Fuser

Fuser

Si 2020 n’a pas pu apporter son lot de festivals de musique, le virtuel est une fois de plus de la partie avec un jeu qui sent bon le vinyle. Harmonix Music Systems est un vieux briscard de ce genre d’exercice, mais que penser de l’association avec le géant du « meuporg » qu’est NC Soft ? Accrochez-vous à votre launchpad et lustrez vos platines, nous allons décoller !

God is a DJ

La foule s’impatiente tandis que les lasers balaient la scène dans un ballet sophistiqué. Alors qu’il s’avance vers le devant de la scène, le public s’enflamme. Poing en l’air, la mine ravie, il s’apprête à livrer une prestation cinq étoiles.

Fuser se présente comme l’héritier spirituel de Rock Band tout en s’éloignant totalement des canons du genre. Il n’y a plus de barre parsemée de pastilles colorées qui défile à l’écran. Fini aussi les accessoires (certes amusants) plutôt encombrants puisque le jeu se déguste manette en main. Ce sera celle de la PS4 dans le cadre de ce test, petit détail qui aura une légère importance sur la suite des événements.

Au terme d’une courte cinématique qui vous mettra dans le ton, il vous incombera en tant que DJ de mettre le feu au public sur 5 scènes hautes en couleurs et aux nombreuses décorations. On est plus proche de la taille d’un Coachella que de celle d’un Francofolies (auquel je vous invite à participer quand l’occasion se représentera). Le jeu vous invite dès le départ à entamer le mode campagne afin de bénéficier de missions scénarisées qui vous guideront dans le challenge qui vous attend. En effet, chaque scène comprend 6 sets que vous effectuerez tout au long de la journée, le dernier se déroulant alors en soirée, l’heure d’affluence des plus exigeants. Ne vous attendez pas pour autant à faire un premier niveau-tutoriel pour ensuite être lâché sur une suite de missions interminables car chaque nouvelle scène apporte son lot de nouvelles manipulations sonores.

Elle était comme un DJ entre deux morceaux de musique, effrayée par le silence

Mais avant de pouvoir se lancer aux manettes, petit passage obligé par le créateur de personnage. Si les options de personnalisation peuvent sembler assez peu nombreuses au regard d’autres jeux, elles restent néanmoins suffisantes afin de se créer un avatar sympa au look déjanté. Les options sont d’ailleurs suffisamment ouvertes que pour avoir une femme à barbe de hipster ou un gentil petit DJ qui arbore les couleurs de notre site (oui, oui, je parle de moi). Rien de figé car vous pouvez sauvegarder plusieurs personnages et choisir en fonction de vos envies celui (ou celle) qui ira derrière les platines avant chaque set. Vous serez ensuite guidé par un narrateur (représentant un producteur) qui tentera parfois maladroitement de vous mettre dans l’ambiance. Après ces cinématiques au second degré discutable, vous serez donc lancé dans le grand bain.

Lors d’un set, quatre pistes sonores seront disposées devant vous telle une rangée de platines attendant vos mains expertes. Chacune d’elles est associée à une des touches de la manette en adoptant son code couleur. Si vous vous souvenez du support sur lequel le test est effectué (remontez de trois paragraphes), nous avons donc rose, vert, bleu et rouge. Au-dessus de l’écran figurent les pochettes des différents morceaux que vous aurez préalablement rangés dans votre bac à disques. Si le nombre de disques embarqués est limité, ce bac peut cependant être modifié et sauvegardé avant chaque set. Chaque chanson est divisée en quatre pistes indépendantes : les rythmes étant généralement pour le carré (rose), les instruments (guitare, basse, clavier, cuivres) pour le triangle et la croix (vert et bleu) et les voix et effets pour le cercle (rouge). Une énorme barre graduée représentant 32 mesures de 4 temps (la musique binaire, que voulez-vous ? ) vous aidera à vous situer dans les différents samples que vous serez amenés à lancer par une simple pression de touche. Attention cependant à ne pas oublier que c’est un jeu de rythme qui récompensera les transitions sur le tempo. Certains extraits afficheront aussi des pastilles de couleurs sur des temps intermédiaires afin de vous aiguiller vers un changement « à la levée » qui vous rapportera encore plus de points et donnera vie à votre mix. Vous passerez donc votre temps à déplacer le réticule du stick gauche qui mettra en évidence les options disponibles, que vous survoliez vos disques ou l’une des platines en cours de lecture. C’est un peu déroutant mais l’ergonomie des sous-menus est suffisante afin de vite s’y retrouver. Rapidement, vous pourrez même rajouter des effets (delay, flanger, …) sur les pistes ou des instruments variés que vous contrôlerez via un launchpad (un boîtier rectangulaire rempli de petites touches). Petit bémol pour ce dernier qui impose de connaître l’effet de chaque touche pour ne pas se retrouver à faire un grand n’importe quoi sonore tout en rapportant des points parce qu’il est utilisé en rythme. Surtout qu’il faut déplacer le réticule sur chaque touche à jouer !

Il faut avouer que la sauce prend assez vite, les samples sont intelligemment utilisés et on constate qu’il y a très peu d’associations possibles. Il est possible à tout moment de modifier le tempo du morceau en cours ainsi que sa tonalité et son mode. Si la chanson Bad Guy de Billie Eilish est certes très belle en Si bémol mineur, le passage en Sol majeur reste possible. On revisite donc à chaque mix les différents sons emblématiques de morceaux très variés. Les styles proposés oscillent entre country, pop, dance, rap, RnB, rock ou musique latine des années 70 à maintenant (et j’ai dû omettre un ou deux styles). On passe de Rick Astley à Tomes and I sans oublier Rage against the machine ou encore Fatboy Slim.

Il faut avoir une musique en soi pour faire danser le monde

Ainsi donc, le joueur est amené à jongler avec ses titres afin de conserver la barre de contentement du public à son maximum. Chaque lancement ou transition se devra d’être effectué sur le rythme et selon certains objectifs inévitables (lancer une piste rythme, couper la piste voix) si vous ne voulez pas froisser les oreilles de votre audience. Rapidement, le public vous glissera des suggestions (un morceaux des eighties, du rock ou un instrument en particulier) via des phylactères. Libre à vous de les ignorer au risque de faire baisser la jauge et de manquer certains points bonus inévitables pour la prestation maximale à cinq étoiles, mais vous pouvez même tenter des combos lorsque plusieurs demandes peuvent être comblées via une seule transition. Si quelqu’un voulait entendre plus de chant alors qu’un autre voulait du rock, lancez la piste voix de Rock the casbah pour un combo bonus.

Chaque prestation sera ensuite évaluée en fonction de votre score et vous fera gagner de l’expérience afin de monter en niveau pour accéder à plus de chansons à débloquer ou des éléments cosmétiques. En effet, le joueur dispose au départ d’un certain nombre de chansons qu’il sera amené à étoffer via la dépense de points de musique qu’il gagnera à chaque passage de niveau. Il en est de même pour les jetons de style qui permettront de débloquer des habits aux couleurs spécifiques et même des effets de scène comme les lasers, les écrans géants ou les feux d’artifice. Il faudra donc souvent revenir sur les missions et viser les prestations maximales afin de monter de niveau et grapiller les précieux points nécessaires au déblocage de vos chansons préférées. Si la progression est lente, c’est surtout que le mode campagne n’est pas le seul moyen de gagner en expérience et vous pousse même vers le plus intéressant du jeu : le multijoueur.

Tout d’abord, un simple mode freestyle vous permet de vous adonner aux joies du mix sans contrainte ni réaction du public. Il vous permet d’enregistrer votre prestation afin de simplement la partager avec la communauté. Un mode freestyle coopératif permettra d’accueillir plusieurs DJ qui, à tour de rôle, se lanceront dans un mix de 32 mesures alors que les autres joueurs pourront réagir via des phrases prédéfinies ou même des demandes spécifiques comme le public du mode campagne. Le joueur qui livrera la meilleure prestation sera sobrement déclaré vainqueur du mix et gagnera de précieux points d’expérience. Vient ensuite le mode battle plutôt similaire mais qui donnera un plus grand nombre de contraintes à chaque DJ et qui propose un système de classement (et de récompense) proche des cartes de combat de beaucoup de jeux en ligne actuels. Ensuite, le hub social qui propose des événements particuliers vous invitant à enregistrer un mix selon différents critères (cette semaine, c’était un mix avec des chansons de 80 à 2000). Les autres utilisateurs peuvent liker leurs prestations préférées et les plus plébiscitées seront récompensées. Sans oublier qu’il est possible d’activer le multi-plateforme qui étonnamment reste une option activée uniquement si vous l’acceptez. Des fois qu’il y ait des rageux qui ne veulent pas se mêler à la plèbe ?

Je cherche les notes qui s’aiment

Vous l’aurez compris, j’ai été plutôt emballé par l’expérience (un peu de subjectivité) dans le sens où les samples s’emboîtent plutôt bien et permettent des mélanges improbables (à cause de la profusion de chansons en canon à quatre accords ?). Il va de soi que si certains éléments musicaux vous sont inconnus (enfin, pas de quoi avoir fait le Conservatoire), vous passerez à côté de l’énorme potentiel créatif de ce jeu. L’Unreal Engine est à peine sollicité pour les courtes cinématiques à l’ambiance douteuse et le public disposé à la truelle (l’habitude de ce genre de jeu où le regard est capté par les menus). Ce n’est donc que votre système son qui vous fournira vos meilleurs frissons. Il est possible de calibrer le son et l’image à tout moment afin de coller à votre expérience ou votre matériel. La seule inconnue concerne le matchmaking, sachant que le jeu ne sort que le 10 et qu’il est difficile de mettre la main sur un autre testeur. Il m’est donc impossible de clairement vous éclairer là-dessus. Il en va de même pour la boutique qui devrait proposer son lot de micro-transactions, encore indisponible à l’heure ou je rédige ce test.

À mettre donc entre les mains de bidouilleurs musicaux ou des simples amoureux de la platine qui n’ont pas la possibilité d’installer plusieurs milliers de spectateurs dans leur jardin. Les plus hauts scores à obtenir pour la campagne vous obligeront à maîtriser vos samples et cerner les meilleures transitions ou les associations les plus efficaces. Etant donné la possibilité de toujours préparer votre bac de disques (les défis du public s’adaptant à ce que vous possédez), la rejouabilité est totale et ne vous cantonnera jamais aux mêmes chansons. Chaque passage de niveau débloquera du contenu musical et cosmétique, donc il y aura toujours un nouvel élément déblocable qui vous poussera à dépenser vos points durement gagnés.

Note

14/20

Une expérience musicale rafraîchissante qui met l'accent sur le partage créatif. Le mode campagne aurait pu bénéficier d'une aura plus immersive s'il ne se cantonnait pas à une suite de cinématiques remplies de monologues absurdes. En toile de fond, une course au high score via la virtuosité de vos meilleurs mixages.

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