Dark Devotion – Au nom du ciel

Dark Devotion – Au nom du ciel

Je suis une Templière et je suis enfermée dans un endroit maudit. Certes, ma situation n’est pas enviable, mais elle me permet de combattre certains préjugés. « Templière » au féminin, je représente les femmes qu’on voit si peu dans les jeux vidéo. Tout d’abord, je ne réponds qu’à ma foi et je me bats pour mon Dieu, pas pour sauver mon enfant ou mon mari disparu. Ensuite, regardez-moi, je n’ai pas l’allure habituelle des guerrières de pixels. Mon armure est lourde et ne dévoile pas mes seins ni mes hanches. Je ne suis même pas attirante, à en croire un PNJ croisé sur ma route. Voilà, maintenant que vous savez mieux à qui vous avez affaire, entrons ensemble dans ce lieu de malédiction. Que la foi soit avec vous !

Dark Devotion est l’œuvre du trio Hibernian Workshop, installé en France. Trois petits nouveaux dans le milieu qui ont su se faire remarquer par Dotemu et figurer sur l’affiche du label The Arcade Crew, dont Dark Devotion constitue la toute première sortie.

Je ne suis jamais bon au jeu de la catégorisation et Dark Devotion me résiste pour l’exercice. Si je vous dis « roguelike », cela ne vous apprendra presque rien sur la façon dont il se joue. Et si je vous sors la grosse artillerie du « Souls-like en 2D », vous allez lever les yeux au ciel. Alors, je préfère abandonner cet effort de classification et vous donner mon sentiment dénué de valeur universelle : Dark Devotion se joue plus ou moins comme un Castlevania d’antan, duquel on a rendu l’exploration moins linéaire et auquel on a ajouté des options d’évolution au niveau de l’équipement et des pouvoirs.

Bienvenue !

L’évocation des Castlevania classiques vous a suggéré que la maniabilité était rigide ? C’est vrai, notre héroïne a le même manque de souplesse que les Belmont, les sauts en moins mais les roulades en plus. La marche est pesante, les coups sortent lentement, notre personnage est lourde et elle est même incapable de sauter. Pas besoin de vous faire un dessin, Dark Devotion n’est pas Dead Cells, pas du tout même. Mais voyons ce qu’il a à offrir de différent alors.

Vous commencez la partie dans le Refuge des impurs, et c’est là que vous retournez à chaque mort (« votre dévotion s’est éteinte »). Ce camp de départ dispose des commodités de base : forgeron et boutique de compétences. Le forgeron stocke pour vous certaines pièces d’équipement, dont vous avez trouvé les plans en route. À chaque nouveau départ, il vous propose une arme (à une ou deux mains), un bouclier ou un livre de sorts (s’il vous reste une main de libre), une armure et divers consommables. Inutile de vous dire que le déblocage de nouveaux éléments est capital pour la progression, peut-être un peu trop d’ailleurs. Quant à la boutique de compétences, elle vous offre des améliorations contre des points de foi. On récupère ces derniers sur les ennemis vaincus, dans l’idée que chaque victoire renforce votre conviction. Dépensez vos points de foi dans la boutique et achetez la compétence de vos rêves… mais ne rêvez pas trop – le jeu restera difficile quoi qu’il en soit.

Il est chaud, le forgeron !

Oui, c’est dur, Dark Devotion. Oui, on meurt souvent comme chez From Software. Mais non, on n’est jamais découragé. Tout est une question d’apprentissage, aussi bien de votre personnage que des ennemis. Les adversaires ne sont pas très nombreux – comme dans un Castlevania – et leurs mouvements stéréotypés restent vite en tête – comme dans un Castlevania. Alors, même si ça fait mal à la première rencontre, on est toujours heureux de découvrir une nouvelle classe d’ennemi. Quand on tombera dessus la prochaine fois, on sait qu’on lui fera sa fête… sauf s’il a trop de copains avec lui.

Compte tenu de la difficulté, la progression se fait avec prudence. Et comme il fait souvent sombre, on avance quasi pas à pas. La découverte d’une nouvelle zone nous donne réellement l’impression d’être une exploratrice, courageuse mais néanmoins consciente des pièges. Si elle se précipite, elle finira embrochée par une lance suspendue ou hachée par une roue hérissée de pics. Elle marche donc pépère et affronte idéalement un ennemi à la fois. En fonction de l’arme qu’elle a choisie (ou trouvée en route), elle évaluera aussi l’allonge dont elle dispose ou la vitesse de ses coups. Enfin, elle trouvera le bon endroit pour recommencer sa partie.

Les ennemis sont très câlins.

Le jeu est divisé en plusieurs zones interconnectées. L’aventure commence dans une seule zone avant de vous donner le choix : les portes du camp de base s’ouvrent vers les zones débloquées. Et comme une zone peut être assez grande, des autels de téléportation vous projettent à l’endroit indiqué sur la carte (une carte bien peu utile, soit dit en passant). Et c’est là que vous vous poserez la question de l’endroit où redémarrer : au dernier poste de téléportation ou plus tôt dans la zone. Ainsi, il vaut parfois mieux reculer pour avancer dans Dark Devotion. Si vous utilisez un téléporteur juste avant un boss, ce sera surtout pour apprendre ses attaques (à moins d’avoir un équipement de furieux). La plupart du temps, si vous voulez vraiment le terrasser, une petite balade sera la bienvenue avant le combat décisif pour remplir votre (petit) inventaire en chemin et arriver au boss avec des médicaments et des bonus en suffisance. Il faut donc se préparer à refaire plusieurs fois les mêmes chemins ; tant qu’on n’a pas accepté ça, on pensera heurter un mur de difficulté. Puis, tous les boss ne sont pas obligatoires non plus… mais ce serait dommage de s’en priver.

Même si l’intérieur des niveaux est très agréable à jouer, les boss sont un bon cran au dessus. Chaque boss requiert de l’observation, de l’attention, de l’adresse et parfois un peu de bol. L’affrontement contre l’un de ces gardiens dure plusieurs minutes, très intenses et souvent très énervantes. Spéciale dédicace à ce boss sur lequel mon coup fatal a été « missed » avant de me prendre trois coups d’épée mortels. Pas grave hein, c’est pas comme si c’était la trentième fois que j’essayais de le buter ! Il n’empêche qu’on se sent progresser à chaque échec et que ça finit toujours par passer, en particulier quand on est bien équipé. À tel point que la bonne arme peut transformer un combat de boss en gentille promenade. Petit conseil : si vous êtes bloqué, essayez de trouver les boss facultatifs des zones précédentes ; ils auront peut-être une arme intéressante à vous filer.

Entre deux coups de lame, vous rencontrerez de pauvres « touristes » comme vous, qui ont chacun quelques lignes d’histoire à raconter. D’ailleurs, l’histoire est présente partout dans l’aventure, notamment au cœur des livres abandonnés sur le sol. Elle se raconte toutefois par bribes décousues et, en fin de compte, elle sert surtout à installer un contexte glauque et désespéré. À l’image des statues (de soin, de bénédiction) devant lesquelles l’héroïne doit s’agenouiller avec une piété désolante.

Priez pour nous, pauvres loosers !

Les graphismes sont jolis, ça c’est sûr, mais ils ne sont pas non plus réjouissants : on sentirait presque la saleté et les plaies purulentes. Le travail sur les créatures et certains décors est remarquable d’évocation dans la simplicité. Que dire alors des boss ! Une quinzaine de gardiens somptueux qui suscitent tous l’admiration et l’humilité – on est bien peu de choses face à ces gravures guerrières. Mais tant qu’on a la foi, tout est possible !

Note

16/20

Dark Devotion s’écarte de la formule aléatoire du roguelike pour miser sur du « fait main » à haute intensité ludique et narrative. Une fois entré dans le concept du jeu, on prend confiance en soi et la difficulté n’est plus autant intimidante. Le moment est alors venu de profiter de la maniabilité à la fois lourde et précise, qui convient très bien au rythme de l’action et à la dégaine des boss somptueux. Un délicieux cru qui se déguste avec un palais préparé.

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