Immortals Fenyx Rising

Immortals Fenyx Rising

Petite piqûre de rappel, le jeu qui nous intéresse aujourd’hui s’appelle Immortals Fenyx Rising mais nous a été présenté la première fois en tant que Gods & Monsters à l’E3 2018, où il s’est directement fait remarquer de par sa direction artistique très proche d’un « petit jeu indé méconnu » du nom de Breath of the Wild. Après un report à une date inconnue, le jeu de Ubisoft a fait profil bas jusqu’à l’automne 2020, avec un nouveau nom, un nouveau trailer, une direction artistique légèrement différente et surtout une date de sortie. À vrai dire, le jeu est même déjà disponible depuis un bon mois déjà, et si je ne vous en ai pas parlé plus tôt c’est parce qu’en tant que fan absolu du dernier Zelda, il m’a fallu un peu de temps et de recul pour pouvoir digérer l’expérience proposée par Immortals.

Car le petit dernier d’Ubisoft, développé par l’équipe en charge de Assassin’s Creed Odyssey, se veut être une relecture mythologique grecque de Breath of the Wild. Un œil distrait posé sur le jeu sans même avoir pu s’y essayer manette en main suffit effectivement pour dresser un portrait éloquent des ressemblances entre le titre de Nintendo et celui de Ubisoft, qu’on aurait vite fait de qualifier de copier/coller sans saveur intégré dans l’ADN de Assassin’s Creed Odyssey. Pour ne rien vous cacher, c’est typiquement la raison pour laquelle le jeu m’a intrigué dès son annonce, car en ayant adoré plus que de raison ce fameux jeu que je risque de citer plus d’une fois dans ce test et compte tenu du nombre d’années séparant Skyward Sword de Breath of the Wild, la simple perspective de rempiler pour une aventure similaire a suffi pour me convaincre. S’il m’a fallu prendre du recul avant de vous en parler, c’est parce que Fenyx Rising est tout aussi déroutant dans ses ressemblances que dans ses différences avec le modèle visé.

C’est que les développeurs ne se sont pas contentés de bêtement transposer l’expérience BotW dans une version fantasmée du monde de Odyssey, contrairement à ce que pouvait laisser deviner la présentation faite lors de l’Ubi Forward dédié au jeu. Ce n’est pas anodin si je vous parle de prendre du recul et de digérer l’expérience, car on constate assez rapidement manette en main que les équipes en charge du jeu ont pour leur part cherché à digérer Breath of the Wild et prendre le recul nécessaire pour en faire ressortir ce qui leur semblait le plus important pour construire le monde et le gameplay de Immortals. Par exemple, le nombre de ressources récupérables lors de votre exploration a été drastiquement revu à la baisse, et chaque élément a sa propre utilisation. En conséquence, s’il est possible comme dans BotW d’utiliser ses ressources pour préparer des potions qui aideront notre avatar dans sa quête, impossible de s’écarter et d’expérimenter des mélanges aux résultats douteux : seules quatre recettes sont proposées ici. Une potion de soin, une de génération d’endurance et deux potions visant à augmenter vos statistiques soit offensives, soit défensives.

Dans le même ordre d’idées, l’équipement proposé va à l’efficace et abandonne la mécanique de fragilité des armes. Comme il n’est pas nécessaire de remplacer une épée brisée au combat, les pièces d’équipement récupérables sont considérablement moins nombreuses. Toujours sur les armes, je trouve très intéressante l’idée adoptée par Immortals concernant leurs statistiques : peu importe l’arme ou l’armure équipée, c’est le niveau de maîtrise de Fenyx du type d’arme / d’armure en question qui dictera ses statistiques ; aussi le choix par exemple d’une épée plutôt qu’une autre se fera en fonction des bonus propres à chaque lame (par exemple dégâts boostés si santé au maximum, consommation d’endurance réduite, regain de santé en cas de parade parfaite et j’en passe). Cette approche est vraiment gratifiante car chaque nouvelle pièce d’équipement récupérée au péril de votre vie dans un coffre bien gardé est potentiellement intéressante peu importe votre niveau.

Immortals Fenyx Rising nous place donc aux commandes de Fenyx, héros ou héroïne au libre choix du joueur. Notre avatar fait naufrage au cours d’un de ses périples en compagnie de son frère, un héros de guerre dont la renommée tend à éclipser Fenyx. Lorsque Fenyx reprend conscience échoué sur une plage au milieu des débris du navire, il découvre rapidement que l’attaque est l’oeuvre de Typhon, un titan déchu, et que son frère est transformé en statue de pierre. Pour vous la faire courte, Fenyx devra donc prouver sa valeur et libérer quatre dieux retenus prisonniers par les forces du mal avant de pouvoir régler son compte à Typhon et libérer le monde de son emprise. Si en prime je vous disais que l’aventure ne démarre réellement qu’une fois que Fenyx aura acquis ses ailes, lui permettant de planer où il le souhaite tant qu’il a de l’endurance et que Typhon a élu domicile pile au milieu de la carte, on crierait presque au plagiat, et pourtant !

Si l’exploration et la progression de l’aventure s’inspirent effectivement très fortement de Zelda, il ne faut pas oublier qu’avant de créer Immortals, les équipes de Ubisoft Québec ont conçu Assassin’s Creed Odyssey et cela se ressent dans la construction de la carte. Si le monde ouvert proposé par l’anciennement nommé Gods & Monsters est certes plus petit que ceux de Breath of the Wild et de Odyssey, il est par contre beaucoup plus dense et le placement des divers points d’intérêt et activités proposées renvoie directement au précédent jeu du studio. Mis à part les objectifs de quêtes, impossible de voir directement les points d’intérêts sur la carte accessible via le menu dédié, il faudra pour ce faire prendre de la hauteur et observer les alentours via une longue vue. Dès qu’un point d’intérêt est observé avec la longue vue, il est possible de le révéler afin de l’ajouter à la carte. À la différence d’un Zelda qui nous invitait à prendre de la hauteur pour mieux choisir où nous rendre tout en laissant part au mystère, Immortals tranche dans le vif en nous révélant exactement quel type de récompense a été révélé dans la manœuvre. Le tout donne un résultat un peu le cul entre deux chaises mais fonctionne relativement bien manette en main, et il n’est jamais rare d’être passé à coté d’un coffre lors de nos repérages mais de le découvrir par soi-même en suivant son petit itinéraire préparé. Mais surtout, cette mécanique de repérage est la plupart du temps optionnelle et le sentiment d’aventure est décuplé dès lors qu’on se donne la peine de ne pas l’utiliser.

Toujours dans cette optique de délivrer une vision « recalibrée » de Breath of the Wild, Fenyx Rising n’hésite pas à sortir ses puzzles de ses Cryptes du Tartare, la version grecque des sanctuaires renfermant peu ou prou les mêmes types d’épreuves sur des compositions aux ambiances très similaires. En effet, Fenyx croisera très fréquemment des puzzles, énigmes et autres jeux d’adresse à même la carte du monde lors de son exploration. Ces derniers sont fatalement marqués d’une très très forte inspiration Zelda, et pas seulement Breath of the Wild. À cent lieues du plagiat, le génie derrière la plupart d’entre eux réside dans la puissance de l’hommage rendu à la saga de Nintendo, le level design de Immortals montre une nouvelle fois que ses créateurs ont su digérer leur influence.

Le cœur du gameplay, pour ce qui est de l’exploration, se revendique clairement de Breath of the Wild et si vous avez déjà joué au dernier Zelda, vous comprendrez très rapidement comment vous déplacer instinctivement dans cette Grèce mythologique. Niveau bagarre, par contre… on est clairement face à un jeu conçu par les développeurs de Assassin’s Creed Odyssey ! Fenyx combat comme un Misthios et ce n’est pas peu dire : coups faibles à l’épée, coups forts à la hache avec une portée de zone et la possibilité de faire sauter les boucliers adverses, esquives à tout va et tir à l’arc (sans devoir se soucier de trouver des flèches : selon son niveau votre arc aura un certain nombre de flèches « magiques » en réserve, et chaque flèche une fois tirée devra se recharger d’elle-même), la prise en main est exactement la même. Le rythme des combats est par contre plus élevé que dans Odyssey, et les rixes sont relativement plaisantes à disputer tout en restant suffisamment punitives pour ne pas bourrer à tout va.

Là où le jeu va réellement se démarquer d’un Breath of the Wild au ton relativement solennel, c’est dans sa narration, pas vraiment pour le meilleur hélas. À tout moment, les pérégrinations de Fenyx sont contées et commentées par les deux narrateurs de l’histoire, Zeus et Prométhée. Ils nous sont d’ailleurs présentés dès l’introduction du jeu, disposent d’une présence quasi permanente vu la fréquence de leurs interventions, et on ne va pas se le cacher ils vont surtout très rapidement nous taper sur le système. J’ai pour ma part joué au jeu en version française et, excusez du peu, Ubisoft s’est carrément payé Lionel Astier pour incarner Zeus : c’est le roi de Carmélide, pas Jo le Clodo ! Malheureusement, ses répliques tombent souvent à plat, racontent des anecdotes pas vraiment drôles, et Zeus et Prométhée se disputent littéralement tout le temps. Malgré tout le respect et l’admiration que j’ai pour le père Astier, on sent que les scénaristes ont essayé de retranscrire son personnage de Kaamelott en dieu grec sans avoir le talent d’écriture d’Alexandre Astier et le résultat sonne juste faux en toutes circonstances.

Vu que chaque haut fait, que ce soit un combat, une énigme ou l’accomplissement d’une quête, est automatiquement commenté par les deux compères, on serait vite tenté de couper purement et simplement les voix du jeu – et ça me fait mal de dire ça en parlant de Lionel Astier – mais fort de l’ADN Assassin’s Creed Odyssey, Immortals est un jeu reposant sur de nombreuses cinématiques durant ses quêtes, durant lesquelles des éléments importants sur les objectifs futurs sont divulgués, aussi faudra-t-il apprendre à faire avec les mauvaises répliques fusant dans tous les sens. Autant être honnête et vous avertir directement : selon votre seuil de tolérance, ce simple aspect narratif brisant le quatrième mur pourrait même vous faire lâcher le jeu dans l’heure. Pour vous donner une idée, présence de sieur Astier en invité de marque avec les quelques tentatives de vannes « qui lui vont bien » mise à part, le ton global du jeu n’est pas si éloigné que ça de celui adopté par Starlink avec un côté « cool pour les plus jeunes mais vu par des gens bien plus âgés » qui, au risque de me répéter, contraste énormément avec l’ambiance solennelle et épurée de Breath of the Wild.

Note

15/20

Malgré un accroc de taille au niveau de sa narration qui sonne constamment à côté de la plaque, Immortals Fenyx Rising parvient à raviver bien des souvenirs venus directement de Breath of the Wild tout en se permettant de cultiver ses propres différences. Si Breath of the Wild était Zelda 2, alors Immortals Fenyx Rising serait très clairement The Battle of Olympus !

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