Quand le devoir n’appelle pas

Tandis que les studios triple A imposent leur vision de la guerre, virile, déshumanisée et digne d’un film de Michael Bay, un petit studio venu de Varsovie décide de se placer de l’autre côté de la balance en y plaçant quelques civils et une bonne dose de noirceur. Fera-t-il le poids ?

Des intentions louables

La morale du joueur sera souvent prise à parti

Pour les quelques connaisseurs suivant la scène indépendante, 11Bit Studios est principalement connu pour ses deux Tower Offense baptisé Anomaly, apportant un vent de fraîcheur à un genre qui semblait pourtant parfaitement figé. En mars dernier, soit deux mois environ avant que le troisième et très anecdotique volet de leur série phare ne débarque sur Steam, les Polonais annoncent avec fierté l’arrivée prochaine de leur nouvelle création : This War Of Mine.

Leur devise ? « À la guerre, tout le monde n’est pas un soldat ». C’est sur cette simple phrase que tout le développement s’articulera, 11Bit ayant la ferme intention de proposer au joueur une expérience hors du commun et loin des explosions hollywoodiennes habituelles. Pour coller au maximum à la réalité,  le studio fera pas mal de recherches, tentant au mieux de comprendre ce que ressentent les citoyens d’un pays assiégé. Un article en particulier retiendra leur attention. Le récit d’un homme seul ayant survécu aux horreurs et aux difficultés qu’une vie dans une cité prise d’assaut comporte.

« Nous avons décidé de travailler autour de cette idée » explique Michal Drozdowski, le lead Designer. « Nous voulions faire quelque chose de réel, qui émouvrait les gens, les empêcherait de penser pendant une seconde. Il est temps que les jeux, tout comme les autres formes d’art, parlent des choses vraiment importantes ! ».

Un contrat rempli ?

Avec un tel discours, on ne peut pas dénigrer le titre comme l’on négligerait un Candy Crush. Les objectifs de nos amis Varsoviens sont-ils remplis pour autant ?

Force est de constater que, d’un point de vue esthétique, This War Of Mine retranscrit fidèlement le désespoir que l’on devine inhérent aux infortunés habitants de tels quartiers ravagés. L’ambiance lourde, les musiques minimalistes et mélancoliques, le noir et blanc et les coups de crayons soignés, tout nous évoque une situation complexe et une pression constante. On sent qu’un travail important a été fait sur la bande-son et les environnements.

S’il n’est pas cité comme référence, il y a de nombreuses similitudes avec le jeu de navigateur Hordes

De plus, chaque personnage dispose de son propre background. Quel était son boulot ? De quel milieu vient-il ? On trouvera donc une équipe plutôt hétéroclite à notre disposition. Car oui, je ne vous l’ai pas dit, mais le jeu nous met dans le rôle du dieu invisible devant gérer au mieux les besoins de chaque survivant, souvent au nombre de trois. Déblayer notre abri, construire un atelier afin de crafter de nombreux outils, il s’agira d’utiliser au mieux le temps qui nous est imparti. Comment ça, « Quel temps imparti » ? Vous êtes au courant qu’une journée ne dure que 24h ? Tandis que, lorsque le soleil est levé, vos joyeux drilles tenteront d’aménager au mieux leur domicile, dès que la nuit tombe, les vraies décisions tomberont. Doit-t-on envoyer Markus, blessé mais bon coureur, piller le centre commercial ? Et qui montera la garde ? C’est vrai que Bruno est en bonne santé, mais c’est un cuisinier, pas un soldat. Cela dit, ça fait trois jours que Roland ne dort plus, il ne faudrait pas qu’il nous fasse une burn-out en plus de sa fièvre. Finalement, ce centre commercial, c’est vraiment une bonne idée ? Parce qu’il y a encore quelques trucs à ramasser dans le cottage désert à côté de chez nous…

Vous l’aurez compris, le titre ne choie pas vraiment le joueur, l’accablant plus volontiers d’un tas de maux qu’il lui faudra résoudre au plus vite s’il ne veut pas qu’une de ses ouailles décède.

Malgré sa faible durée, la bande-annonce n’en reste pas moins percutante

Car effectivement, la mort n’est jamais bien loin et la moindre migraine vous paraîtra rapidement terriblement dangereuse, tant les médicaments sont rares et durs à négocier avec les survivants errant çà et là. Ces concitoyens n’auront d’ailleurs pas toujours la même réaction. Certains se montreront particulièrement virulents (un coup de couteau est vite parti) et d’autres, à l’inverse, requerront votre aide, moyennant récompense. Il est également possible que lesdits survivants émettent le souhait de rejoindre votre équipe de fortune, et si l’on serait enclin à accepter, il ne faudrait pas négliger l’arrivée d’une nouvelle bouche à nourrir, les denrées ne tombant pas à tous les coins de rue.