Assassin’s Creed Odyssey
C’était à prévoir ! Si le court hiatus qu’avait choisi d’adopter Ubisoft pour laisser reposer sa poule aux oeufs d’or Assassin’s Creed afin de nous livrer un excellent Origins était une bonne chose, voici le studio français retomber dans ses travers. Ainsi, quasiment pile un an après les aventures de Bayek, voici venir Assassin’s Creed Odyssey. On ne va pas se mentir, dès les premières images révélées, la comparaison avec Origins s’imposait d’elle-même tant Odyssey peut ressembler à une simple réinterprétation du précédent opus à la sauce Grèce Antique. Car oui, après avoir proposé la mythologie égyptienne, Assassin’s Creed s’attaque – comme Kratos avant lui – à la mythologie grecque, pour une aventure se déroulant près de quatre siècles avant la naissance de l’ordre des Assassins telle que nous l’a dépeinte Origins.
Choose your destiny
Mais Odyssey ne serait-il donc qu’une copie carbone de la formule Origins avec de nouveaux personnages et environnements ? Et bien non, car au rayon des nouveautés, on retrouve désormais un choix du personnage principal entre un homme, Alexios, et une femme, Kassandra. Loin d’être anodin, ce choix découle de la mécanique principale d’Odyssey, à savoir des choix à effectuer dans les dialogues. Ne nous méprenons pas, s’il était déjà possible dans Origins d’avoir le choix entre deux répliques, il s’agissait la plupart du temps d’accepter une quête ou de demander des détails sur cette dernière. Ici, on peut clairement ressentir l’influence des roues de dialogues des jeux Bioware ou encore (et décidément une référence pour les Assassin’s Creed depuis Origins) de Geralt de Riv, héros d’une série qu’on ne présente plus. Ici, la plupart de nos choix auront une incidence plus ou moins importante sur le déroulement des quêtes en cours voire même de l’intrigue principale. Ces choix peuvent aussi bien être des paroles (à choisir lors des phases de dialogues décidément très Witcher-esques un cran au-dessus de celles d’Origins) que des actes : si un PNJ vous charge d’une mission d’infiltration et que finalement vous décidez que le meilleur moyen de ne pas être vu reste encore d’éliminer tous les témoins potentiels, lorsque vous retournerez valider la quête, il est tout à fait possible que le PNJ soit la cible de représailles, donnant plusieurs dénouements possibles pour les quêtes secondaires selon votre façon de jouer.
Second argument d’Odyssey pour se démarquer d’Origins, tout en continuant de peaufiner sa formule, notre héros / héroïne se retrouvera très vite capitaine de son propre navire, pour des séquences de navigation et affrontements en haute mer. Contrairement aux séquences finalement assez anecdotiques de bateau avec Aya dans Origins, l’aspect maritime d’Odyssey occupe une place très importante dans l’aventure. À l’instar de Black Flag, le navire nous permettra d’explorer le monde et rejoindre de nouvelles destinations porté par les vagues et les chants de notre équipage, ainsi que de batailler contre les pirates et autres ennemis croisés dans des rixes, je dois bien l’admettre, de manière moins passionnante que dans Black Flag. La raison en est assez simple : à l’époque d’Odyssey, les canons n’existaient pas encore et c’est donc à coups de lances et tirs d’archers que l’équipage défendra sa trirème. Concrètement, le feeling des batailles navales en prend un coup. Si l’expérience reste plaisante, je ne peux pas m’empêcher pour ma part de la trouver moins envoûtante que le délire piraterie de Assassin’s Creed 4. Je dois bien admettre par contre que Assassin’s Creed Odyssey propose le meilleur équilibre terre et mer de tous les épisodes s’étant essayés à lever l’ancre.
This is Sparta
Toujours porté par cet élan de polissage d’une formule qui fonctionnait déjà très bien sur Origins, le système de combat de l’Assassin nouveau a connu quelques modifications. Il repose sur les mêmes fondements principaux tout en portant bien plus l’accent sur l’attaque et l’esquive en supprimant manu militari le bouclier qu’arborait Bayek. À la place, Ubisoft nous propose un système de compétences à débloquer et utiliser en combat via la nouvelle version de la barre d’adrénaline. La jauge est ici divisée en plusieurs fragments qui se chargeront au fil des coups portés et reçus – assez classique en somme. En montant de niveau, libre au joueur de dépenser ses points de compétences dans des skills passifs (comme par exemple l’augmentation des dégâts divisés en trois catégories : à l’arc, au combat et en assassinat discret) ou actifs, les fameuses compétences. Il est possible d’équiper simultanément quatre compétences de combat au corps à corps et quatre compétences de tir, et l’utilisation de ces techniques spéciales assez efficaces, soumises à un cooldown, dépensera de l’adrénaline. Plus notre personnage montera en niveau, plus il pourra débloquer de nouvelles compétences et améliorer celles déjà acquises. Petit coup de coeur assez rapidement déblocable, le coup de pied spartiate qui permet même, au bord d’un précipice, de rejouer la scène iconique de 300 !
Choix du personnage, conséquences de nos actes, montée en niveau, utilisations de compétences, la saga continue plus que jamais sa mutation en RPG et cela se ressent dans la gestion de l’équipement de Alexios / Kassandra. Si la récupération constante d’armes d’Origins nous emmenait régulièrement dans le menu d’inventaire pour comparer et optimiser notre équipement, la fièvre du loot a décidément emporté Assassin’s Creed dans son sillage ! Différentes catégories d’armes de corps à corps, de nombreux arcs aux effets divers (sans distinction sur le type de tir contrairement aux différents arcs de Bayek, dont on retrouve désormais les effets sous la forme de compétences déblocables) et une gestion complète de la tenue de notre personnage (tête, corps, bras, jambes, pieds), il y a largement de quoi faire – d’autant plus qu’il suffira parfois de se baisser pour récupérer des dizaines de pièces d’équipement. Heureusement, une icône apparait à l’écran une fois une pièce d’armure ramassée, nous indiquant si elle est plus ou moins efficace que l’équipement actuel : ça peut parfois éviter quelques allers-retours dans le menu d’équipement. Chaque pièce d’équipement dispose d’effets secondaires sur les statistiques de notre avatar et il est possible en passant près d’un forgeron de faire graver notre équipement avec des bonus supplémentaires, bref il y a de quoi faire niveau équipement, et le dilemme efficacité / apparence du personnage se fera régulièrement ressentir !
Aux origines de l’odyssée
« Malheureusement », ces changements n’éloignent jamais l’impression de jouer à une relecture spartiate de Assassin’s Creed Origins. Ce n’est pas particulièrement grave en soi vu le très bon jeu qu’était Origins, mais le déroulement des quêtes et le contenu secondaire proposé reposent sur le même ADN que l’Égypte de Bayek : camps ennemis à détrousser, animaux Alpha à chasser, prisonniers à libérer, base à infiltrer, c’est une fois de plus l’archétype du monde ouvert à la Ubisoft qui nous est proposé ici. On retrouve toutefois la mécanique de zones régies par un dirigeant qu’il sera possible d’affaiblir en accomplissant des objectifs annexes jusqu’à son élimination, introduite dans Farcry 5, pour un peu de nouveauté amenant jusqu’à des batailles rangées qui peuvent très vite tourner en beat’em all barbare – un sentiment de barbarie d’autant plus renforcé par les quelques nouvelles « cinématiques » de fin de combat toujours plus brutales. Les environnements explorés sont plutôt beaux et certains panoramas sont à vous décrocher la mâchoire, surtout quand les rayons du soleil levant viennent embellir la scène. La topographie est un peu plus variée que dans le précédent opus, rendant les phases d’escalade grisantes, mais – avis 100% perso et subjectif – je trouve le tout moins envoûtant que l’Égypte et ses pyramides. Le jeu est vaste, très vaste : un sentiment d’autant plus amplifié par la dimension maritime d’Odyssey.
Tellement vaste que j’ai bien du mal à expliquer pourquoi ACO écope d’un point noir tel que ses mercenaires. Concrètement, le système des mercenaires propose une relecture des avis de recherche de Assassin’s Creed 2 couplé aux Phylakes d’Origins : en fonction de vos actions (tuer des gardes, voler du matériel de guerre, détruire des ressources ennemies, …) va grimper une jauge de recherche divisée en plusieurs paliers. À chaque palier atteint, ce sera une nouvelle prime mise sur votre tête, que de nombreux mercenaires voudront récupérer. En soi, c’est une bonne idée et ça renforce encore plus l’immersion, l’implication et la cohérence du monde du jeu, mais dans les faits ça ne fonctionne pas très bien… Ou plutôt si, ça fonctionne beaucoup trop bien ! Car une fois effectivement recherché, les mercenaires vous tomberont dessus à chaque coin de rue. Ennemis d’élite, sorte de mini-boss qui encaissent bien mieux les dégâts que les ennemis classiques, ces adversaires peuvent tout à fait venir s’incruster dans un combat en cours dans le simple but de vous trancher la gorge. Du coup, leur présence rallonge un peu bêtement les combats jusqu’à les rendre rébarbatifs – d’autant plus que le level scaling est activé d’office dans le jeu donc on ne tombera jamais sur plus faible que soi pour expédier les rixes – et plus vous êtes recherché, pire c’est, avec parfois plusieurs mercenaires à gérer en même temps que les ennemis traditionnels. Pour diminuer son indice de recherche, on peut soit faire profil bas, soit tuer la personne ayant mis une prime sur votre tête, soit payer la prime. Je vous conseille de payer la prime dès le premier avis de recherche car cette mécanique peut purement et simplement plomber le plaisir de jeu.
L’avis d’Aerticum
Je partage l’avis de mon collègue sur bien des points. Survendu sur ses ajouts à tel point qu’Odyssey paraissait être un vrai nouveau jeu, il n’est en définitive qu’un Origins 1.2 reprenant ses bases -solides- et y ajoutant une grosse dose de RPG. Si les inspirations venant de The Witcher sont manifestes, ce dernier bien que parfait sur papier n’a jamais réussi à me convaincre quand Odyssey m’accapare depuis plus de 30h et risque bien de me garder pour au moins le double. Les choix de dialogues et les diverses manières de boucler une quête aident plus que jamais à entrer dans la peau du personnage joué bien que je n’aie toujours pas remarqué de réel impact sur mon aventure. Si comme évoqué nous pouvons influer sur l’allégeance d’une région, l’immersion est gâchée par le fait que nous tuerons aussi bien Athéniens que Spartiates sans remords, malgré nos origines. Pire, certaines régions changent d’elles-mêmes. Impossible donc de rendre la Grèce 100% Spartiate.
Origins était vaste. Odyssey l’est encore plus. Je parcours cet Assassin’s Creed en tant que joueur complétiste, chose rare que je ne fais que si le jeu m’en donne la motivation. Sa carte immense offre de nombreuses occupations, mais on sentira néanmoins pas mal de redite dans les objectifs secondaires. Quelques « nouveautés » apparaissent de temps à autre comme les bêtes mythiques à tuer. Le pire restant ces mercenaires qui doivent certainement eux aussi avoir la possibilité d’utiliser les points de voyage rapide et avoir un curseur de quête les menant directement à vous. Enfin, les batailles maritimes apportent effectivement un gros plus à cet opus. Bien qu’elles manquent de punch du fait de l’époque choisie et des technologies alors disponibles, elles n’en restent pas moins amusantes et bien dosées. Notons qu’Ubisoft promet à partir du 23 octobre d’ajouter chaque semaine un mercenaire ou un navire épique à affronter à l’image des combats contre les dieux dans Origins.
Visuellement parlant, Odyssey parait au premier regard moins beau qu’Origins mais offre en contrepartie une distance de vue presque infinie et des panoramas à couper le souffle. Si ceux-ci sont plus nombreux que chez son prédécesseur, l’effet « waouh » reste moindre qu’à la découverte d’une pyramide cachée derrière une dune. Ce qui ne m’a pas empêché de m’amuser avec le mode photo.
Note
17/20
Un an après Origins, Ubisoft tente de polir sa copie en nous livrant un Assassin's Creed Odyssey qui, bien que basé sur le squelette du précédent opus, parvient à pousser encore plus la série dans le créneau du RPG. Si les nouveautés sont bienvenues, elles ne suffisent hélas pas à balayer cette impression de jouer à une relecture grecque de deux des meilleurs Assassin's Creed. Est-ce réellement un tort en soi ?
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