Vampire : The Masquerade – Swansong

Vampire : The Masquerade – Swansong

Pour se faire les crocs avant Bloodlines 2 ?

Big Bad Wolf Studio, équipe bordelaise derrière le jeu The Council, tente une nouvelle incursion dans le style des jeux narratifs avec un énorme background pour l’y aider. Je vous parle d’un temps où l’euro n’avait pas cours et où les jeunes boutonneux avides de jeux de rôle papier (dont je faisais partie, évidemment) découvraient une pépite du genre aux relents d’eau bénite et d’ail. 30 ans plus tard, la Mascarade a évolué avec son temps. Le jeu de rôle sur table a étoffé son univers et a même déjà été adapté en jeu vidéo avec le très bon Bloodlines. Une suite est d’ailleurs annoncée sur les plateformes actuelles mais subit tellement de reports et changements de studio que je me demande où elle en est actuellement. Heureusement, pour gérer le manque, les joueurs peuvent, d’une part, découvrir l’entrée du terrier avec un Battle Royale free-to-play sous-titré Bloodhunt et, d’autre part, plonger dans un gigantesque background avec Swansong, ce chant du cygne qui joue sur la corde sensible des rôlistes et tente de retranscrire une expérience plus proche de l’ambiance des tables de jeu pleines de dés et de feuilles de personnage remplies de traces de gras. Les chips, je plaide coupable !

Si ça saigne, on peut le tuer

Il ne doit pas exister beaucoup de cultures ou de civilisations qui n’aient pas imagé le personnage du Vampire. Star du Rock, aristocrate manipulateur, bête enragée, super-héros ou encore séducteur, le suceur de sang moderne a de quoi faire rêver. Lorsque Vampire : La Mascarade est arrivé, les rôlistes ont pu découvrir un univers codifié (rempli de jargon dont seul les initiés ont la référence) qui rendait un bel hommage à la littérature incontournable de Bram Stoker et Anne Rice, les principaux contributeurs de la légende du marcheur nocturne européen.

Permettez-moi d’abord de vous préparer pour la suite de l’article. Si vous êtes fan et attendez que je vous parle d’Etreinte, d’Appel et de Camarilla, passez sur un autre site car je ne tiens pas à enfumer n’importe quel lecteur avec ce jargon qui me tient pourtant aussi à cœur. L’important ici est de s’adresser à toute personne qui éprouverait de l’intérêt pour la découverte, tant le format de Swansong tente de livrer aux joueurs un condensé de l’univers de La Mascarade. Le jeu vous fera témoigner du quotidien de la société vampirique à travers la perspective de trois vampires aux profils et capacités bien marqués. Le jeu de rôle apportait beaucoup de thématiques actuelles et permettait alors d’y injecter ses propres idées. En tant que vampire, agirais-je en espèce dominante ou plutôt dans l’ombre en respectant le même genre de pacte que la communauté des Sorciers de Harry Potter ? Ferais-je un élevage de ma nourriture humaine ou chercherais-je un substitut ? Dans cet univers, les vampires les plus anciens finissent tous par disparaître un jour, appelés par une force qui dépasse l’entendement. Que ferez-vous des jours de votre non-vie au sein de cette société en attendant ?

Narratif jusqu’au bout

Le jeu se présente comme une série de scènes qui seront vécues à travers les yeux perçants de trois protagonistes, chacun suivant sa trame en fonction de ce qu’il découvrira. Chaque début de scène vous permet de consulter la fiche de personnage qui reprend les compétences reprises du jeu de rôle et quelques pouvoirs. Cependant, il ne s’agira que d’une poignée de capacités souvent sociales par rapport à la fiche de personnage du jeu de rôle. En effet, comme le jeu est purement narratif, vous discuterez beaucoup et vous passerez de longs moments d’exploration entre deux scripts déclenchés. Les pouvoirs légèrement différents de chaque personnage permettent de varier un peu la façon dont les phases de gameplay se présenteront sans non plus considérablement en modifier l’approche.

Vous serez souvent lâché sur une petite carte labyrinthique où vous devrez interagir avec le moindre objet ou personnage. Vous lirez des journaux, ramasserez des éléments clés et interagirez avec l’environnement afin de collecter un maximum d’informations pour vous guider dans les nombreux choix critiques qui vous seront proposés. On a un sentiment d’escape game où chaque niveau est autant de salles dans lesquelles il faut se perdre pour y chercher le moindre indice. Les joutes verbales seront très traditionnelles et permettront de faire plier votre interlocuteur au prix de choix judicieux de répliques. Pour un jeu à texte, il faut avouer qu’il est bien vu que les choix de dialogues ne se résument pas à un aperçu de la phrase à rétorquer mais s’assimilent plutôt à un ressenti du personnage sur l’attitude ou l’argument à appuyer. Le joueur évite souvent ainsi de ne pas choisir la réponse qui lui convient à cause d’un raccourci ou d’une mauvaise traduction.

Le scénario de Swansong est digne d’une campagne de jeu sur papier avec ses codes, ses clans et ses manipulations. Et tout y est, jusqu’à la société secrète avec son prêtre chelou ! À tout moment, le codex vous permettra de vous renseigner sur un personnage ou un terme spécifique. Très complet, il ferait pâlir les maîtres de jeu qui aiment maîtriser tous les aspects d’un univers. À l’inverse, il rebutera le moindre joueur avide de nouvelles aventures vampiresques. En effet, l’habillage maladroit sera vite rebutant. Les personnages semblent dater d’une autre génération et même si certains décors sont assez élégants, ils sont souvent relativement vides. Ne cherchez pas de phase d’action ou même un Quick Time Event, le seul moment qui demandera de la réactivité se situera dans les phases où vous pourrez boire le sang d’une victime précédemment charmée si votre personnage vient à manquer de ressource.

Nous sommes donc clairement en présence d’un jeu qui, pour le respect d’un univers canonique, finit par prendre le format d’une vitrine pour les rôlistes qui voudraient rattraper le retard avant l’épisode Bloodlines 2 tant attendu des fans. En tant que joueur de la version papier, je salue la fidélité aux codes du jeu de base comme la présence d’une fiche de personnage qui reprend des compétences dans lesquelles j’ai déjà dû dépenser des points. Hélas, au prix de vouloir respecter à ce point un format narratif et textuel, on se retrouve en face d’un jeu qui fait pâle figure face aux productions de David Cage ou celles de Telltale. Pourquoi se taper des écrans de texte quand on peut avoir autre chose que des cinématiques avec un moteur de jeu rigide ?

Il est donc triste de constater que le titre est vendu au prix plein alors que l’expérience ne demandera qu’une vingtaine d’heures (et je longe les murs !) et sera très accessible. En effet, il vous sera possible de redémarrer chaque niveau si vous constatez avoir raté quelque chose ou avoir fait le mauvais choix, mais attention cependant à l’absence de checkpoint. Ainsi, seuls les joueurs qui connaissent déjà le jargon seront heureux de revivre des situations dignes de leurs meilleures campagnes vampiresques sur papier, mais le gamer hurlera au scandale tant le jeu manque de gameplay et de défi pour les doigts exigeants.

Note

12/20

Une campagne parfaite pour une table remplie de dés à facettes mais dont le format ne convient pas du tout à une expérience "nouvelle génération" sur console de jeu. Un titre de niche qui ne plaira qu'aux rôlistes tant il manque de contenu et se cantonne à nous parler de Vampire : La Mascarade.

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