Super Castlevania IV

Super Castlevania IV

Lorsqu’une grande série accouche d’un nouvel épisode, le même débat ressurgit immanquablement. « Alors, LE meilleur Mario, c’est évidemment… » « Mais t’es fou, le plus grand Sonic, c’est bien sûr… » Nous ne parlerons pas ici de ces deux vedettes internationales hors catégorie, mais de la division 1 japonaise qui comprend des stars telles que le Megaman de Capcom, le Metroid de Nintendo et le Castlevania de Konami.

La question du meilleur épisode se complique encore pour la série Castlevania, celle-ci étant divisée en deux sections : le modèle classique des débuts et la formule dite « Metroidvania », en référence à l’exploration progressive qui est propre aux aventures de Samus Aran. Les joueurs sensibles à cette touche Metroidvania élisent quasi systématiquement Symphony of the Night. Les autres sont moins unanimes.

La composante linéaire de la série comprend plusieurs fleurons. Le premier volet fondateur malgré sa rigidité, le troisième sur NES avec sa richesse et sa beauté, et l’impressionnant Rondo of Blood sur PC Engine, recueillent de nombreux suffrages parmi les fans. Personnellement, mon choix se porterait plutôt sur un quatrième titre qui est d’ailleurs le quatrième numéro de la série : Castlevania IV et son qualificatif Super qu’il porte méritoirement.

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Super Castlevania IV ! Laissez-moi vous parler de ce jeu en m’inspirant modestement de la magie qu’il dégage. Cette création majeure de Konami a eu un effet révélateur sur le petit garçon de douze ans que j’étais à l’époque de la sortie du titre. Ce fut la première œuvre qui me fit découvrir mon attrait pour les univers sombres et malsains. La révélation fut d’autant plus forte qu’elle a été provoquée de manière douce.

Au début des années ’90, je n’ai encore joué qu’à des titres inoffensifs qui sont gais et énergiques. Élevé au culte de la jouabilité, je n’attache pas une réelle importance aux aspects périphériques. Je remarque donc à peine l’intro de Super Castlevania IV qui annonce déjà l’obscurité à venir. De plus, le premier niveau m’amène en terrain connu avec sa musique entraînante, son action classique et ses décors colorés. Je reste aussi dans ma zone de confort avec la jouabilité précise qui autorise toutes les attaques, prudentes ou agressives. Certes, le boss est un squelette chevauchant une monture décharnée, mais pas de quoi se cacher la tête sous les draps.

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Le deuxième niveau se déroule sur le même mode. Le choc arrivera juste après, avec cette musique mélancolique du troisième stage. J’ai soudain l’impression de débarquer dans un monde où les ennemis n’en sont pas vraiment, comme si ces créatures misérables peuplaient simplement l’environnement et que je les gênais dans leur quotidien de malheur. Ces grands êtres qui se décomposent en petits bonshommes me donnent une curieuse sensation. Je me sentirais presque dans le rôle d’un libérateur qui sauve ces monstres de leur souffrance. Je commence à me sentir mal à l’aise dans cet univers… et j’aime ça. Voilà que la progression s’arrête et que le niveau d’eau monte. J’attends. Je ressens clairement une frousse inconnue jusqu’alors dans ma pratique du jeu vidéo : que va-t-il me tomber dessus ? Un serpent à deux têtes me prouve que ma crainte était justifiée !

La suite repart dans une ambiance traditionnelle de vieilles pierres. Cette normalité ne dure pas, la faute au mode 7 qui bouscule les perspectives. Un crochet de suspension à l’apparence anodine enclenche soudain la rotation de la salle entière ! Je me cramponne jusqu’à l’arrêt du mécanisme. Des têtes de méduse perturbent mon repos, juste avant que la machine infernale ne me fasse tourner la tête à nouveau. L’environnement commence à se jouer de moi et à me déboussoler, en particulier dans cette séquence où le décor défile autour de moi. Suis-je enfermé dans une énorme boule à neige ? Dans cette visite du cabinet de curiosités, le prochain guide est un boss gigantesque qui rétrécit sous mes coups. Il devient aussi petit que moi ; nous sommes deux nains, jouets d’une puissance supérieure.

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Ma position sur la carte ne laisse plus aucun doute : j’arrive au château de Dracula. La musique la plus glauque du jeu renforce mon appréhension. J’approche de l’entrée redoutée sous le regard des statues qui me font une haie d’honneur. Tout est trop facile: le prince des vampires me déroule le tapis rouge. Je suis accueilli par une musique du diable. J’imagine Dracula au piano qui sourit en pensant à mon trépas inévitable. Des fantômes apparaissent, des chandeliers géants se balancent, des amants diaboliques dansent autour de moi. Tenterait-on de me rendre fou avant de me porter le coup fatal ? Ces cercueils tournoyants sont un bien mauvais présage.

Alors que je m’attendais à une plongée plus profonde dans la folie, je me retrouve dans la chaleur d’une bibliothèque. Cette ambiance apaisante contraste avec la résistance accrue des ennemis et les sauts délicats à effectuer. Des tableaux vivants et des monstres cachés sous le tapis me rappellent, si nécessaire, que je me trouve toujours bien dans un château hanté. On m’envoie maintenant des chevaliers en armure. J’en conclus que Dracula se méfie de moi désormais et cherche à en finir. Je prends de l’assurance et parviens à occire le gardien armé d’une hache. Je l’envoie rejoindre Death Adder qui ne m’avait pas plus résisté quelques années auparavant. Le sol se dérobe sous mes pieds, je chute.

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Il fallait s’en douter, le sous-sol du château est un repaire pour la vermine. Une substance verdâtre suinte des murs pour remplir une rivière d’acide. Quelques créatures des profondeurs entravent mon cheminement prudent entre des pics acérés. Au bout de la route, je rencontre une réplique exacte de Frankenstein. J’entre alors dans la pièce du trésor : une version gothique de la Caverne aux merveilles d’Aladdin. Dracula tente maintenant de m’éblouir par ses richesses. La vue de cette fortune m’impressionne pourtant bien moins que les pouvoirs déployés plus tôt. Avec l’énorme chauve-souris qui me barre le passage, je sens Dracula tout proche, à portée de mon fouet.

Un escalier se construit devant moi. Dracula me montre le chemin qui mène jusqu’à lui. La musique se fait épique dans le niveau des engrenages, typique de la série. Hélas, la difficulté a raison de ma maladresse d’enfant et m’empêche de clôturer l’aventure. J’abandonne Super Castlevania IV comme une œuvre inachevée. Peu importe, l’infinité de l’aventure reflète l’inutilité de mes efforts et renforce encore mon respect pour le jeu. Rétrospectivement, je ressemble alors à un héros de Lovecraft qui se démène contre des forces qui le dépassent, sans réel espoir de victoire.

 

Au  moins une dizaine d’années plus tard, je m’appliquerai à démystifier Super Castlevania IV en le terminant par des moyens malhonnêtes. Rien n’y fait cependant, le charme du jeu opère toujours sur moi. Bien sûr suis-je devenu plus attentif  aux procédés de fabrication. Je mesure désormais toute la qualité de la jouabilité qui rend Simon Belmont plus agile que jamais. Ce fouet multidirectionnel reste l’arme que j’ai préféré manier en tant que joueur. Quand je découvrirai Rondo of Blood plus tard, je ressentirai d’ailleurs une énorme régression en la matière.

Mais mon œil moins naïf n’a pas prise sur un aspect du jeu qui ne s’adresse pas à lui. Je veux bien sûr parler de la bande son qui reste la plus enivrante de toutes celles que j’ai entendues dans un jeu vidéo. J’évoquais plus haut les sensations que les musiques provoquaient en moi pendant la partie. Ces sensations, je peux les retrouver rien qu’en écoutant les mélodies dans le menu des options. J’en ai la chair de poule à chaque fois et je repense à cette magnifique expérience de jeu qui a façonné mon goût pour les univers lugubres.

spacecowboy

Réactions

  • Lionheart_mike le 21/03/2013

    Ahhh Castlevania 4 pour moi le deuxième meilleur épisode de la saga après bien sur l’indétronable Symphony of the night !

    J’ai été tout de même très surpris de me rendre compte que ce 4eme volet est en quelque sorte un remake du premier opus de la NES.

    Merci pour ce tout bon test !

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  • LordSuprachris le 21/03/2013

    Best-Castlevania-ever! J’ai fait le jeu des dizaines de fois, toujours avec autant de plaisir, un vrai chef d’oeuvre du jeu vidéo 16-bits, inoubliable et intemporel.

    Un excellent article qui met très bien le jeu en valeur 🙂

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  • Wil2000 le 21/03/2013

    Quel jeu magnifique! Pour l’avoir eu à l’époque sur Super Famicom, il était une plateforme de démonstration des performances de la console à lui tout seul! Une vraie perle, même après toutes ces années.

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  • spacecowboy le 24/03/2013

    Merci les gars. Je suis bien content que l’article vous ait plu.

    Comme vous êtes nombreux à vénérer ce jeu, il y avait une certaine pression. Et puis, le format du texte n’était pas habituel.

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