Des chercheurs-joueurs autour d’une table ronde à Bruxelles

Des chercheurs-joueurs autour d’une table ronde à Bruxelles

Puisque le jeu vidéo suscite toujours autant de questions, des chercheurs s’efforcent d’y trouver des réponses. Ils vous présenteront le fruit de leur réflexion le 18 décembre à Bruxelles.

C’est un panel de haute volée qui vous attend le 18 décembre, de 17h30 à 21h30, à la Haute École de Bruxelles (Avenue de Fré 62 à 1080 Bruxelles, en salle de conférence). Différents intervenants participeront à une table ronde, accessible gratuitement et ouverte à tous. Chacun abordera un thème précis dans le domaine qui nous passionne : les jeux vidéo.

Olivier Leo ouvrira l’après-midi en traitant la question du prêt de jeux vidéo dans les médiathèques, dont il est responsable du secteur vidéoludique. Quelle forme prendra ce prêt à l’avenir ? Comment justifier le statut spécial de la médiathèque en la matière ? Voilà déjà deux questions auxquelles il répondra assurément.

Sébastien Kapp tentera ensuite de faire entrer les jeux de rôles grandeur nature dans la salle de conférence. Sur la base de son expérience en tant que docteur en sociologie, il nous décrira les liens qu’entretient le jeu vidéo avec ces activités ludiques dans le monde réel.

Le programme continue avec un thème pédagogique. Comment utiliser les jeux vidéo dans des activités d’enseignement ? C’est ce que nous fera découvrir Julien Annart, l’organisateur d’initiatives telles que la Quinzaine du jeu vidéo et l’Urban Game Jam à Charleroi. Le jeu vidéo rendrait-il moins bête ?

Après la pause, ce sont les joueurs qui feront office de sujet d’étude. Dans le cadre de ses recherches, Samuel Rufat a participé à l’enquête « Ludespace : les espaces du jeu vidéo en France ». Une enquête dont les résultats seront certainement riches en enseignements sur notre pratique du jeu vidéo.

Olivier Servais, professeur d’anthropologie, se penchera ensuite sur les phénomènes de sociabilité et d’appropriation dans les univers virtuels. Un décryptage des comportements dans les espaces de jeu tels que celui de World of Warcraft, qu’Olivier Servais a exploré en profondeur.

Enfin, la soirée se clôturera par un exposé de Fanny Barnabé, doctorante en Langues et Lettres. Après avoir analysé la narration dans le jeu vidéo à l’occasion de son mémoire, elle s’intéresse désormais aux détournements de jeux vidéo. Elle abordera notamment la créativité des joueurs dans le cadre des fan fictions.

Jeux vidéo et alors

Afin d’en savoir plus sur cet événement à venir, nous sommes allés chercher les informations à la source. Press-Start a donc posé quelques questions à Thibault Philippette, qui organise et anime cette table ronde en collaboration avec LUDO asbl et le conseil des étudiants de la HEB.

Les intervenants de haut niveau se succéderont lors de cette table ronde. Le jeu vidéo est-il désormais un sujet d’étude respectable ou est-il sur le point de le devenir ?

Il est en tous les cas depuis plusieurs années un sujet d’études, aux Etats-Unis bien sûr mais en Europe également. Cet intérêt scientifique permet, je pense, de dépasser certains préjugés qui ont trop souvent dominé les débats. Par exemple, l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines (http://www.omnsh.org) dont je suis membre regroupe de nombreux chercheurs francophones issus de différentes disciplines des SH et de différentes universités. Cette dynamique démontre que le sujet trouve sa place au sein du monde académique et de la recherche, à l’instar du cinéma il y a quelques années. Donc pour moi, oui, les jeux vidéo sont pleinement devenus des objets d’étude légitimes. Le caractère respectable ou non n’est finalement qu’un jugement normatif.

Subsiste-t-il de nombreux obstacles à la réflexion sur le jeu vidéo ?

Oui. Tout d’abord, le monde de la recherche est largement contraint par des logiques de financement. Donc il faut que des décideurs politiques et/ou scientifiques s’accordent pour financer des projets de recherche portant sur les jeux vidéo. Les mentalités ont heureusement bien évolué chez nous pour permettre que de grandes recherches dans le domaine soient menées, en témoigne par exemple l’enquête LUDESPACE en France dont Samuel Rufat va nous parler. Maintenant, il est clair qu’un projet portant par exemple sur des « Serious Games » sera plus facilement soutenu qu’un projet sur des jeux de divertissement comme GTA ou FIFA. Pourtant, c’est un des loisirs dominant des jeunes occidentaux actuellement. Il est donc légitime de s’y intéresser. Fort heureusement, certains décideurs le comprennent.

Ensuite, je dirais qu’il persiste encore dans le discours populaire un large reliquat négatif à propos des jeux vidéo. Lorsqu’en tant que chercheur, on s’intéresse à l’étude de l’une ou l’autre question à propos des jeux vidéo, peu importe la question, on est ramené à différentes occasions à devoir s’exprimer sur des questions d’ « addiction », de « désocialisation », de « violence » ou encore de « sexisme ». Je ne dis pas qu’il n’y a pas de réalités derrière ces notions, qui ont leur place dans l’analyse et le discours sur les jeux vidéo. Cependant, le fait que ces problématiques dominent encore les débats fait que cela oblitère largement de nombreuses autres questions qui méritent notre attention, et conduisent parfois à confondre des stéréotypes avec des archétypes.

Quel est le public visé par la table ronde ? Tous les types de joueurs ? Éventuellement les non-joueurs ?

Il y a un an de cela, la section pédagogique de la Haute Ecole de Bruxelles (Defré) et la catégorie sociale de la Haute Ecole Paul-Henri Spaak (IESSID), en collaboration avec l’asbl Ludo (www.ludobel.be), ont décidé de créer une année de spécialisation en « Sciences et Techniques du jeu ». C’est la deuxième année de cette formation et avec Michel Van Langendonckt qui en est le « papa », nous avons décidé de mettre davantage l’accent cette année sur les jeux multimédia. Le public de nos étudiants est donc le premier visé. Cependant, nous avons voulu un événement plus large et gratuit car de nombreuses personnes et de nombreux lieux s’intéressent aux jeux vidéo, il suffit de voir l’origine de nos différents intervenants, et pas seulement des concepteurs ou des joueurs. Cet événement a un objectif de vulgarisation scientifique et d’éducation permanente sur le sujet. Il vise donc un large public de personnes intéressées.

Quelle participation attendez-vous du public qui assistera à la table ronde ? Une séance de questions-réponses est-elle prévue ?

Comme vous le souligniez, notre programme est riche et dense. Au final, le terme « table ronde » n’était peut-être pas le plus approprié mais nous tenions absolument à avoir des moments d’interaction avec le public. Il y aura donc une petite période de questions-réponses après chaque intervention et une période plus importante avant de clôturer la séance. Il aurait été dommage de traiter de sujets si interactifs sans laisser de la place aux interactions.

Quel(s) genre(s) de jeux affectionnez-vous particulièrement ?

Mes goûts ont évolué dans le temps. J’ai commencé comme beaucoup de joueurs de ma génération, par des jeux classiques sur NES (Super Mario, Zelda, etc.). Quoi que j’ai réellement débuté les jeux vidéo sur ordinateur (sur un vieux Schneider-Amstrad avec des cassettes !) avec des jeux qui avaient des temps de latence de fou et dont j’ai oublié les titres. Jeune adolescent, je privilégiais les jeux d’action (FPS, course, combat). Ensuite, mon intérêt s’est porté sur les jeux de stratégie en temps réel type Command and Conquer ou Age of Empires et les jeux d’aventure comme Final Fantasy. Aujourd’hui, je touche un peu à tout mais j’aime bien les jeux de réflexion dans le genre Limbo ou Machinarium. Evidemment, à travers mes recherches, je me suis aussi beaucoup intéressé aux jeux de rôle en ligne multijoueurs.

À quoi jouez-vous en ce moment ?

Là en ce moment, avec mes contraintes personnelles, je joue essentiellement à des jeux sur tablettes ou smartphone pour leur accès un peu partout. J’ai terminé Kingdom Rush dans le genre « Tower Defense ». J’ai aussi terminé « Out there » qui est plus une narration interactive. Sur tablette, j’ai adoré l’interaction et l’ambiance de « The Room ». J’aime bien aussi découvrir des jeux plus indé, comme « Papers, please » qui ont souvent un rapport créativité-moyens inégalé.

Press-Start remercie chaleureusement Thibault Philippette d’avoir pris le temps de répondre à nos questions de manière si détaillée. Nous lui souhaitons bonne réussite pour cet événement, auquel des représentants de Press-Start assisteront avec plaisir. Rendez-vous donc à Bruxelles, le jeudi 18 décembre à partir de 17h30.

Réactions

  • Wil2000 le 05/12/2014

    Tiens, c’est intéressant de connaître l’avenir du prêt de jeux dans les médiathèques face au grandissement du dématérialisé, comment peuvent-ils gérer ça?

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    • spacecowboy le 05/12/2014

      Sûr que le défi est de taille pour les médiathèques. Je traînais souvent dans les médiathèques quand j’étais plus jeune, parce que j’appréciais l’aspect de sociabilisation de la découverte culturelle. Pour un jeune (un peu fauché), la médiathèque, c’était vraiment le bon plan aussi. Mais je te parle d’un temps où Spotify n’existait pas, ni Netflix. Pour les jeux vidéo, l’écart de prix entre le neuf et la location doit probablement rester intéressant quand même. Sauf quand tu galères pour finir ton jeu et que tu le loues quatre semaines d’affiliée (ça m’est arrivé 😉 ).

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