficile de résumer tant de pages en si peu de mots mais nous allons tenter de le faire. Les Piliers de la Terre, c’est un bâtisseur de génie qui rêve de construire une cathédrale. C’est aussi un moine enquêtant sur la mort mystérieuse du prieur local et essayant de rendre la vie meilleure dans un village croulant sous les dépenses et au beau milieu des intrigues politiques, ou une jeune noble déchue rêvant de rendre justice à son vieux père. Mais surtout, ce sont des magouilles politiques des nobles les plus fourbes d’Angleterre à tous les coins de rue, la malfaisance des hommes, la mort et l’histoire de ces quelques héros qui vont tenter de survivre et de faire ce qui leur semble juste et bon, à leur niveau. Pour caricaturer, un genre de Game of Thrones sorti presque dix ans avant le premier tome de la saga de George R. R. Martin, la fantasy et les enjeux grandiloquents en moins, la simplicité en plus.

Sur le plan artistique, Daedalic s’en tire tout à fait correctement. En dépit de quelques animations un peu lourdes, l’esthétique bande dessinée rappelant The Banner Saga est un vrai plaisir pour les yeux et tranche avec la direction artistique habituellement chérie par le studio allemand, plus habitué aux couleurs chatoyantes et aux univers déjantés, en particulier dans leur saga phare Deponia. En outre, le jeu profite d’une bande-son de très bonne facture et très adaptée à l’ambiance cultivée.

Contrairement aux habitudes des point & click classiques, le studio a opté pour la formule TellTale à base d’interactions avec l’environnement réduites à leur plus simple expression et de choix de dialogues soumis à un timer. Heureux choix pour les gens qui, comme moi, ont en horreur les énigmes et autres casse-têtes de la soi-disant glorieuse époque de LucasArts ! Si les dialoguistes ne sont pas aussi inspirés que ceux aux commandes de The Walking Dead ou The Wolf Among Us, les conversations des personnages sonnent très justes, les doubleurs sont plus que corrects et, finalement, le seul bémol que l’on peut trouver est que le joueur n’a jamais l’impression que ses choix, assez peu cornéliens d’ailleurs, impacteront vraiment l’histoire — une histoire à multiples voix, soit dit en passant, car on incarne tour à tour différents personnages du livre, du Prieur Philippe à Tom le Bâtisseur, en passant par la douce Aliena. Ce sentiment est d’autant plus présent dès lors que plusieurs de ces dialogues se dérouleront quasiment d’une traite, avec parfois un unique appel au joueur. Ajoutez à cela le fait que le livre éponyme soit sorti il y a quasiment trente ans, et vous aurez plus d’une raison de douter de votre influence sur la destinée de vos héros. Rappelons aussi à toute fin utile qu’il ne s’agit que de la première partie du jeu, les deux autres tiers du livre n’étant pas encore adaptés.

De toute façon, là n’est pas l’intérêt des Piliers de la Terre. Est-ce vraiment un jeu, ou simplement l’occasion de découvrir l’oeuvre majeure de Ken Follett sous une autre forme pour ceux qui ne la connaîtraient pas ou seraient allergiques à la lecture ? À l’instar des adaptations TellTale, il brouille la frontière entre véritable “jeu” vidéo et film interactif. Quoi qu’il en soit, le plaisir est là, tant pour le néophyte du bouquin que pour le lecteur avide de redécouvrir l’un de ses romans préférés sous une autre forme.

Note

17/20

Aidé par son matériau de base, l’adaptation de Daedalic est une réussite. Bien que le manque d’énigmes et de gameplay réel remette en question la qualification de “jeu” lorsque l’on parle des Piliers de la Terre, nul doute que l’objectif de donner l’envie de (re)découvrir l’Angleterre du XIIème siècle sous le prisme de Ken Follett est atteint.

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