Retro VGS : une réponse coûteuse à de saines envies

Retro VGS : une réponse coûteuse à de saines envies

Une niche fortunée, très informée et méfiante

Même dans le meilleur des cas, les chances sont infimes de voir un jour la Retro VGS dans les grands magasins et les supermarchés culturels et électroniques. La vente en ligne (un comble pour l’esprit retro, vous me direz) et les boutiques (très) spécialisées sont plus adaptées à son modèle. Bienvenue dans la jungle des joueurs exigeants et impitoyables ! Un public cible qu’il faut approcher prudemment pour profiter de son pouvoir d’achat. Si vous arrivez à le convaincre, il sera prêt à débourser des sommes considérables/folles pour votre projet. Le prix de 300 dollars (annoncé pour la Retro VGS) n’est pas un problème en soi pour lui s’il se passionne pour votre produit. Mais prenez garde, car ce public est constamment sur ses gardes et guette le moindre faux pas. La Retro VGS en fait les frais…

La communauté des joueurs intéressés a pris la mouche, entre autres sur les forums de Neogaf ou Atariage. Le point de rupture se situe dans le choix de la structure pour le financement participatif : Indiegogo. Blam ! les forums en déduisent que la Retro VGS ne respecte pas les conditions fixées par Kickstarter pour un projet matériel, en particulier l’existence d’un prototype. Les initiateurs du projet s’en défendent : Kickstarter aurait accepté une entorse à cette règle de manière informelle et leur choix pour Indiegogo découlerait plutôt d’un meilleur accueil. Les « What ?! Vous n’avez pas de prototype ? » fusent et la peur de l’arnaque point. La campagne de dénigrement fait rage et la page Facebook de la Retro VGS perd son innocence en pratiquant maladroitement le « damage control ». Tout le monde s’inquiète : les promoteurs du projet sont-ils dignes de confiance ?

Aux relations publiques, on trouve Mike Kennedy, un diplômé en marketing qui a notamment créé la revue anglophone Retro Videogame Magazine. Steve Woita apporte, quant à lui, la caution développeur avec son CV impressionnant. Son parcours professionnel l’a amené à travailler pour Atari, Apple, Sega, Nintendo, Electronic Arts et Activision. Ses talents de programmeur ne sont plus à prouver dans le domaine rétro. En effet, son nom figure en haut du générique d’Astérix pour Atari 2600, Sonic Spinball sur Megadrive et surtout Kid Chameleon ! Enfin, la partie hardware est gérée par John Carlsen, qui a lui aussi de la bouteille. En termes de conception matérielle, il a créé une Playstation visant les marchés émergents. Il est aussi l’un des cofondateurs du studio Iguana Entertainment, qui s’est chargé, par exemple, des conversions de NBA Jam sur les consoles de l’époque.

Mike Kennedy à gauche et Steve Woita posant avec ses créations

Mike Kennedy à gauche et Steve Woita posant avec ses créations

Des vétérans qu’il faudrait croire sur parole ? Pas exactement. Indiegogo propose, comme Kickstarter, des campagnes de financement liées à un objectif fixe. Si la somme récoltée n’atteint pas cet objectif, vous êtes automatiquement remboursé à hauteur de votre mise initiale. La Retro VGS est financée de la sorte et son objectif est établi à… 1.950.000 dollars ! Une montagne d’argent peut-être justifiée (qui peut savoir ?) mais qui paraît peu crédible. Concrètement, pour arriver à son but, la campagne doit vendre entre 5.000 et 7.000 consoles sur une période de 45 jours. En cinq jours, elle n’a réuni que 3 % de la somme souhaitée. En considérant que les plus acharnés se sont déjà manifestés, il faudra donc convaincre les indécis. Un vrai défi. Pas frileux, les initiateurs du projet annonçaient même une extension de la puce FPGA… si l’objectif de financement est doublé.

Pré-unboxing

Selon les esquisses, la bête se présente(rait) sous une forme connue : une coque d’Atari Jaguar. En effet, les papas de la Retro VGS ont acquis le moule de la coque et des cartouches Atari Jaguar. Détail cocasse, ce moule avait déjà été vendu auparavant à une société d’imagerie médicale pour les soins dentaires ! Heureusement, la manette Jaguar aussi boutonneuse qu’un adolescent en pleine puberté n’a pas été reproduite. Le pad Retro VGS est un hybride à double stick et croix directionnelle, ressemblant fortement à la manette Wii U Pro Controller. Pour accentuer l’aspect rétro, la console présente aussi deux ports classiques (DB-9) compatibles avec les manettes des Sega Master System et Mega Drive, de l’Atari 2600 et de plusieurs ordinateurs de cette époque.

À l’arrière, la Retro VGS offre des sorties vidéo et audio diverses : RGB via un câble Sega 32X/Megadrive II, HDMI, RCA et S-video. Ces sorties devraient être utilisables simultanément, par exemple la sortie HDMI pour l’enregistrement vidéo et le RGB pour l’affichage sur un écran cathodique. Précision technique supplémentaire : chaque Retro VGS constitue aussi un outil de développement pour son support.

Parmi les annonces de jeux faites sur la campagne ou ailleurs, on note des titres également prévus sur PC et autres, par exemple le prometteur action-RPG Songbringer, le jeu d’enquête en dessin animé Read-Only Memories et le plateformer mignon Adventures of Tower of Flight. La Retro VGS devrait aussi publier plusieurs portages : l’excellent jeu de plateformes-aventure Shantae, le digne clone de Turrican Gunlord et le jeu de casino médiéval issu de la production amateur sur Neo Geo Knights’ Chance (et vendu à 400 dollars sur ce support de luxe). Une compilation Double Dragon Trilogy serait également à l’étude, ainsi qu’une version remaniée de Pier Solar, sorti des limbes de la Megadrive par la Super Fighter Team. Le shoot’em up « à la R-Type » Last Hope Pink Bullets (Neo Geo/Dreamcast) de la NG.Dev Team devrait aussi être de la partie. Les titres de lancement sont donc assez variés et réputés, à défaut d’être de vrais hits comme Shovel Knight, Guacamelee ou The Binding of Isaac. Veuillez passer à la caisse maintenant, merci.

Retro VGS-Mario

On sort la carte bancaire

Au-delà des simples dons, la campagne Indiegogo propose des récompenses concrètes à certains paliers. 25 dollars pour une manette officielle en USB à compatibilité étendue. De 30 à 60 dollars pour les jeux annoncés au lancement (fin 2016) ou ultérieurement. 300 dollars pour une console de base noire avec une manette et un jeu. À partir de 350 dollars pour une console exclusive dans une couleur au choix (le bleu de Sonic, le doré de Zelda, une coque transparente, etc.). Le prix de départ à 300 dollars est donc élevé, au niveau d’une console de salon de dernière génération (Wii U, PS4 et Xbox One). La volonté de fabriquer « local » en Californie expliquerait aussi la facture salée. Comptez aussi les frais de port, délirants hélas : 25 euros pour une manette ou 70 euros pour une console vers la Belgique ou la France.

À ce prix et à ce degré d’incertitude, il n’est pas raisonnable de participer au financement. Rien que pour éviter les frais de port faramineux, il vaut mieux attendre : Funstock, annoncé comme un futur revendeur, ne se sucre pas autant sur les frais de livraison. Mais ne sera-t-il pas trop tard ? C’est l’essence du financement participatif : si les fonds récoltés sont insuffisants, la Retro VGS risque de ne jamais voir le jour.

Retro VGS-translucide

On sait aujourd’hui que cette phase du financement est un échec. Mais tout n’est pas encore perdu. La page Indiegogo assure que le projet Retro VGS reviendra sous une nouvelle forme. À suivre…

Réactions

  • Cyborg Jeff le 14/10/2015

    Perso, je trouve le concept intéressant. Les RetroN étaient franchement moche et ce que j’en avais lu était dissuadant. Indépendemment de l’aspect utilisation d’anciens jeux, pouvoir disposer de versions physiques de titres à l’aspect oldschool me plairait fortement… Je suis tout à fait prêt à payer 20€ plutot que 10€ pour un titre à la Shovel Knight et Shantae si c’est pour avoir une version physique qui puissent vivre au dela du bon vouloir d’une société et son serveur.

    J’ai acheté bcp de titres indie sur le PStore de la PS3… Qu’arrivera-t-il quand Sony coupera les vivre à cette dernière, alors qu’il a déjà choisi de ne pas les rendre compatible si j’achetais une PS4… (Na, na et na je le redis, mon cher Sony, si tu y avais pensé cela ferait longtemps que j’aurais acheté une PS4… mais tu es trop occuper à ne ne chercher qu’à convaincre les amateurs de CallofDuty et les jeux en réseaux…)

    Clairement à l’heure actuelle je me sens en rupture totale face à la PS4 et la Xbox One, là où je me retrouverais dans une Retro VGS…

    Néanmoins, je pense que je ne mettrais pas plus de 150€ pour l’achat d’une telle machine.

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    • spacecowboy le 15/10/2015

      Le prix annoncé a freiné plus d’une personne intéressée a priori. Les initiateurs du projet essayeront probablement de baisser le prix pour relancer une campagne de financement participatif. Sans doute aussi en ayant un prototype fonctionnel cette fois.

      Pour ma part, c’est plutôt l’incertitude qui m’a retenu de soutenir financièrement le projet. Si je trouvais une Retro VGS en magasin à 300 euros, je l’achèterais tout de suite. Et je mettrais même 50 euros de plus pour une édition bleue « Sonic » 😉

      J’espère que le projet va se relancer convenablement. Le concept est trop beau pour ne pas être exploité. Et je sais déjà que si la console sort un jour, je vais probablement succomber à la tentation du full set contemporain. C’est comme un rêve de collectionneur… Toutes proportions gardées, si j’avais eu du fric au moment de la Neo Geo, j’aurais certainement fait des folies 🙂

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