Soft Body – poésie reptilienne

Soft Body – poésie reptilienne

Soft Body est le premier jeu commercial de Zeke Virant. Diplômé en game design de la New York University Game Center, Zeke Virant réside en Belgique et propose sur PC et PS4 un jeu d’action-réflexion aux intentions artistiques bien marquées.

Il fut un temps où les téléphones portables n’avaient rien de « smart ». Concrètement, et aussi bizarre que cela puisse paraître pour les moins de 20 ans, ils servaient à téléphoner et à envoyer des SMS, et c’est tout ! Enfin… pas tout à fait. Car si vous avez un jour possédé un téléphone Nokia 3210 (le best-seller de l’époque), vous savez à quoi vous vidiez votre batterie : à jouer à Snake !

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Comme ses variantes Nibbler en arcade ou Nibbles sur MS-DOS, Snake vous faisait contrôler un rectangle ressemblant à un serpent, dont la queue s’allonge à chaque pastille avalée. Le but du jeu consistait à gober toutes les pastilles du niveau sans heurter un élément du décor labyrinthique ni se mordre la queue. Un passe-temps inépuisable à l’arrêt de bus. Soft Body parle la même langue fourchue que Snake, mais il a bien plus de tchatche !

Le serpent de Soft Body abandonne le mouvement rectiligne pour un glissement plus souple, plus doux, « soft ». Le but de ce reptile du troisième millénaire a aussi changé complètement. Son objectif à lui, c’est de repeindre les parois en les frôlant. Le serpent « peintre » se contrôle au stick gauche de la manette, manette qui est d’ailleurs chaudement recommandée aussi sur PC. Votre stick droit sert lui à diriger un autre serpent, appelons-le le serpent « aimant ». Ce dernier a la capacité de déplacer une petite boule quand il se trouve à proximité. La petite boule en question doit avancer sur un rail, plus ou moins sinueux, pour rejoindre une boîte. Les parois sont repeintes et la boule est dans la boîte ? Félicitations, vous avez réussi le niveau ! Sauf qu’il y a vite beaucoup de parois, plusieurs boules… et des ennemis.

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Si le moindre ennemi vous touche, c’est de la bouillie de serpent à l’écran. Et les ennemis aiment plus que tout se jeter sur vous, en groupe parfois. Mais il y a pire, ils vous tirent dessus ! Pas un petit tir de temps en temps, non, de bonnes rafales aux modèles rappelant les shoot’em up pour furieux. Précisons si nécessaire qu’un tir dans votre face de serpent fait voler vos écailles comme des confettis de carnaval. Mais. Mais ! Les attaques ne sont mortelles que pour votre serpent « peintre ». Le serpent « aimant » ne meurt pas, lui, il revient se blottir contre le serpent « peintre », les deux pouvant fusionner et se diriger ensemble au stick gauche. Comment ça se passe alors ? La vidéo ci-dessous sera bien plus parlante, mais sachez que vous allez souvent devoir manier vos sticks gauche et droit indépendamment. C’est perturbant et très difficile au départ, mais bon sang que c’est bien fichu !

Comme vous l’avez remarqué dans la vidéo, les niveaux se construisent au fur et à mesure suivant un modèle. Pas question de génération aléatoire dans Soft Body, les constructions sont toujours cohérentes et même plus que cela. Zeke Virant qualifie son jeu de « méditatif ». Un adjectif qui, malgré la difficulté intense, est tout à fait pertinent. Voyez les niveaux se former dans un assemblage fluide et paisible, observez les rideaux de tirs harmonieux et laissez-vous fasciner par les couleurs. L’ensemble a une puissance évocatrice qui vous met, effectivement, dans un état proche de la méditation.

Bien entendu, les musiques renforcent cet effet si particulier dans un jeu vidéo. Question musiques, Zeke Virant sait d’ailleurs de quoi il parle. On parle d’un mec qui compose des opéras, ça calme hein ? Soft Body profite donc pleinement de l’oreille musicale de son auteur. Un régal pour les amateurs de compositions atmosphériques.

Pour ajouter encore à l’ambiance, certains niveaux misent moins sur le challenge que sur la contemplation. Même s’il est difficile de saisir cette sensation sans y jouer, la progression le long d’une ligne blanche verticale s’estompant sur un fond noir peut être romantique… Votre imagination fonctionne ainsi à pleins tubes, alors que les niveaux traditionnels exigent toute votre attention. Les stages d’action se construisent avec élégance et cohérence, mais ils agaceront les moins patients d’entre vous. En revanche, si vous vous laissez le temps de recommencer et recommencer encore un même niveau, vous pouvez compter sur un défi honnête et gratifiant. Avec beaucoup de cran, vous tenterez les niveaux dits « rugueux » qui portent bien leur nom. Imaginez-vous des tableaux plus corsés avec un serpent « aimant » désormais tout aussi vulnérable que votre serpent « peintre ». Avis aux amateurs de difficultés délirantes !

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Soft Body par Zeke Virant – en téléchargement pour PS4, PC et Mac sur Steam et itch.io au prix de 13 euros

Note

14/20

Soft Body est d’abord un jeu d’action raffiné. C’est ensuite une expérience romantique au grand pouvoir d’évocation. Mieux vaut apprécier ces deux aspects pour profiter à fond du jeu. Si c’est votre cas, Soft Body vous promet quelques heures de plaisir simple et de poésie pure.

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