Absolver – la castagne élégante

Absolver – la castagne élégante

« Un jeu de combat qui consiste à se faire des amis », voilà comment ses créateurs décrivent Absolver. L’éditeur Devolver, dont le nom s’accole souvent au meilleur de l’indé, a-t-il eu raison de croire en ce concept tordu ?

Au lancement du jeu, on assistait à un drôle de manège. Les joueurs connectés au serveur couraient dans une direction, s’arrêtaient net, revenaient sur leur pas, tournaient en rond, vous faisaient un signe incongru, … bref tout le monde semblait perdu. Et nous aussi, nous étions complètement largués dans un environnement étrange en compagnie d’IA immobiles. Nous nous approchons d’elles, un peu trop près, et la bagarre commence.

Les premières minutes dans Absolver sont déconcertantes, même si vous avez suivi son développement et les annonces promotionnelles. Très peu de choses vous sont expliquées et, si cela sert parfois d’argument gimmick, le manque de guidage est ici pleinement justifié. Après tout vous êtes un apprenti qui cherche sa voie, aussi bien dans son univers que dans sa maîtrise du combat. Vous n’espériez quand même pas qu’on vous prenne par la main ?

Non Jef t’es pas tout seul

Imaginez-vous perdu dans un pays que vous ne connaissez pas et dont vous ne parlez pas la langue. Après avoir rangé l’orgueil dont tout Occidental fait preuve à l’étranger, vous ne voyez plus d’autre solution : vous devez demander de l’aide. Autour de vous, parmi tous les gens accoutrés bizarrement, certains semblent savoir où ils vont et ce qu’ils font. Bingo, vous avez trouvé un non-touriste ! Vous essayez de vous faire comprendre à partir de quelques gestes explicites, dont le toujours rigolo « je ne sais pas » de la mini-roue de dialogues.

Le non-touriste s’arrête, reconnaît en vous le naze qu’il était jadis et a pitié de vous en quelque sorte. Et à l’image de cet Occidental qui s’étonne de la générosité de ses semblables de l’autre côté de la planète, vous êtes surpris quand un joueur plus aguerri accepte de vous prendre sous son aile. « NaugtyUnicorn a accepté la coop », et vous êtes soulagé : allons ensemble rétamer des gueules !

Parce que jusque là, soyons honnêtes, vous ne faisiez pas trop le malin. Certes, vous avez bien éliminé l’une ou l’autre IA peu dégourdie, mais la sanction est toujours la même quand vous rencontrez un groupe d’ennemis : la défaite crasse et sans aucune gloire… Direction le point de régénération de la zone. Après plusieurs échecs de ce type, vous comprenez que vous n’y arriverez pas seul. Et c’est à partir de ce moment que le jeu devient beau, dans le sens où il vous montre le véritable objectif de votre quête : apprendre des autres, amis comme ennemis d’ailleurs.

Le paradis, c’est les autres

Au départ, il y a ce personnage que vous avez modelé en définissant son apparence et son style de combat. Votre héros possède, heureusement, de bonnes notions de bourre-pif. Ainsi, il pourra déjà se défendre correctement dès le début du jeu. Néanmoins, on s’aperçoit vite que sa technique est autrement plus rudimentaire que celle des adversaires. Waw, comment c’est trop la classe, ce coup de pied sauté que je viens de me manger en pleine poire ! Vous aussi, vous voulez être stylé ? C’est très simple, il suffit d’apprendre. Comment ? En bloquant tout simplement les coups de vos opposants.

Lorsque votre garde absorbe le coup d’un adversaire, votre personnage apprend un peu de ce coup. Et à force de bloquer le même coup, vous pourrez l’intégrer à votre « deck de combat ». À vous de choisir maintenant à quel enchaînement vous allez ajouter ce coup de pied retourné dont vous rêviez. Ces enchaînements se divisent en deux catégories, les coups faibles et les coups forts. Chacune de ces catégories dispose encore de quatre séquences d’attaques selon votre position par rapport à l’adversaire. En somme, vous pouvez paramétrer huit séquences avec vos coups de base ou ceux appris dans la bataille. Enfin, ajoutez-y la même chose pour le maniement des armes blanches et des gants de combat, qui proposent encore des gammes différentes d’enchaînements. Les possibilités sont donc très étendues et la véritable durée de vie s’offrira à ceux qui en profiteront.

Équipé de votre meilleur deck de combat, vous pouvez partir à l’assaut de l’environnement (en PvE) ou vous mesurer à d’autres joueurs humains (en PvP).

Un monde ouvert dans un jeu de combat

Absolver vous jette dans un monde (presque) totalement ouvert. Ce monde est composé de petites zones bien différenciées où se cache une sorte de boss. Éliminer le boss de chaque zone vous donne accès à la dernière zone et au dernier boss. Vous obtiendrez alors le rang d’Absolver, un guerrier respecté dans ces contrées désolées. L’aventure solo (à moitié multi comme on l’a expliqué) semble alors quasiment terminée. Néanmoins, vous pouvez toujours arpenter les zones dans l’espoir de trouver de nouvelles pièces d’équipement, d’apprendre sans cesse de nouveaux coups, de monter en niveau et d’affronter les boss dans une version plus coriace. Mais surtout, le monde ouvert demeurera toujours le lieu des affrontements PvP.

Un joueur humain se promène à côté de vous, pourquoi ne pas lui chercher des noises ? Rien ne vous empêche en effet d’engager la bataille contre quelqu’un qui ne vous a rien demandé. Vous pouvez même le faire avec courtoisie, en proposant pareille bataille dans la roue de dialogue. Et si vous êtes un gentleman, vous relèverez votre adversaire vaincu en lui faisant un salut amical. On vous incite d’ailleurs à être bien élevé, car la communauté d’Absolver est un véritable modèle de savoir-vivre ! On imagine la fierté des développeurs parisiens de Sloclap qui ont atteint leur objectif d’un jeu de combat entre personnes respectables. On a la communauté qu’on mérite, après tout…

Chaque zone possède aussi son « autel » à multiples fonctions, dont celle d’organiser des matchs contre d’autres joueurs. L’affrontement se déroule alors sans dérangement extérieur, en un contre un, soit la meilleure configuration pour un combat dans Absolver. Au meilleur des cinq rounds, vous pouvez tester vos meilleures techniques contre un adversaire consentant, lui aussi avide d’étudier vos coups. Le pied est total quand vous avez affaire à un combattant de votre niveau. C’est là que vous pouvez le mieux exploiter votre deck, votre esquive et vos pouvoirs acquis dans le monde ouvert (regain de santé, affaiblissement de l’opposant, secousse, etc.). Il est possible de se perdre dans cette quête de la maîtrise ultime, mais certains joueurs s’en désintéresseront probablement après la « fin » de l’aventure solo.

Terminons en évoquant les écoles de combat, qui vous permettront notamment d’explorer de nouveaux styles de combat. Et puis non, ne terminons pas là-dessus, car Absolver recèle aussi une grande valeur artistique. Si le jeu en lui-même nous égare déjà dans les premiers instants, l’aspect visuel renforce cette impression avec désolation et langueur. La destruction est partout autour de nous, et pourtant les environnements sont jolis, chapeau au studio français Sloclap ! Bravo aussi pour avoir été chercher une pointure de la bande-son de jeu vidéo. Ces thèmes d’ambiance, oppressants et déroutants, c’est au talentueux Austin Wintory qu’on les doit. Qui ça ? Le mec qui a notamment réalisé l’OST de Journey et d’Abzû, rien que ça. On se quitte en écoutant un morceau du maestro.

Note

15/20

Absolver désarçonne autant qu’il émerveille dans ses premières heures, même quand le joueur sait où il met les pieds (et les poings). Le caractère inclassable du jeu ne dessert pas du tout la maturité de son gameplay, à la fois fin, accessible et très profond. On craint néanmoins que la plupart des joueurs n’attendent pas cette profondeur pour se lasser du jeu.

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