Wolfenstein: Youngblood – J’aime plus Paris

Wolfenstein: Youngblood – J’aime plus Paris

Que peut-il bien se passer quand nous mettons dans un shaker l’une des licences les plus connues du monde du FPS toutes générations confondues et le créateur français de la série de RPG d’action qu’est Dishonored, c’est-à-dire Arkane Studio ? Nous pouvons facilement nous dire que le mélange n’est pas commun et peut même sembler contradictoire tant Dishonored prête parfois à la planification calme et posée de nos actions tandis que Wolfenstein est plus dans la catégorie du « Tire et pose les questions ensuite », voire dans le bourrinage décérébré.

Une baguette et une svastika s’il vous plaît !

C’est en l’an de grâce 1980 que nous retrouvons la gentille famille Blaskowitz, à faire ce que fait toute famille américaine de l’époque, c’est-à-dire s’entraîner au fusil d’assaut et se préparer à recevoir l’envahisseur (on dirait une satire de l’Amérique actuelle déjà, non ?). Ce cher bon William passe donc son temps avec Ania au Texas, où ils ont le plaisir de partager leur vie désormais plus trop mouvementée avec Sophia et Jessica, leurs filles jumelles. Soudain, comme si on ne s’y attendait pas (sinon il n’y aurait pas de jeu), papa le barjo disparaît dans la nature et les pistes mènent toutes à Paris(tadt). Les jumelles assassines se rendent donc dans l’ex-capitale française accompagnée d’Abby qui servira ici de personnage de soutien à base de stéréotypes et de grosses lunettes. Voici comment nous pouvons résumer le début de l’histoire qui se passe bien après Wolfenstein II : The New Colossus.

Cependant, dés le début de l’histoire, nous apprenons qu’il nous manque un chaînon très important du « lore » de la licence. Blaskowitz père aurait tué Hitler en personne en 1960, or nous ne faisons que croiser le dictateur sans pour autant lui loger une balle en plein dans les rides du front. Il semblerait que Bethesda souhaite se garder un peu de marge pour sortir un nouveau titre pour la licence, mais sans savoir si ce dernier se placera avant ou après cette nouvelle aventure. Bref, nous avons l’impression dès le début de notre partie que nous avons possiblement loupé une étape.

Pour vous parler un peu plus du jeu en lui-même maintenant, le but sera, vous l’aurez deviné, d’aider la résistance en place et de découvrir si papounet est encore en vie. Pour cela votre aventure aura comme point de départ principal les catacombes de Paris qui serviront de « hub » pour sélectionner les missions, à l’instar du sous-marin dans New Colossus ou du souterrain de New Order. Paris sera divisé en 3 quartiers différents que vous devrez explorer avec, en point d’orgue pour chacun, une tour. Ces 3 « frères » (ou « Die 3 Brüder » dans la langue de Merkel) devront être hackés par l’acolyte nerdy Abby pour donner accès à un labo secret où il se passe des trucs visiblement pas très stériles.

La façon dont votre exploration va se passer dépendra vraiment beaucoup, mais alors très fort, de votre équipement et de votre niveau, choses totalement nouvelles dans l’univers de Wolfenstein. Si jadis l’amélioration de nos armes était une chose connue et maîtrisée, l’arrivée d’un niveau de personnage ainsi que des possibilités multiples d’amélioration de notre arsenal est issue de l’entrée en scène de nos amis de chez Arkane Studio qui prennent les commandes pour cette partie. Nous allons en effet pouvoir choisir cinq améliorations pour chaque arme, et ce dans trois tiers différents : Nadel (précision), Tempo (la vitesse) ou encore le Stier (la puissance). Il faut savoir que si vous prenez au moins trois améliorations du même tiers, un bonus sur l’arme sera appliqué. Ces upgrades peuvent être achetées grâce à des pièces d’argent que nous trouverons en arpentant les quartiers de la ville. Le truc sympa et quasiment incontournable avec ce nouveau jeu est que les ennemis seront plus sensibles à certaines armes, vous devrez donc adapter votre équipement au fur et à mesure de votre avancée. Malheureusement, même si vous avez choisi le bon outil contre le bon ennemi, il faudra quand même utiliser une nouvelle arme, commise d’office cette fois : la patience. Les méchants sont de véritables éponges à cartouches de 9mm. Même une balle en pleine tête ne les tue plus directement. Vraiment, si on ne peut plus faire confiance à une blessure létale…

Bien entendu, tout comme pour les anciens jeux, il restera toujours possible de vous la jouer « ninja » mais ne nous leurrons pas, l’alarme est tellement sensible que le moindre faux pas ou une touffe de cheveux qui viendrait à être repérée déclenche directement les hostilités, nous préférerons donc nous la jouer gros bras toute la durée de la partie. Le gros problème en cas d’alarme est que les ennemis viennent carrément apparaître magiquement dans votre dos si ce n’est pas directement à côté de vous. Frustration inside.

Je vous ai parlé un peu plus haut de l’arrivée des niveaux de personnage : cette notion de RPG, même si elle parait hors de propos dans un jeu comme Wolfenstein, permet d’ajouter une dimension particulière à la façon de jouer notre avatar. Chaque niveau vous gratifie d’un token que vous pourrez cumuler pour débloquer d’autres améliorations, tant pour votre exosquelette que pour le personnage en lui-même, comme la vie par exemple. Pour l’exosquelette nous allons pouvoir booster la capacité d’armure, augmenter la durée du camouflage optique, ou encore donner la possibilité de manipuler certaines armes à deux mains. Pour résumer, il est nécessaire de bien pousser ses compétences au max avant de pouvoir s’attaquer aux tours mais surtout avant de pouvoir affronter Lothar, le vilain de l’histoire.

Le dernier point à aborder ici est l’autre grande nouveauté apportée avec ce Wolfenstein : le mode coopératif. Si vous avez été attentif, l’histoire est celle de deux sœurs, Jes et Soph. Au début du jeu, vous pourrez choisir laquelle sera votre avatar, tandis que l’autre sera au choix contrôlée par l’IA ou par l’un de vos amis ! Tout le jeu est en effet complètement jouable en coop et cela est même encouragé par Bethesda ; l’éditeur propose le « Buddy Pass » qui vous permettra de jouer avec un de vos potes qui n’a pas acheté le jeu, ce n’est pas la classe ça ? Le jeu est même assez bien foutu que pour compenser les différences de niveaux de personnage que vous pourriez avoir en équilibrant les ennemis de chaque côté du clavier. Ainsi l’un et l’autre joueur n’auront jamais l’impression de s’en prendre à une vieille dame ou de se manger une mandale par un ennemi de 10 niveaux de plus. Une dernière cerise ? Les personnages peuvent se faire des « signes » entre elles, comme un gros pouce en l’air à l’attention de l’autre ou encore une petite danse de la victoire, ce qui va provoquer un boost ou une régénération de vos capacités.

Paris, ses rues et ses nazis

Le lien avec Arkane Studio se fait sentir jusqu’au level design qui est, il faut l’avouer, sublime. Les rues de la ville sont très bien retranscrites et nous pouvons ressentir le soin qui a été apporté au design global du soft, même si certains détails visuels se sont vus rabotés sans doute pour amortir le coût technique d’un jeu coopératif. Nous pouvons, entre autres, facilement sauter sur des balcons pour éviter une patrouille ennemie un peu trop tendue, ou encore explorer des appartements richement détaillés. La patte et le goût du détail d’Arkane Studio sont bien présents et se font sentir en tout temps.

Cependant, un énorme problème vient ternir ce tableau qui peut sembler idyllique et qui provoque un contre-pied total avec la saga Wolfenstein existante. Jadis le gameplay était linéaire, nous pouvions y voir une intensité grandissante, des phases de jeu toujours plus héroïques, des actions toujours plus pétaradantes. Le couloir était contrôlé pour cadrer le focus sur l’évolution du personnage et de ses affiliations. Wolfenstein : Youngblood provoque une cassure nette avec ses trois quartiers et va vous donner des quêtes/missions à effectuer dans ces trois zones, parfois commencer une mission dans un quartier, la continuer dans un second, pour la valider dans les catacombes. Le mot « cassure » n’est pas choisi à la légère car cela brise littéralement le rythme. Nous allons nous balader de quartier en quartier en ayant parfois l’impression de faire la même chose et que l’histoire, du coup, n’avance pas. Si nous ajoutons en plus le fait que les ennemis réapparaissent assez rapidement, vous cochez une case en plus au bingo du gameplay déconnant. Les jumelles Blaskowitz ne sont, de ce fait, pas « iconisées » comme il se devrait, l’aventure s’avère du coup ralentie ou étendue d’une manière artificielle avec des ficelles assez grossières.

Envie de cocher une autre case à notre fameux bingo du gameplay boiteux ? Allons maintenant piocher la carte « Niveaux dans les égouts » et bon dieu… soit nos amis les nazis sont devenus complètement nyctalopes, soit ils ont des yeux bioniques. Sachant qu’il vous faudra utiliser une torche pour avancer dans ces niveaux souterrains, que sans elle vous n’y verrez absolument rien et que pourtant les ennemis arrivent, eux, à vous voir et vous tirer dessus avec une très bonne précision dans le noir complet. Il n’y a pas comme un problème ?

Enfin, pour en revenir à l’histoire de manière générale, et c’est un goût personnel ici, j’ai un comme un malaise assez pesant vis-à-vis des sœurs tueuses de nazis. Soit le manque d’empathie vient du fait qu’elles ne sont pas iconiques, soit elles ne sont pas bien scénarisées tout court. Pour expliquer mon propos, je vais prendre une phase du jeu du début de l’aventure : Sophia décapite littéralement un ennemi, ce qui va provoquer un fou rire, mais aussi une régurgitation complète de son contenu stomacal, tout en continuant à se poiler comme devant un sketch des Monty Python. Vous le sentez le « cringe » ? Mon malaise a commencé à ce niveau, les personnages font preuve d’une immaturité permanente qui empêche constamment de pouvoir se prendre d’empathie pour elles ou encore de les prendre au sérieux. Nous avons vite l’impression de jouer des gamines qui veulent faire comme papa. C’est bien Abby qui le disait en regardant les jumelles gigoter : « Vous êtes bizarres ». On dirait presque une allégorie du jeu en lui-même.

Note

14/20

Wolfenstein: Younblood essaye d'amener un vent de nouveauté à la licence en apportant dans ses bagages une bonne louche de RPG et de jeu coopératif. Cependant, la lourdeur de son gameplay, la nécessité de revisiter en boucle la ville et le côté trop « léger » des personnages pourraient en rebuter plus d’un. C’est du Wolfenstein, mais le sang ne semble pas si frais. Il reste au demeurant très défoulant avec ses grosses armes !

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