No Man’s Sky – ONE MAN’S LIE

No Man’s Sky – ONE MAN’S LIE

Après plusieurs mois de déboires et de scandales divers, No Man’s Sky est certainement un jeu d’exploration spatiale qui aura fait couler beaucoup d’encre, et cela malgré lui. Remboursements massifs sur les platesformes de jeu, attaques en justice, … Son game designer principal, Sean Murray a depuis lors fait silence de mort. Rewind sur les origines d’une déception astronomique.

Une attente infinie

No Man’s Sky a été présenté pour la toute première fois à l’E3 2014 et a provoqué un raz-de-marée de hype incontrôlable. Il faut le dire, le topo avait l’air alléchant car la recette paraissait monter au-delà des espérances : galaxie entière générée procéduralement et de taille quasi-infinie, expérience multijoueur non instanciée, batailles spatiales grandioses, espèces extraterrestres nombreuses et toutes distinguables les unes des autres.

L’attente, autant chez les journalistes que chez le public, pouvait se ressentir. No Man’s Sky était devenu en quelque sorte « le jeu auquel il fallait jouer avant de mourir ». Les promesses étaient nombreuses, au point que certains journalistes se sont interrogés et ont commencé à interviewer avec plus de pragmatisme notre Sean. Ses réponses aux questions telles que « peut-on réellement jouer avec ses amis » ou « comment fonctionnera le système d’écosystème des planètes du jeu », questions au premier abord simples et élémentaires, ont montré qu’il y avait aussi anguille sous roche concernant les propos de Sean et les premières alertes ont été lancées, mais cela n’a servi à rien car l’avalanche No Man’s Sky était lancée. Le jeu sortira finalement le 9 août 2016.

La chose la plus étonnante avant même de démarrer le jeu est sa taille. Deux Go. Cela correspond à un film en haute définition, où à quelques albums en mp3. Mais certainement pas à un jeu vidéo et surtout de cette envergure. Vous allez comprendre pourquoi. Le jeu démarre. Vous êtes projeté dans une vue de la galaxie qui vous fera plus penser à un économiseur d’écran qu’à un véritable chargement. Comptez 60 secondes (en temps réel, cela est relativement long pour un chargement). Vous apparaissez sur une planète de départ. Elle ne sera jamais la même en vertu du grand principe de No Man’s Sky : l’aléatoire. Tout ce que vous allez explorer, tout ce avec quoi vous allez interagir est régi par la loi du RGN.

I have a bad feeling about this

Du point de vue des graphismes, alors que les planètes avaient pratiquement toutes un aspect « lunaire » à la release, elles semblent maintenant beaucoup plus touffues en termes de végétation. Cela ressemble déjà un peu plus à ce qui avait été promis, mais c’est aussi un cache-misère. Les arbres par exemple sont faits à l’ancienne, c’est-à-dire des troncs avec une seule et même texture qui suit vos mouvements. Lorsque vous remarquez ce problème, vous vous rendez définitivement compte que le jeu n’est pas très beau, voire moche. Les éléments graphiques n’ont ni de bonnes modélisations, ni de bonnes textures, ce qui place le jeu à des années lumières de ce qui se fait actuellement. Le jeu n’en est pas irregardable pour autant, au contraire. Pour pallier ce problème, le jeu propose un large panel de couleurs et des visuels qui émoustilleront vos pupilles. Pour du généré aléatoirement, « c’est pas dégueu » vous dites-vous. Mais vous n’avez pas encore pu observer le problème relatif à l’aliasing qui n’a été corrigé que partiellement dans les nouveaux patchs et le clipping désagréable compris dans le lot.

Le point fort du jeu se fait entendre dès le début : la bande-son. Celle-ci a été composée par le groupe de mathrock 65daysofstatic. Elle accompagne parfaitement le jeu, l’enveloppant dans une ambiance sci-fi moderne de toute beauté. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la composition de ces morceaux repose sur le principe d’algorithme. En effet, les musiciens ont joué différents samples qu’ils ont raccordés ensemble de différentes manières. L’idée est plutôt inédite dans le jeu vidéo.

Votre but premier sera de réunir les composants pour faire redémarrer votre vaisseau. Le jeu vous invite donc à visiter l’environnement afin de vous familiariser avec ses bases. Déjà, ce tutoriel pose problème. Vous ne le savez peut-être pas encore, mais proposer en tutoriel un aspect du jeu qui ne reviendra pas après (c’est-à-dire, la collision de votre vaisseau avec les astres), c’est maladroit. Ce serait comme si dans un Zelda, on vous proposait de pouvoir casser les vases mais que cette feature ne reviendrait plus dans la suite de l’aventure. Après peut-être que je chipote, mais il s’agit d’une erreur de design à mon sens. En explorant les débris autour de votre vaisseau, vous trouverez des artefacts. Lorsque vous interagissez avec eux, le jeu ouvre une boîte de texte, qui peut aller de quelques phrases à tout un texte, où l’on vous décrit le moment présent et ce qui se passe dans la tête de votre personnage, à l’instar de ce qui se faisait déjà chez Faster Than Light. Idem lorsque vous parlez avec un PNJ. Le comble pour un jeu qui se veut immersif.

Revenons à présent à votre recherche de minerais. Vous aurez besoin de fer, de zinc, de carbone ainsi que d’un tas d’autres ressources chères à Mendeleïev. Vous avez donc à votre disposition votre pistolet-outil, qui servira beaucoup plus à piocher dans la roche qu’à véritablement dézinguer de l’alien. Beaucoup d’éléments frustrants se présentent à vous. Déjà, votre inventaire, de même que l’interface en général, est mal pensé. Celui-ci est divisé en trois parties : « exosuit », « vaisseau » et « tool ». Vous pouvez rajouter des améliorations à votre vaisseau, ainsi qu’à votre exosuit et votre outil. Celles-ci ne sont pas très inventives. Elles vous permettront de farmer plus vite en général, ce qui n’apporte pas un renouveau dans le gameplay. De plus, les places qu’elles occupent prennent les mêmes slots que les objets ramassés. Je vous fais un calcul : sur votre exosuit, vous possédez (à la louche) dix slots. Quatre d’entre eux sont dédiés aux objets que vous possédez toujours sur vous comme le jetpack, ce qui vous laisse uniquement six slots pour les ressources et objets rares trouvés dans des boîtes disséminées sur des planètes. Mais en fonction des minerais récoltés, la capacité maximum du slot en fonction du minerai peut vite être atteinte si vous piochez du fer ou du carbone. Donc sur les six slots restants, vous en perdrez rapidement deux. Ce qui vous laisse seulement la possibilité de farmer quatre ressources, sans compter les objets ramassés qui prennent un slot par unité. On se retrouve donc vite à court de place.

Un autre point fâcheux

Le jeu est lent. Très lent. Votre personnage se déplace à vitesse normale, mais vous devez aller très loin pour trouver LA ressource dont vous avez besoin (dans mon cas, c’était du zinc). Il est possible de prendre une longue, très longue heure à le trouver. Vous pouvez vous aider de votre scanner, mais l’algorithme du jeu a décidé de vous faire marcher 30 minutes dans une direction bien précise pour en trouver. De plus, quand vous piochez dans la roche avec votre pistolet, vous devez attendre toutes les cinq secondes qu’il se recharge. Voilà qui rajoute une couche à la frustration dont vous n’aviez pas besoin, sachant qu’il faudra aussi fournir du carburant à votre outil ainsi qu’à votre combinaison et votre vaisseau et cela de manière récurrente, ce qui casse encore plus le rythme du jeu.

En chemin, vous décidez de recenser toute la faune et la flore au passage. Le jeu génère aléatoirement leur apparence. Les créatures sont la plupart du temps moches et incohérentes (comment est-ce qu’un rhino peut voler avec des ailes de papillon ?). Très vite, la surface de la planète vous fera penser à un Spore, dans sa deuxième phase. De plus, s’il peut être rigolo au début de nommer la créature, l’arbre, la planète que l’on a trouvé, cela n’apporte rien à votre expérience de jeu ni à celle des autres joueurs, à part dire «  oh j’ai trouvé cette créature moche le premier ! Je vais l’appeler TrucMuch ». C’est un peu comme écrire « first » en commentaire d’une vidéo Youtube. Inutile en bref, alors que c’est la seule « véritable » interaction multijoueur. Le plus marrant, c’est que l’espace de jeu étant constitué de trillions de planètes différentes, personne n’aura la chance de voir TrucMuch. Comme c’est dommage…

Journey Milestone : 50h perdues

Vous avez tout réuni : du fer, du plutonium, du zinc et des tas de bonnes choses. Votre voyage à travers l’espace commence. Le jeu étant pensé pour la manette, la conduite du vaisseau est assez ridicule au combo clavier-souris. Vous pivoterez souvent comme dans la scène du docking d’Interstellar. Vous vous dirigez donc vers une immense station spatiale, où vous pouvez parler avec les habitants et voyageurs. Les dialogues sont échangés dans une langue étrangère. À vous de compléter votre alphabet en répondant aux faveurs de votre interlocuteur ou de trouver les différents mots de leurs langues sur des monolithes situés sur certaines planètes. Apprendre à dire « rare » ou « ami » et le comprendre dans vos discussions, c’est grisant au début. Mais quand une conversation tourne aux alentours de 200 mots différents et que les dialogues aliens ne sont que des «  comment allez-vous ? Il ‘y a plus de saison… » , farmer ces mots devient vite agaçant.

Dans ces stations spatiales, vous avez aussi l’occasion de pouvoir jouer avec le cours de la bourse. Vendre vos ressources récoltées, en acheter une au cours très bas et pouvoir la revendre très chère autre part. Même si cela a l’air riche en possibilités, les quantités de matériaux que vous portez sur vous sont réduites, donc cela réduit votre marge d’action. De plus, ces variables sont aléatoires. Le plutonium peut être très cher dans une station et valoir des cacahuètes dans celle du système à côté. On tourne à nouveau dans un système aléatoire où, au lieu de devoir jouer de manière intelligente sur le marché en utilisant l’inflation et autres, on se retrouve à chercher les meilleurs pigeons à qui vendre notre carbone trouvé en masse. L’économie du jeu n’en est pas vraiment une.

Parfois, le jeu vous oppose une certaine résistance (ah oui, pas de raison de s’emmerder, on est dans l’espace quand même, pas dans « 2001 » !). Vous allez de temps en temps vous battre contre des mobs que ce soit dans l’espace ou sur des planètes. Les combats spatiaux sont classiques. Trois vaisseaux viennent vous attaquer, et vous allez jouer au jeu du chat et de la souris. Quand vous arriverez à vous placer derrière un ennemi, tirez sur le réticule – qui est placé de telle sorte que votre tir atteigne le vaisseau quels que soient la vitesse et les tournants que vous prenez. Et c’est tout. Les combats au sol ne sont pas plus intéressants, les seuls ennemis sont tantôt des petits robots, tantôt des plantes, tantôt des créatures. Il n’y pas de système de couverture, rien. Les combats sont simplement des échanges de tirs à deux mètres et c’est à celui qui ne meurt pas le premier.

Le jeu propose trois objectifs distincts. Vous voulez suivre l’histoire du jeu (qui fait office de tutoriel en vérité), vous balader librement (attention à la mort cérébrale au bout du quinzième système) ou atteindre le centre de la galaxie ? À vous de choisir. Le jeu est infini, mais votre patience ne l’est pas. C’est pourquoi après avoir fini le tutoriel, vous vous mettez en route pour le centre de la galaxie. Pour y arriver, vous devrez farmer des dizaines d’heures l’antimatière qui vous permettra de passer d’un système solaire à un autre. Finalement, après tous ces efforts, vous arriverez enfin au centre de la galaxie. Est-ce que vous aurez enfin la réponse à l’ultime question du sens de la vie, de l’univers et de tout le reste ? Non. Vous devrez juste recommencer le jeu à zéro. Quand vous comprendrez qu’il faudra tout recommencer depuis le début, votre santé mentale en prendra un coup, je vous le garantis. Peut-être que le jeu est une métaphore de nos vies : une aventure qui au début peut paraître nouvelle et excitante mais qui se réduit à une monotonie quotidienne, une routine qui se répètera jour après jour. Est-ce que nos actions ont un sens ? Merci Sean Murray, tu m’as rendu dépressif.

Parlons nouveautés

Le jeu s’est vu gratifier d’une update. Non pas pour rajouter le multijoueur qui a été promis, mais pour rajouter des features telles que deux modes de jeu supplémentaires : le mode hardcore qui est en fait le mode normal mais en plus irritant et le mode créatif qui vous permet d’avoir autant de ressources que vous voulez. C’est avec ce dernier mode que l’on va tester une autre feature : pouvoir créer sa base. Le système de création de base propose pas mal de choses. Construire un bâtiment, réunir quatre experts qui pourront vous donner des blueprints uniques et des quêtes, faire pousser des plantations et rajouter des décorations. Vous vous sentirez bien chez vous. Ce serait encore mieux cependant si on n’était pas limité par un système de « module » (il est impossible de donner la forme que l’on veut à notre base), si la base n’était pas limitée en termes de superficie (mais pas en hauteur, étrangement) et si l’on pouvait construire les bases où l’on voulait et pas juste à des endroits précis.

En conclusion

Le plus grand point noir de ce titre est l’absence de multijoueur, bien qu’il ait été promis par Sean Murray dans bon nombre d’interviews parmi d’autres nombreuses promesses (je n’invente rien, allez sur Reddit et sur Youtube, la liste de promesse non réalisées est tristement longue). Quand un journaliste vous demande si vous pourrez jouer avec vos amis, ne répondez pas « oui » si ce n’est pas le cas. Ne dites pas non plus que « le seul moyen de voir votre personnage, c’est à travers les yeux d’un autre personnage ». Au final, on ne connaît pas exactement le fond de l’affaire. Est-ce que Murray était tenu par une clause de confidentialité vis-à-vis de Sony ? Est-il un menteur compulsif ? Voulait-il réaliser le jeu vidéo de ses rêves ou alors simplement sauver Hello Games suite à l’inondation du studio ? En tout cas, le studio a clairement raté son tir. Pour faire court, le jeu a tout bonnement été vendu pour ce qu’il n’est pas. La déconvenue est telle que l’avalanche No Man’s Sky est devenue l’ouragan One Man’s Lie. Le studio Hello Games a été traîné en justice pour publicité mensongère, les critiques se sont lâchés sur le jeu, les forums du jeu ont simplement disparu ou ont été soumis à un contrôle strict. Et Sean Murray ? Il est probablement parti dans une galaxie lointaine, très lointaine.

Note

12/20

En bref, le jeu a raté son tir. Quelques mois voire une année entière n’aurait pas été de trop pour compléter le jeu et rajouter les choses qui avaient été promises. Le jeu s’est inspiré de plein d’autres titres en prenant de bonnes idées tout en gardant les mauvais aspects. La génération aléatoire des assets et environnements a desservi le jeu. À la fin du voyage, le jeu est décevant et votre temps perdu semble infini.

Réactions

  • Gatchan77 le 01/02/2017

    L’un des problèmes du jeu c’est qu’il est sorti sans passer par une phase early-acces comme la plupart des jeux sandbox du genre et qu’il a été vendu comme un produit fini alors qu’il était quasi vide de contenu. Du coup aucuns retours de joueurs pour corriger/améliorer le jeu et au final sur steam il est passé de 200.000 joueurs à sa sortie à moins de 1000 à peine 2 mois après.
    Perso c’est un jeu que j’attendais (bon le trailer de l’E3 envoyait du pâté) mais à moins qu’il soit offert dans un humble bundle ou via le PS+ je pense que je passerai mon chemin.

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