Turrican Flashback

Turrican Flashback

Turrican a trente ans et il faut bien avouer qu’on l’avait presque oublié. Depuis une éternité, l’ancienne gloire n’avait plus pointé le bout de son fusil, mais la voilà qui revient dans une compilation sur PS4 et Nintendo Switch.

Pour que les choses soient bien claires, précisons que notre test porte sur la compilation « Turrican Flashback ». À ne pas confondre avec les deux volumes de la « Turrican Anthology », qui doivent sortir prochainement chez Strictly Limited Games. Comme le nom du distributeur l’indique, cette « Anthology » est une édition limitée qui s’adresse aux tout gros fans de la série et qui coûte au moins deux fois le prix de la compilation « Flashback ». En boîte ou en téléchargement, « Turrican Flashback » se vend à 30 euros pour quatre jeux : Turrican 1 et 2 dans leur version Amiga, Super Turrican sur Super Nintendo et Mega Turrican sur Mega Drive.

Turrican, c’est une admirable réussite du jeu vidéo européen. Son programmeur allemand Manfred Trenz l’invente comme un jeu de tir pédestre (un run&gun) dont il brise les chaînes de défilement. Si le héros de Contra n’a pas d’autre choix que d’avancer droit devant lui, le protagoniste de Turrican va où il veut. C’est presque un réflexe à partir d’un moment : quand le joueur aperçoit un panneau « exit », il va dans le sens inverse. Pourquoi ne pas se simplifier la vie et suivre ce chemin tout tracé ? Parce que Turrican récompense toujours l’exploration, notamment vers le ciel ou les profondeurs à tel point qu’il s’assimile aussi à un jeu de plateformes.

Il y a de la marge pour mieux explorer la prochaine fois.

La précipitation n’est jamais la bonne solution dans Turrican, prenez le temps de vous égarer dans le niveau. Même si vous risquez de perdre quelques points d’énergie dans la bagarre, c’est peut-être un paquet de cinq vies supplémentaires qui vous attend au bout du détour ! Et puis vous y prendrez goût et vous visiterez tous les recoins juste pour le plaisir de récolter des cristaux, qui ne servent à rien d’autre qu’à exprimer votre degré d’exploration du niveau : l’exploration pour l’exploration, c’est beau.

Et après tout, il fait si bon traîner dans les niveaux de Turrican pour profiter de la musique… Chris Hülsbeck, un Allemand lui aussi, a construit un monument de la musique de jeu vidéo dans la série Turrican. Ses compositions sont indissociables de l’expérience de jeu et c’est peut-être le premier élément qui revient en tête quand on pense à Turrican. Un vrai régal auditif qui donne une patate d’enfer dès les premiers pas du héros. Et quels pas ! L’animation du héros de Turrican est prodigieuse, d’une fluidité remarquable et d’une élégance folle. Une démarche de héros qui en impose… même quand la situation est désespérée. Le désespoir n’est pas loin en effet, vu tous les pièges qui nous attendent dans Turrican. L’exploration implique parfois des sauts délicats, au-dessus de pics ou de précipices qui vous subtilisent une vie en cas de chute. Puis, les ennemis aussi sont une source d’inquiétude permanente, en particulier lorsqu’ils vous sucent toute une barre de vie en profitant, les fourbes, de l’absence de recul après un impact dans les deux premiers Turrican. En résumé, le joueur de Turrican des années 90 en a bien bavé.

Le charmant niveau « Alien ». En haut à gauche, un œuf bien décidé à me balancer son Facehugger.

Mais ça c’était avant ! Avant que notre compilation Turrican Flashback n’introduise deux aides capitales : les sauvegardes instantanées (sur six emplacements par jeu) et le rembobinage, ah oui surtout le rewind. Cette bonne vieille touche « RW » des lecteurs de cassettes est, pour nombre d’entre nous, le seul moyen de voir un jour la fin d’un Turrican. En appuyant sur la touche dédiée de votre manette, vous rembobinez votre partie autant que vous le souhaitez. Évidemment vous pouvez choisir de vous en passer si vous voulez une expérience authentique, mais abusez-en si ça vous chante, après 30 ans il y a prescription. Un autre retour dans les années 90 vous attend aussi dans le menu de chaque jeu, avec une liste de codes de triche à consommer à votre guise.

De la même manière que la fonction de rembobinage est associée à un bouton de la manette, chaque action correspond désormais à une touche et ça c’est le bonheur ! Si vous avez joué à Turrican à la grande époque des micro-ordinateurs, vous vous rappellerez avoir sué sur votre joystick à un ou deux boutons. Oubliez donc les manipulations délicates dans cette compilation, d’autant plus que le tir est maintenant automatique, ce qui est plutôt pratique puisque vous devrez tirer tout le temps. Pour les dinosaures comme moi, sachez aussi que vous pouvez restaurer un affichage conforme à vos souvenirs grâce aux nombreuses options visuelles : filtres et réglages précis de l’image jusqu’à la courbure de l’écran. Ces options peuvent améliorer grandement l’expérience sur un téléviseur, alors que l’écran portable de la Switch avalera n’importe quel réglage avec un charme indécent.

Mais venons-en aux jeux maintenant : Turrican, Turrican 2, Super Turrican et Mega Turrican.

La liste des jeux et un simple texte descriptif par titre. Pour des images d’archives ou des anecdotes, on repassera.

Turrican (1990 – Amiga)

Si Manfred Trenz a développé sa merveille sur Commodore 64, c’est bien la version Amiga qui garde la meilleure réputation trente ans plus tard. La compilation Flashback opte donc pour la mouture Amiga supérieure sur les plans graphique et sonore – la version C64 n’apparaît d’ailleurs pas non plus sur les compilations de Strictly Limited Games. Toujours est-il que le jeu a trente ans et qu’il ne vous éblouira plus par sa réalisation, mais l’essentiel est ailleurs, dans l’exploration. Très peu de jeux dans l’histoire ont reproduit cette formule de l’action « exploratoire » ; même l’hommage Gunlord rate un peu cet aspect en punissant un peu trop le joueur aventureux. Dans Turrican, quand on a goûté à l’exploration, ça devient une drogue.

Pour le reste, la jouabilité n’a pas réellement vieilli, même si notre héros se fait parfois martyriser par des ennemis minuscules (entre nous, dans ce cas-là, un petit rembobinage et c’est réglé). On pourrait aussi penser que le tir uniquement vers l’avant sent la maison de repos, mais ce serait sans compter les bonus d’armement et surtout votre rayon directionnel qui permet de faire le ménage à 360°. Notons aussi la possibilité de se rouler en boule comme une célèbre chasseuse de primes…

En somme, après un petit réglage de votre cerveau en mode retrogaming, tout devrait bien se passer. Et même mieux que ça, puisque vous devrez vite comprendre le statut de classique de Turrican et sa communauté de fans toujours passionnés. Pas la peine d’insister sur la musique, c’est toujours du grand art trois décennies plus tard.

Turrican 2 (1991 – Amiga)

Turrican 2 est une suite comme on en rêve, fidèle et supérieure. La mise à jour graphique est nette, surtout dans les arrière-plans. Les effets visuels sont aussi plus nombreux, comme cette tempête du premier niveau qui fait reculer le joueur. Du côté de la musique de Chris Hülsbeck, elle cartonne toujours autant, ça va sans dire. La jouabilité évolue à peine ; la principale différence concerne la transformation en boule désormais illimitée, ce qui simplifie un tout petit peu la progression. Pas de bouleversement donc, mais une extension dans tous les domaines et en particulier dans le terrain de jeu. Les niveaux sont encore plus vastes et l’exploration est toujours plus incontournable. Les décors nous font voyager, même entre les différentes strates d’un même stage.

Puis, il y a ce niveau entier de shoot’em up qui rivalise avec les bonnes productions du genre. Une phase de tir à défilement automatique existait déjà dans le premier épisode, mais celle de Turrican 2 atteint une toute autre dimension. À bord d’un vaisseau, votre personnage s’en donne à cœur joie à travers des sections très variées. Une respiration idéale avant les stages traditionnels qui nous attendent.

Turrican 2 est une merveille que, personnellement, j’aurais voulu connaître à l’époque. La sensation de jouer à un futur classique devait être délicieuse en 1991. Évidemment ce n’est qu’une suite d’un jeu inventif et génial, mais cet épisode plus abouti, que beaucoup considèrent comme le meilleur de la série, mérite qu’on le traite comme un œuvre à part entière.

Super Turrican (1993 – Super Nintendo)

Comme tout était « super » sur la 16 bits de Nintendo, Turrican devient logiquement « Super Turrican » sur SNES. La cartouche renferme un épisode exclusif à la console, mais qui pioche des éléments dans les autres jeux de la série. Les références à Turrican 1 et 2 sont nombreuses et c’est plutôt bien vu pour celles et ceux qui n’ont pas découvert la série sur micro-ordinateurs. Pour les autres, l’impression de mélange condensé sera étrange voire décevante.

C’est que l’exploration n’est plus aussi primordiale et, mine de rien, cela ampute Turrican de sa plus grosse spécificité. La linéarité de la progression est dès lors banale et on imagine que Turrican n’aurait jamais eu une telle aura s’il avait pris cette forme dès le début. Quoi qu’il en soit, les amoureux de la série pourront trouver leur compte dans l’action, toujours aussi soutenue et plus vicieuse encore. En effet, le rayon multidirectionnel ne tue plus, il gèle les ennemis un court instant. L’idée est intéressante et rend encore la progression plus rythmée.

Super Turrican est l’épisode le moins original de la série. Difficile alors pour lui de se mesurer à ses concurrents sur la console, Contra 3 en tête. Cependant, sa réalisation graphique est excellente et la qualité sonore (certifiée Dolby Surround) est éblouissante. L’absence d’un niveau de shoot’em up et la linéarité globale demeurent toutefois regrettables.

Mega Turrican (1994 – Mega Drive)

Le dernier jeu de cette compilation se vend sur captures d’écran. Sublime, Mega Turrican est tout simplement l’un des plus beaux jeux de la période 16 bits. Celui qui se nomme Turrican 3 sur Amiga brille de mille feux sur la console de Sega ! Le résultat est magnifique et toute personne qui chérit le pixel de cette époque devrait jouer à Mega Turrican au moins une fois dans sa vie. Comme la cartouche originale coûte très cher, la présence du titre dans la compilation Turrican Flashback est plutôt une aubaine.

Mega Turrican est probablement mon épisode préféré dans la série. Est-ce parce qu’il tourne sur ma console de cœur ? Peut-être, je suis lucide… Néanmoins, il est indéniable que le jeu a une belle gueule et qu’il sonne Turrican – c’est-à-dire comme un cadeau tombé du ciel de la musique de jeu vidéo. En outre, il introduit une nouveauté qui s’insère à merveille dans la formule Turrican : un grappin. Grâce à lui, on se balance et on se hisse vers des plateformes inaccessibles. Comme si Q avait inventé un nouveau gadget pour l’armure de notre héros ! En termes de rythme, Mega Turrican est aussi le mieux loti à mon sens, notamment grâce à ses nombreux mid-boss qui vous donnent l’impression d’affronter tous les lieutenants de l’armée ennemie. Avec toutes ces qualités et vu le pedigree de la Mega Drive, il est d’autant plus dommage que le jeu ne comporte pas de phase de shoot’em up.

Sans Turrican 1 et 2, pas de Mega Turrican. Il n’y a donc pas photo : les deux premiers Turrican sont des classiques et Mega Turrican est « juste » un excellent jeu. À ce titre, Mega Turrican est un joyau de la génération 16 bits que vous n’avez peut-être pas encore découvert. C’est l’occasion ou jamais !

Et Super Turrican 2 alors ?

Hélas, l’épisode totalement exclusif à la Super Nintendo a raté le train de cette compilation Flashback… Pour y jouer sur votre Switch ou votre PS4, il faudra vous tourner vers Strictly Limited Games, vers le volume 2 de la « Turrican Anthology » pour être précis. Vous pourrez alors voir ce que Super Turrican 2 a dans le ventre et, croyez-moi, vous n’allez pas être déçu. Sachez aussi que vous pouvez gâter votre Super Nintendo en lui achetant une réplique de la cartouche originale pour 50 euros.

Note

14/20

Turrican Flashback est une compilation honnête qui manque de bonus, mais qui apporte quelques options de confort pour vous faire votre expérience à la carte, entre le hardcore original et la tricherie sans scrupule. À vrai dire, la compilation a surtout le mérite de se consacrer à une série du tonnerre ! Quatre jeux de grande qualité que nous ne sommes pas des millions à avoir connus à leur sortie dans les années 90. Grâce à la magie du retrogaming, Turrican 1 et 2, Super Turrican et Mega Turrican sont à votre portée sur Switch ou PS4 et c’est déjà une excellente nouvelle.

Réactions

  • Cyborgjeff le 17/03/2021

    Trop longtemps que je n’y ai jamais joué. Un peu cher encore, mais je m’ennuie… Dommage qu’il n’y ai pas la version C64 🙂

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    • spacecowboy le 19/03/2021

      J’aurais bien voulu avoir les versions C64 de Turrican 1 et 2 moi aussi, mais elles ne sont mêmes pas présentes dans les deux compilations plus chères. On évoque des problèmes de droits entre les intervenants : Rainbow Arts, Factor 5 et Manfred Trenz.

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