The Crew

The Crew

Et pour quelques dollars de plus…

The Crew propose une expérience riche en promesses et en concepts. Dans le genre de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, il se présente comme un jeu de courses, doté d’un scénario cinématographique, riche en interactions avec d’autres membres de votre « crew » et vaste comme les U.S.A. De surcroit, il a carrément la prétention d’implanter les principes-atouts du MMORPG au gameplay de cette expérience automobile. À courir plusieurs lièvres à la fois, Ivory Tower et Ubisoft ont-ils une chance de faire mouche ?

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To Be Beautiful or not to BE, ainsi va le jeu en 2014, non ?

Mon interrogation introductive soulève une première déception après quelques paires d’heures de pratique de The Crew. Lorsque je me procure un jeu de bagnoles sur PS4, en décembre 2014, j’attends des sensations, des graphismes au top, des challenges et une culture de la perfection à tous les étages. Mon constat fait suite à la première impression laissée par les atouts esthétiques du produit : les graphismes. À ce sujet, je découvre rapidement l’envers du décor et les frustrations qui l’accompagnent. De prime abord, des effets de lumière et une sensation d’invasion de sprites à l’écran me donnent satisfaction, mais après quelques tournants et coups d’œil (ailleurs que dans les rétros car il n’y en a pas !) sur le cadre environnant, la poudre aux yeux des premiers effets laisse place à trop de défauts et d’approximations dans les textures des décors. Pire, l’environnement a tendance à apparaître tardivement et entrave le confort d’anticipation. On se rapproche d’ailleurs malheureusement trop souvent d’un défaut de clipping, qui pourrait être légitimé par la taille gargantuesque des maps, mais je reste convaincu que les mensurations de la zone praticable ne doivent jamais avoir des conséquences néfastes sur le plaisir de jeu en soi. Les voitures quant à elles ne parviennent pas à se mettre au niveau des carrosseries aperçues dans Forza Horizons 2 par exemple. Alors, certes, la palette graphique semble mignonne, néanmoins quand on y regarde plus près, elle se contente de fournir le service minimum attendu sur les machines actuelles. Par contre, les musiques donnent rapidement le ton et s’inscrivent dans une dynamique très cinéphile, avec des morceaux pêchus qui font bien vibrer le home cinéma Bose de la gameroom. De plus, elles tiennent le coup sur la longueur et la programmation de la radio embarquée assure également.

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J’entre dans l’arène, pad en mains, prêt à débouler.

Dans la foulée de mes observations techniques, je vais immédiatement devoir contrôler mes véhicules au cœur de cette immense aire de jeu offerte par les développeurs de chez Ivory Tower. À nouveau, bien que l’approche totalement foutraque de la prise en mains ne laisse aucun doute sur l’aspect arcade de la simulation en question, ma frustration va aller crescendo. Les véhicules évoluent et leurs caractéristiques d’adhérence, de vitesse ou de freinage également. Cette progression va petit à petit rendre les bolides plus maniables mais de nombreux paramètres extérieurs semblent peu adaptés. Par exemple, la gestion des consignes et du GPS oblige à quitter la route des yeux, en plus d’annoncer toujours un peu tard les changements de direction. Les tracés eux-mêmes souffrent d’un manque de clarté. Ajouter à cela les lacunes d’affichages des décors, la coupe commence à se remplir rapidement. Pour revenir aux principes d’évolution des bolides, j’aime insister sur le fait qu’ils assurent ! Différents garages offrent la possibilité de customiser l’esthétique de vos caisses via des kits et des options de stickers, de peintures et d’autres gadgets à faire pâlir les plus acharnés de la planète tuning. À côté de cela, les préparations du moteur, des suspensions et autres modifications qui rendent les voitures plus véloces s’additionnent allégrement. Génial. Oui mais encore une fois, cette belle idée et son accomplissement aboutissent sur un défaut indigeste. Les bolides deviennent trop maniables, trop parfaits, trop irréalistes, trop adhérents… Par conséquent, les voitures au top et les mieux équipées travestissent le plaisir de conduite pur et dur. Ainsi, les pilotes les plus appliqués se feront moucher par un noob qui aura injecté son salaire mensuel dans sa monture métallique. Au propre comme au figuré d’ailleurs puisque pour obtenir des crédits d’amélioration, deux options s’offrent à vous. La première, typiquement dans l’esprit MMORPG, vous oblige à additionner les heures de jeu et les défis afin de récolter un maximum d’oseille, à réinjecter au garage. Ainsi, plus vous jouez, plus votre avatar automobile évolue. Classique, efficace et surtout, cela répond aux attentes de beaucoup de joueurs contemporains. the-crew-start

Pour ma part, je ne jubile pas devant ces défis mais cela reste une parenthèse trop subjective pour argumenter ma déception croissante. Par contre, là où je déplore l’approche d’Ubisoft dans The Crew, c’est dans la deuxième façon d’upgrader sa guimbarde : en payant cash et comptant. Ils l’ont fait, de sorte que le candide Play-to-Win se transforme en vile Pay-to-Win. En effet, les moins courageux jouissent de la liberté d’acheter les options d’évolution voire les meilleures voitures elles-mêmes. Certes, chacun fait ce qu’il veut et Ubisoft ne met le couteau sous la gorge de personne en obligeant à réinvestir dans un objet à 60 euros, mais il fausse la philosophie ludique en laissant place à deux vitesses de consommation. « Payer pour évoluer, évoluer pour moins payer », peu importe, l’important n’est-il pas qu’on a déjà payé pour s’amuser ?

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Le tutti-frutti vidéoludique ou comment manger à tous les râteliers sans être rassasié ?

Les qualités de ce jeu de course ne reposent donc pas sur les mécanismes automobiles ou sur d’autres caractéristiques habituelles des titres similaires. Dès lors, qu’en est-il de ses atouts particuliers ? Comme annoncé en intro, les initiatives ne manquent pas, et je rends d’ailleurs à Ubisoft l’honneur qu’il mérite, ils ont essayé de dépoussiérer les vieux concepts pour proposer du changement et de la diversité. Ainsi, je déambule avec un avatar motorisé qui va évoluer au gré des heures de jeu qui tournent the-crew-tuning1au compteur, comme dans un MMORPG, cool, mais gâché par le PAY-TO-WIN évoqué plus haut. Ensuite, l’autre particularité de The Crew réside dans l’immensité des zones de jeu. Batailler et faire crisser vos pneus aux quatre coins des États-Unis, ça vend du rêve, certes, mais l’ennui vous guette à chaque tournant, d’autant plus que les défis et autres invitations à traverser les contrées de l’oncle Sam ne suivent pas, ou en tout cas n’ont rien de palpitant. Dès lors, courir devient errer, et scruter devient se lasser. J’ai tout de même eu l’occasion d’apprécier ci et là des paysages des Montagnes Rocheuses, du Grand Canyon et de quelques autres portraits clichés de la belle Amérique mais je n’ai pas été transcendé par la démesure du projet. Ensuite, comme la mode du moment semble l’imposer, The Crew, à l’instar de #Driveclub sur PS4, permet de pratiquer en équipe. Pas question de « Club » ici mais bien de « Crew » pour apporter une dimension inter-réseaux et convier les jeunes gamers à se rassembler. Au-delà de cette invitation à la communion que j’ai trouvée plutôt stérile, les bandes qui se composent soulèvent un intérêt sympa, puisqu’il motive à s’y intéresser en permettant de monter en grade au sein de votre team. Ainsi, les fans de hauts-faits pourront s’acharner non pas pour du beurre, mais pour une noble reconnaissance. Enfin, la dernière manœuvre qui m’a titillé concerne le scénario. Dans le but de lier le tout, de donner une raison de consommer et de divertir le gentil gamer, une histoire vient prendre place dans le cockpit. De superbes cinématiques accompagnent d’ailleurs cette intrigue naïve et bateau (dans un jeu de voiture, cela ne s’invente pas), qui ne fonctionne vraiment pas, à moins que vous n’ayez ni la télé, ni de connexion streaming depuis 20 ans et que la dernière intrigue policière qui vous a fait vibrer se planquait dans les lignes du scénario du 24ème épisode de Derrick.

Note

12/20

J’espère qu’il trouvera son public et que les efforts de diversités et d’innovations de la team Ivory Tower seront récompensés. Néanmoins, The Crew est un jeu de courses automobiles dont la conduite résolument arcade, oublie que même dans les salles obscures, les meilleurs joueurs gagnaient leurs courses parce qu’ils sentaient leur voiture, qu’ils la faisaient glisser adroitement et surtout qu’il n’y avait pas d’autres moyens d’être le meilleur. C’est aussi un jeu beau comme un jeu de 2014 mais sans plus. C’est surtout un titre qui a voulu toucher à tout, qui a voulu faire du GTA embarqué mais qui à force de courir deux lièvres à la fois et de rouler les mécaniques, en a oublié de jouer la carte du fun.

Réactions

  • Lionheart_mike le 18/12/2014

    Au final est ce que tout le monde va une nouvelle fois se faire « Watchdoger » (copyright Benzaie) par The Crew ?
    En tout cas, ça a l’air bien bancal et un peu moins bon que ce que j’attendais du jeu… dommage !

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    • Trunks le 19/12/2014

      Je n’ai pas fini Watchdog sur PC, mais je dois dire que j’aime beaucoup et que jamais je ne me suis senti volé ou trahi par Ubisoft à vrai dire. L’ambiance Person Of Interest, m’a en effet beaucoup plus et c’est tout sauf vilain, même si on est loin de la vidéo de présentation il est vrai. Quoi qu’encore une fois, sur PC, on arrive à avoir un résultat très joli. Après, suis pas du tout un adorateur de GTA, je dirais même plutôt que je déteste cette série depuis le IV. Cette ambiance gangsta me fatigue au plus haut point.

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  • Trunks le 19/12/2014

    Je n’ai pas encore eu l’occasion de le tester par moi même, ça me ferait mal au derrière de devoir l’acheter pour, mais je suis régulièrement les vidéos de Choca sur Youtube et il avait l’air de dire que c’était pas mal tout comme d’autres disent que c’est bien pourri. Par contre graphiquement, avec toutes les options à fond, ça m’avait l’air bien joli et sans clipping prononcé, sur PC du moins. Ce n’est de toute évidence pas le jeu de course que tout le monde attendait et qu’Ubisoft survendait comme l’expérience ultime du jeu de caisse en multi. Dommage.

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  • Vega le 20/12/2014

    Sur pc avec une bonne machine je présume, il est probablement techniquement plus abouti… Néanmoins, le constat reste malheureux pour une machine new gen, qui ne fait que confirmer le fossé tjs plus gourmand entre les mondes pc – consoles. Apres, cela ne changerait pas grand chose à mon ressenti car outre les graphismes, ce sont les mécanismes du jeu qui me laissent de marbre. C’est évidemment très subjectif… 🙂 merci pour tes commentaires trunks 🙂

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  • Vega le 20/12/2014

    Merci aussi Mike pour ta réaction 🙂 pour watchdogs, je me suis fait couper l’herbe sous le pied par les retours mitigés et je n’y ai pas joué… Quoi qu’il en soit, Ubisoft sort du blockbuster à la pelle, c’est lucratof sur le court terme mais est ce que cela va durer ? Je me pose la question…

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  • Motorcycle Club - La lanterne rouge le 13/01/2015

    […] automobile basée sur le partage et les interactions entre joueurs. Se contentant d’un synonyme, The Crew a enchaîné avec les mêmes ambitions, et le même degré de platitude. Aujourd’hui, les […]

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