Severed – Allô, la boucherie Sanzot ?

Severed – Allô, la boucherie Sanzot ?

Quand les studios empruntent des chemins sinueux, il est parfois difficile de les suivre. Comment reconnaître en effet la patte du studio canadien Drinkbox entre des créations aussi différentes que Guacamelee et Severed ? Peut-être en reconnaissant le talent.

Vous êtes une jeune fille paumée dont la famille a disparu et vous partez à sa recherche dans un labyrinthe glauque comme pas deux. Pour tout arranger, vous venez de perdre un bras et les monstres les plus hideux vous bloquent le passage au moindre croisement. Votre vie n’est donc pas un conte de fées. Alors, tant que vous y êtes, acceptez l’épée que vous tend une entité visiblement diabolique et écoutez les conseils d’un oiseau bicéphale au bec sauvagement denté. Vous feriez mieux d’amputer post mortem les monstres fraîchement refroidis ? Pas de problème !

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To sever : trancher. Votre propre bras a été severed et vous devez sever les ennemis. Soit, tranchez partout dans la portée du bras qu’il vous reste. Pour symboliser cette action, glissez votre doigt ou votre stylet sur l’écran. D’abord sur Playstation Vita, ensuite sur iOS et maintenant sur WiiU et 3DS, Severed utilise vos capacités tactiles. Chaque ligne tracée sur l’écran est une attaque ou une contre-attaque.

Le terrain de jeu se présente comme un labyrinthe à l’ancienne, et on n’exagère pas. Severed fait remonter des souvenirs de dinosaures tels que Dungeon Master ou Eye of the Beholder, alors que vous progressez presque case par case dans un enchevêtrement de couloirs. Parfois, un adversaire immobile se tient quelques « cases » devant vous. Si vous avancez jusqu’à lui, le combat démarre. Tout est alors une histoire de taillades, longues ou courtes, dans une partie sensible de l’ennemi en attendant que celui-ci riposte et vous oblige à le contrer. Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo ci-dessous.

Un adversaire, ça se gère tranquillement. Deux, trois ou quatre ennemis, c’est déjà une autre paire de manches (enfin plutôt une seule manche dans votre cas). La tension monte violemment dans ces affrontements multiples et rythmés. L’occasion de voir si la maniabilité tactile fonctionne… Et c’est là que Severed fait très fort puisque le système de jeu n’est jamais pris en défaut. Les coups sortent avec un naturel et une précision impossibles à atteindre avec un autre de mode de contrôle. Nous avions déjà trouvé la maniabilité parfaite au doigt sur Vita, et nous la trouvons encore meilleure au stylet sur WiiU ! L’expérience tactile est totalement réjouissante et pertinente, si bien qu’elle pourrait convaincre les plus allergiques aux traces de doigts.

Mieux, on a rarement vu des commandes tactiles au service d’un jeu aussi exigeant. Mettez côte à côte un joueur de Severed et un joueur d’Angry Birds et vous verrez la différence ! Pendant que le second tripote son smartphone nonchalamment en faisant des bulles avec son chewing-gum, le premier martyrise son écran le front en sueur. Le vrai plaisir de jeu naît de cette excitation, inhabituelle pour ce type de maniabilité. Qui plus est, Severed vous demande de la persévérance sur la longueur de l’aventure (huit heures à mon compteur personnel). Malgré les apparences, on est donc très loin du titre calibré pour le joueur occasionnel ou pépère.

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Lorsqu’un ennemi rend son dernier souffle, vous avez encore une tâche bien sympathique à effectuer : le démembrer, parfois jusqu’à la dissection… Pendant quelques secondes, vous utilisez votre épée comme un scalpel pour ôter proprement une patte, un œil ou encore une mâchoire. Ces trophées repoussants vous serviront à améliorer vos compétences dans un acte de magie noire digne des pires savants fous. Plus vous progresserez dans le jeu, plus vous saliverez devant ces adversaires à déchiqueter pour obtenir le dernier bonus d’attaque. Mais pour vous aider à ne pas vous dégoûter de vous-même, toute cette sombre histoire est mise en scène dans les couleurs les plus saturées, ce qui, en cherchant bien, semble être l’aspect le plus proche de Guacamelee. En tout cas, ce ne sont certainement pas les musiques qui réunissent les deux productions de Drinkbox. Taillées pour la fête dans Guacamelee, elles sont anxiogènes et malsaines dans Severed. Comme ce remarquable thème de combat.

Entre les affrontements sanglants, vous aurez aussi à résoudre quelques énigmes simples pour avancer dans le labyrinthe et surtout y trouver des salles cachées renfermant des morceaux de cœur, par exemple. Cela vous changera des taillades à répétition contre des ennemis très bien imaginés mais assez peu nombreux en réalité. Cette redondance des ennemis est à vrai dire le seul défaut du jeu à nos yeux. Même si l’attribution de compétences spéciales aux créatures apporte un plus en fin d’aventure, on aurait préféré découvrir plus de ces horribles créations. Les boss sont aussi bien fichus que les sbires de base, mais ils se font trop rares eux aussi.

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Note

17/20

Après Guacamelee, les Canadiens de Drinkbox partent dans une tout autre direction avec une réussite aussi magistrale. Si le genre du Metroidvania était déjà bien cartographié par la concurrence, celui du dungeon crawler antique promettait un défi bien plus relevé. Surtout en lui ajoutant une maniabilité tactile qui tutoie la perfection et élève Severed au titre de perle expérimentale dépassant le stade de la curiosité. Disons-le carrément, Severed est un achat indispensable pour tout amateur de jeu vidéo, à condition de ne pas détester les atmosphères glauques.

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