Alien Isolation

Alien Isolation

Amanda Ripley est une « fille de » qui mérite son patronyme. Courageuse et aventurière, elle part en expédition spatiale avec une petite équipe dans l’espoir de retrouver la trace de sa mère disparue. Sans surprise, sa mission dérape dès le début, laissant Amanda seule pour se débrouiller sur une station déréglée à tous les égards.

À bord de la station en question, le Sebastopol, Amanda visite les couloirs déserts pour activer ceci qui permettra d’ouvrir cela. En soi, elle ne fait rien d’extraordinaire, mais elle le fait dans un environnement grandiose. Le décor du Sebastopol est un monde fabuleux pour tout amateur de science-fiction un peu vieillotte et carrément un rêve pour les adorateurs des films Alien, et du premier en particulier. L’extase « fan service » atteint son paroxysme dans la séquence ci-dessous.

Amanda parcourt des salles abritant une avalanche de références. Visuelles d’abord, l’influence du Nostromo se manifestant partout. Sonores ensuite, avec une symphonie de bruits évocateurs – les bips d’ordinateur, l’allumage automatique des néons et surtout le rugissement surnaturel du monstre.

Bien sûr qu’il est là, l’Alien ! Mais il se montre à l’occasion, sans s’incruster. Il a d’ailleurs bien raison de ménager ses interventions, car Amanda a d’autres problèmes de sécurité. Les autres rares humains qui se trouvent sur le vaisseau n’ont apparemment aucune envie de discuter ; vous n’avez pas le temps d’ouvrir la bouche qu’eux ouvrent le feu avec une assez bonne dextérité. Les robots d’assistance, quant à eux, font leur boulot. Rien de plus. Si leur programme leur dit de surveiller un mécanisme sans embêter le monde, ils le font. Si on leur donne subitement l’ordre de massacrer tout ce qu’ils aperçoivent, ils le font aussi. Mieux vaut donc ne pas éveiller l’attention des humains et robots pour éviter des coups de feu bruyants. Car l’Alien n’aime pas le bruit, pas du tout du tout.

Vous vous rappelez quand vous faisiez trop de bruit en jouant dans votre chambre et que vos parents venaient vous inciter plus ou moins férocement à baisser le volume ? L’Alien, c’est pareil, il ne veut pas être dérangé. Si vous troublez sa quiétude, il viendra lui aussi vous demander de vous calmer. À sa façon… en vous plantant sa queue à travers le ventre, en bondissant sur vous toutes griffes dehors, en approchant ses deux gueules de votre visage, etc. L’Alien est inventif quand il s’agit de vous faire comprendre son message : dégage ou meurs !

Alien Isolation capture

Mais Amanda s’est quand même embarquée dans cette mission pour avoir des nouvelles de sa maman. Alors maintenant qu’elle sait que la boîte noire du Nostromo est planquée quelque part sur cette station de malheur, elle n’a pas franchement envie de mettre les voiles illico. Et puis, comment pourrait-elle bien se barrer quand sa prison est entourée par l’espace ?

Alors, Amanda décide de rester… et donc de cohabiter avec l’Alien. Si sa décision ne vous impressionne pas plus que cela, voyons voir à quoi ressemble une journée ordinaire sur le Sebastopol.

Guidée par un androïde sympa qui lui chuchote des indications dans l’oreillette, Amanda apprend qu’elle doit fermer trois issues pour enfermer l’Alien.

Acte 1

Amanda parvient à descendre deux des trois rideaux métalliques qui bloquent les accès. Proche du troisième et dernier rideau, elle se dit qu’il n’est pas nécessaire de passer par le point de sauvegarde éloigné. Ca va passer comme dans du beurre, il suffit de… [crr crr crr] elle entend son radar qui crépite. Son appareil de détection indique une présence juste au-dessus d’elle et, d’ailleurs, Amanda entend maintenant distinctement des bruits de pas à l’étage. Sans attendre, elle court se planquer sous une table. Juste à temps, car l’Alien tombe du plafond en claquant des mâchoires. Il est à l’affût ! Amanda reste immobile, glacée d’effroi devant ces membres inférieurs énormes qui passent dans son champ de vision. Patiente, elle attend que le chasseur se désintéresse de l’endroit et s’éloigne. Elle sort de sa cachette et fonce vers le dispositif à activer. Dans la précipitation, Amanda a couru… [boum boum boum] elle voit revenir l’Alien face à elle à toute vitesse. Sans lui laisser aucune chance, la créature l’envoie dans la tombe. Rythme cardiaque en hausse et chargement de la sauvegarde précédente.

Acte 2

Amanda apprend de ses erreurs. Elle active le premier rideau métallique et retourne sagement au point de sauvegarde. Tout roule, elle se dirige vers le deuxième mécanisme et… [crr crr crr] montée d’adrénaline : l’Alien lui tourne le dos au bout du couloir. Amanda s’accroupit pour étouffer ses pas et contourne la bête, qui ne la remarque pas. Mais à quelques mètres de là, un androïde en mode destruction l’aperçoit et marche lentement mais sûrement dans sa direction. En essayant d’éviter une lutte (bruyante), Amanda ne bouge pas assez vite et se fait molester par l’androïde qui lui enlève une bonne partie de sa barre de vie. À l’article de la mort et échaudée par sa dernière course (bruyante), Amanda réagit stupidement : elle sort son fusil à pompe et tire une cartouche (bruyante). L’androïde tombe à la renverse en débordant de liquide synthétique, mais tout ce petit manège n’a pas échappé à l’Alien. Résignée, Amanda se fige en entendant un être se précipiter derrière elle. L’horrible queue de l’Alien creuse un trou de part et d’autre de son tronc. Une main affreuse s’approche de son visage et le broie. De quoi faire de beaux rêves, mais d’abord on retourne à la sauvegarde précédente.

Acte 3

La sauvegarde intermédiaire fait gagner du temps à Amanda. Pour fêter ça, elle décide de faire toute la séquence accroupie. Et de deux rideaux métalliques, deux ! Le troisième lui tend les bras, mais elle préférerait aller sauvegarder. Hélas, son radar lui signale une présence sur le chemin qu’elle pense emprunter. À voir la rapidité avec laquelle le point de détection se déplace sur le radar, Amanda sait de qui il s’agit. L’Alien n’apparaît jamais au même endroit à chacune de ses tentatives, quelle misère ! Coup de bol, elle voit alors l’ouverture d’un conduit. Sa carte, qu’elle ouvre en mettant le jeu en pause (un peu de répit !), indique que ce conduit débouche à proximité du troisième mécanisme. Elle se lance et se retrouve devant son objectif. Clac, le dernier rideau se ferme. Ca énerve l’Alien qui grogne au loin. Amanda l’entend faire les cent pas dans les environs, tandis qu’elle se dirige lentement vers la sortie. Reste calme Amanda, ne gâche pas tout maintenant ! Au bruit des pattes lourdes s’ajoute subitement un minuscule bip qui retentit avec une régularité mécanique. Un point de sauvegarde ! Amanda se rapproche du bip et enfonce sa carte d’accès dans la fente. Allez, allez, dépêche. [tutût] la partie est enregistrée. Gros ouf de soulagement, Amanda est sauvée, le joueur est sauvé. Pour cette fois…

Alien

Tout ce magnifique enrobage à destination des fans est relégué au second plan. Seules comptent la progression dans l’aventure et la survie. On en oublierait presque d’admirer les décors et on ignore volontiers certaines zones facultatives. Les parties de cache-cache prennent aux tripes sans lasser durant tout le mode principal, long d’une grosse vingtaine d’heures. La fin du périple est un énorme soulagement pour les nerfs, qui prend la forme d’un profond respect pour les développeurs. Compétence, amour du sujet et générosité ont guidé The Creative Assembly vers la voie de l’excellence. Non pas que leur travail soit parfait (par exemple, la qualité technique n’est pas transcendante et même décevante dans les cinématiques), ni que les attaques de l’Alien soient toujours effrayantes (car trop fréquentes), mais les intentions du départ ont été suivies à la lettre dans un titre long qui se tient durant toute sa durée. Là est bien l’essentiel !

D’aucuns reprocheront à Alien Isolation d’avoir forcé le trait rétro jusque dans son mode de sauvegarde. Le joueur doit en effet trouver des bornes pour sauver sa progression. Inégalement réparties sur le vaisseau, elles peuvent agacer quand elles sont distantes de plusieurs longues minutes de jeu intense. Toutefois, cette irrégularité dans leur placement instille la crainte de l’imprévisibilité dans l’esprit du joueur. Quand est-ce que la prochaine borne va pointer le bout de son nez ? Est-ce que les ennemis proches me laisseront le temps d’actionner le mécanisme de sauvegarde ? Deux interrogations qui se poseront sans cesse et qui mettent un rythme d’enfer !

Les armes et la possibilité de construire divers pièges pourraient aussi être considérées comme des entorses au principe original d’Alien Isolation. Certes, ces deux aspects sont plus génériques que le reste, mais ils sont à double tranchant. Les armes font du bruit et la fabrication de pièges et outils prend un temps précieux (comprenez dangereux). De plus, l’utilisation périlleuse des armes impose au joueur d’évaluer la juste prise de risque et d’opter pour la bonne solution. D’autant plus que les développeurs ont pris un malin plaisir à désorienter le joueur. Dès qu’ils lui offrent un moyen d’attaque surpuissant, ils lui ajoutent une contrainte supplémentaire qui annihile son efficacité. Le joueur prend et perd successivement espoir de s’en sortir facilement. La désolation le guette, au son du thème du 8ème passager… illustrant une certaine idée du désespoir.

Laisse un commentaire

* champs obligatoires