Somerville

Somerville

Je vous l’avoue, ça m’arrive. Après une journée de travail épuisante ou de glande assommante, je peux m’endormir comme un mollusque sur le canapé de mon salon avec la télé allumée. Ou plutôt, ça m’arrivait. Depuis que j’ai joué à Somerville, j’aurais trop peur de sombrer pendant que des extraterrestres envahissent la Terre…

Ça devait être une soirée tranquille. Devant la télé qui émet des parasites, une femme, un homme, leur enfant et leur chien sont est en train de baver sur les accoudoirs de leur divan. Soudain, les fourmis dans les jambes du bébé lui disent de se lever. Il vient d’apprendre à marcher, mais il a déjà compris que l’un des plaisirs de la vie à cet âge-là est de faire ce qu’on ne peut pas. Le joueur qui dirige ce bébé, en particulier s’il est déjà parent, est affolé par ce qui attend ce petit bonhomme. Et il y a de quoi, vu que Somerville a un héritage cruel pour les héros pas plus hauts que quelques pommes. S’il s’agit du premier titre du nouveau studio anglais Jumpship, il n’est pas né de la dernière pluie. Son générique mentionne notamment le nom de Chris Olsen, un animateur dans le cinéma, et surtout celui de Dino Patti, lequel a cofondé le studio danois Playdead connu pour deux jeux sans pitié pour les bambins : Limbo et Inside.

Le documentaire animalier a encore frappé.

Heureusement – et je vous assure que c’est un grand soulagement – il n’arrivera rien de mal au mini-bipède, c’est plutôt son paternel qui va déguster dans Somerville. Un gros boum réveille toute la famille, le calme est brisé et le jeu peut commencer. Dans la peau du papa donc, la partie consiste à avancer de tableau en tableau en étant contrarié tantôt par une énigme, tantôt par une menace. Bien sûr on progresse parce que le jeu nous le demande, mais on le fait aussi et surtout pour voir la scène suivante.

Somerville est un cinematic platformer 100 % pur jus, qui rappelle jusqu’aux plus anciens représentants du genre. Outre Limbo et Inside, il semble ainsi citer Another World, le tour de force d’Éric Chahi. En bon cinematic platformer, il met le paquet sur sa mise en scène. Le début de la partie (quand ça pionce sur le canapé) parvient à transformer un moment banal du quotidien en générique élégant et presque terrifiant. La suite est très différente, mais ne se départit jamais de la volonté de faire briller vos yeux. Le jeu se déroule en grande partie à l’extérieur, sauf dans son deuxième tiers qui nous enferme dans des espaces caverneux. Si les deux ambiances ne se valent pas et que le retour au grand air fait du bien, la mise en scène est une grande réussite globale.

Je ne vais pas vous dévoiler l’histoire, qui n’est d’ailleurs pas très explicitée. Tout ce que vous devez savoir, c’est que le monde du jeu vidéo a encore créé l’apocalypse, quelle manie ! Pour comprendre quelque chose à ce qui se passe, il faut juste observer. En effet, le jeu est muet et ne comporte pas de texte à l’écran. Même l’ambiance sonore est discrète, le silence s’écartant surtout pour faire entendre la respiration du héros et ses gémissements, ainsi que certains bruits mécaniques.  

À force de la prédire, faites gaffe, l’apocalypse va finir par arriver !

Par rapport à Limbo et Inside, Somerville ajoute de la profondeur aux déplacements. La mise en scène, encore, y gagne en possibilités, comme lorsque la caméra laisse votre personnage s’éloigner et devenir tout petit dans un décor immense. En contrepartie, hélas, la lisibilité pose parfois problème dans les plans trop larges. Inutile toutefois de s’agacer, une couleur spécifique désigne les points d’interaction pour vous empêcher de tourner en rond trop longtemps.

Les actions se concentrent sur l’utilisation de la lumière. L’apocalypse a eu pitié de vous et vous a doté de la capacité d’intensifier la lumière. Très pratique pour déblayer la substance alien qui bloque souvent le passage. Le principe, simpliste au départ, va prendre un peu d’ampleur en cours de partie, mais n’espérez pas non plus des énigmes d’une inventivité renversante. Idem pour les phases de fuite et d’infiltration, plus jolies à regarder que gratifiantes.

Un générateur, une batterie, des phares, tout ce qu’il faut pour réussir une énigme.

Vers la fin du jeu, l’univers devient subitement psychédélique et pas qu’un peu. J’imagine que ce dénouement un peu too much ne sera pas au goût de tout le monde, mais je n’ai personnellement ressenti aucune lassitude jusqu’au générique de fin, atteint en 4 à 5 heures de jeu. Jusqu’au tout dernier moment, l’animation aura été magnifique et la progression plutôt fluide sans visites gênantes sur un site de soluces.

Somerville est disponible sur PC et Xbox au prix de 25 euros environ et inclus dans le Game Pass sur les deux supports.

Note

14/20

Somerville ne restera sans doute pas autant dans les mémoires que Limbo ou Inside, mais peu de jeux le peuvent en réalité. Sa gestion de la profondeur est un atout certain, d’autant plus quand la mise en scène en profite pour être encore plus reluisante. Si vous n’attendez pas que Somerville révolutionne le cinematic platformer, vous devriez trouver un bon compagnon de route pour 5 heures de jeu.

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