Art & Magic – le jeu vidéo artisanal

Art & Magic – le jeu vidéo artisanal

Gil Damoiseaux, Michaël Defroyennes, Yves Grolet, Frank Sauer et Iwan Scheer sont cinq potes. Manifestement contents d’être réunis pour une conférence au PointCulture de Charleroi, ils se sont prêtés à l’exercice avec entrain. Pendant deux heures, suivies d’une demi-heure généreusement accordée à Press-Start, ils ont fasciné leur public. Outre leur passion communicative, ils ont aussi distillé de nombreux conseils de « vieux » loups à ceux qui voudraient se lancer dans le métier de nos jours (ils étaient quelques-uns dans l’auditoire).

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De gauche à droite : Michaël Defroyennes, Iwan Scheer, Yves Grolet, Frank Sauer et Gil Damoiseaux (et Julien Annart en interviewer)

Tantôt captivants, tantôt blagueurs, les cinq compères ont fait le job. Avec une modestie qui les honore compte tenu de leur CV. Selon eux, la réussite comporte « un énorme facteur chance. On croit que c’est une question de volonté… La volonté, c’est une condition nécessaire mais pas suffisante. Plein d’autres ont la volonté, mais vont quand même se planter. »

Si on les écoute, ils auraient donc construit leur carrière sur un coup de bol ou par « naïveté », de loin le mot le plus souvent prononcé durant la soirée. Découvrez ci-dessous leur parcours de créateurs et jugez donc comme la naïveté peut être bonne conseillère !

Unreal

Unreal

« Art » pour la conception artistique et « Magic » pour la magie de la programmation. Deux notions gérées indépendamment à l’époque par Frank Sauer et Yves Grolet. « On était plus épatés par le travail de l’autre que désireux de lui dire ce qu’il devait faire. On était tout contents quand on allait voir ce que l’autre avait fait, on trépignait d’impatience pour voir comment ça allait encore être plus génial qu’avant ! ». De cette motivation mutuelle naît le premier succès : Unreal.

Deux jeux en un – on pressent déjà la volonté de variété du studio. Sur la partie shoot’em up en 3D, les deux jeunes amis veulent reproduire sur Amiga les prouesses d’un Galaxy Force. La partie action-plateformes, que la presse décrit parfois comme le tueur de Shadow of the Beast, semble effectivement pouvoir tenir la comparaison avec le hit de Psygnosis. Quant au gameplay, Yves Grolet avoue qu’il ne s’en souciait pas véritablement et qu’il le construisait au fur et à mesure sans réflexion préliminaire. La même approche est suivie pour le prochain titre, qui 1) est un shoot’em up parce que c’est facile à faire ; 2) s’appelle Agony pour figurer en tête des listes alphabétiques. La modestie du duo cache pourtant un splendide shoot’em up…

Agony

Agony

La consécration critique et – oserait-on dire – historique vient déjà avec ce titre : l’un des plus beaux jeux de l’Amiga, pourtant extrêmement bien servi en la matière. Agony est la création dont Frank Sauer est le plus fier avec Outcast. Et cette fierté est bien méritée, tant la valeur artistique est élevée dans cette œuvre.

Présentation à Psygnosis sur un salon. La chouette (le logo de Psygnosis) était un hasard, « mais ça leur a bien plu chez Psygnosis ». La technique des scrollings parallaxes impressionne aussi l’éditeur, à tel point qu’il appelle les développeurs de Shadow of the Beast à la rescousse. Et il leur demande comment ces Belges ont fait ça. Les stars de Shadow of the Beast observent… réfléchissent… assènent « We don’t know ». Yves Grolet et Frank Sauer en retirent de l’assurance et quittent l’Angleterre plus forts, non sans avoir dévalisé les librairies locales pour leurs manuels de programmation. « On ne trouvait rien chez nous à l’époque. »

La qualité visuelle d’Agony saute aux yeux, matérialisée dans ces scrollings parallaxes irréels pour l’Amiga. La technique d’animation est magistrale (regardez-moi cette chouette voler !), mais elle se fige entre les stages pour laisser la place à de superbes tableaux. De vraies peintures, comme le conçoit Frank Sauer qui les signe d’ailleurs à l’écran.

« Ca m’a paru naturel de signer. Sans réfléchir par rapport au format. Je l’ai fait justement dans l’esprit de peinture. Mes inspirations, je ne les puisais pas dans le jeu, mais plutôt dans les œuvres des peintres, ceux de la Hudson River School notamment. »

"The Titan's Goblet" par Thomas Cole (1833) - du mouvement Hudson River School (http://www.metmuseum.org)

« The Titan’s Goblet » par Thomas Cole (1833) – du mouvement Hudson River School (http://www.metmuseum.org)

Les concepteurs d’Agony ont-ils le sentiment d’avoir influencé d’autres productions ultérieures ? « Non. » Même pas Kolibri sur Sega 32X ? « Oh, c’est ce qui se dit, mais… ». Ce n’est pas encore cette fois-ci que nous prendrons leur modestie en défaut.

Réactions

  • cyborgjeff le 10/04/2015

    Hé bien, hasard du calendrier, je lisais justement la semaine dernière un article à leur sujet dans le Pix n Love 16. Ils nous raconte l’histoire de Spellsinger, grand projet d’Art & Magic qui n’est malheureusement pas sorti des sous-sols. Une épopée magique de notre bassin liègeois

    https://www.youtube.com/watch?v=WT_UCNGrKdM

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  • cyborgjeff le 10/04/2015

    Aaah, je n’avais pas vu qu’il y avait 3 pages à cet article… je m’y remets 😉

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  • Aerticum le 10/04/2015

    J’y étais pour une bonne partie avec toi, et c’était un super chouette moment. J’aime ce genre d’histoire pleine d’anecdote 🙂 Ces gens étaient vraiment sympa

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  • Pacman Syndrome : du jeu-vidéo made in Belgium – Les Mondes de Cyborg Jeff le 06/08/2018

    […] Présentation à Psygnosis sur un salon. La chouette (le logo de Psygnosis) était un hasard, « mais ça leur a bien plu chez Psygnosis ». La technique des scrollings parallaxes impressionne aussi l’éditeur, à tel point qu’il appelle les développeurs de Shadow of the Beast à la rescousse. Et il leur demande comment ces Belges ont fait ça. Les stars de Shadow of the Beast observent… réfléchissent… assènent « We don’t know ». Yves Grolet et Frank Sauer en retirent de l’assurance et quittent l’Angleterre plus forts, non sans avoir dévalisé les librairies locales pour leurs manuels de programmation. « On ne trouvait rien chez nous à l’époque. » (Un très bon dossier à lire sur Press-Start) […]

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