Conseils d’un ancien stagiaire de l’industrie

Conseils d’un ancien stagiaire de l’industrie

“Alors ton stage ?” “Bah je suis tombé sur une usine à stagiaires et toi ?” “Pareil… T’as été payé ?” “A ton avis ?” C’est le genre de discussion que j’entendais en formation de game design quand tous les étudiants rentraient de leur stage. Et en cinq ans, je pensais que les choses auraient changé… Puis, il y a eu l’affaire Bloomylight Studio.

Pour ceux qui n’ont pas entendu parler du scandale, il s’agit de stagiaires ayant dénoncé récemment les agissement du dirigeant (et apparemment unique employé) de ce studio de jeux vidéo : stagiaires non payés, falsifications de documents, menaces en cas de dénonciation etc.

Pourtant ce genre d’histoire ne date malheureusement pas d’hier et il arrivera sans doute encore beaucoup de fois. Alors en tant qu’ancien stagiaire dans le secteur, je me suis dit que quelques conseils seraient les bienvenus.

Note : Je vais essentiellement parler du cas français, car j’ai trouvé peu d’informations d’un point de vue juridique concernant la Belgique. Sachez néanmoins que même si le stage belge est non rémunéré à la base, il doit néanmoins durer entre un et quatre mois et une convention de stage doit être signée comme en France.

Et oui, j'ai toujours l'air aussi cool quand je raconte mes souvenir...*tousse, tousse*

Et oui, j’ai toujours l’air aussi cool quand j’écris mes articles…*tousse, tousse*

Durant votre recherche de stage

 La recherche est surement la partie la plus stressante compte tenu de la situation actuelle : la Belgique compte des structures en extension mais limitées et l’énorme demande des étudiants conduit les studios français à être de plus en plus exigeants sur le profil de leurs stagiaires. Si on en a les moyens et un bon niveau d’anglais se tourner vers d’autres pays étrangers peut être une option mais ne vous attendez pas forcément à trouver beaucoup plus de portes ouvertes. Enfin, il y a l’option de se tourner vers des structures plus petites de type start-up.

Mais dans ce dernier cas, il y a le danger de tomber sur un Bloomylight-like, alors que faire ?

"Je suis désolé mais vous n'avez pas d'expérience professionnelle." "Mais je postule pour un stage." "Oui, je sais."

« Je suis désolé mais vous n’avez pas d’expérience professionnelle. » « Mais je postule pour un stage. » « Oui, je sais. »

La première chose serait de chercher des infos sur l’entreprise en dehors de son site internet. Les réseaux sociaux professionnels de type Linkedin / Viadeo et consorts sont souvent un bon point de départ : ils permettent de vérifier la présence de plusieurs employés actuels en dehors des différents “patrons” (donc passez les directeurs créatifs / artistiques / techniques / loustics).

Si vous avez la chance de ne pas être la première promotion de votre formation, n’hésitez pas à utiliser le réseau des anciens élèves pour voir si certains d’entre eux ont déjà travaillé dans les endroits où vous voulez postuler. S’il y en a, tentez de les contacter pour en savoir plus sur leurs expériences ou au pire demandez à voir leur rapport de stage. Cela vous permettra de vous fixer un peu mieux.

Je sais que contacter des anciens élèves peut parfois être intimidant mais gardez à l’esprit que eux aussi ont dû chercher un stage à un moment donné.

Aussi, au-delà du simple “googling”, je vous invite à faire une recherche sur societe.com si la boite est française, afin d’avoir des informations utiles sur eux (date de création, gestionnaire, nombre d’employés…) et pourquoi pas sur glassdoor.com où des employés peuvent évaluer anonymement leur entreprise.

 

Avant et durant l’entretien

 Votre CV et lettre de motivation ont réussi à convaincre un employeur de vous recevoir en entretien. Je ne vais pas vous apprendre à préparer un entretien (si votre formation est correcte, d’autres s’en chargeront mieux que moi) mais je vous invite à glisser dans votre liste de questions / choses à faire / ou pas, que vous aurez tatoué sur votre bras gauche, deux ou trois petites choses :

 

  • Qui vous fait passer l’entretien : Généralement deux personnes assistent aux entretiens, votre maitre de stage et votre employeur. S’ils sont la même personne rien n’empêche un autre employé ayant des responsabilités ou étant dans le même domaine que vous, d’assister à la discussion et cela afin que l’employeur ait un second avis. Si vous vous retrouvez seul avec l’employeur alors que la boite compte plusieurs employés, vous devriez garder un oeil ouvert. Ce n’est peut être rien comme ça pourrait être le premier signe d’un malfonctionnement.
Note: aucun entretien ne se résout par un bras de fer...Mais après pourquoi pas.

Note: aucun entretien ne se résout par un bras de fer…Mais après pourquoi pas.

  • Observez les employés et les bureaux : Si vous passez l’entretien sur place, il se peut que l’employeur ou tout autre personne de la boite vous montre les locaux du studio. Ne pas le faire n’est pas forcément un mauvais signe, certains studios n’étant pas très chauds de laisser leur jeu en développement à la portée du premier coup d’oeil discret. En tout cas, si vous faites le tour du propriétaire, restez à l’affut des détails : âge des employés (Si le studio est composé uniquement de personnes très jeunes, cela peut être une usine à stagiaires), propreté et organisation des bureaux, ambiance générale… Ce sont des éléments très subjectifs mais qui permettent parfois de déceler les soucis de la compagnie ou simplement de savoir si vous vous y plairez.

 

  • Rémunération et convention : Même si c’est un stage, vous devez parler de la rémunération si l’employeur ne l’a pas fait. Si c’est une boite française, faites lui dire oralement qu’il respectera “au moins” la loi ; c’est-à-dire une rémunération de 3.6 euros par heure si le stage dure plus de 2 mois (environ 554 euros). Même si vous êtes en “apprentissage”, vous produirez quand même du contenu qui mérite salaire. Aussi, renseignez-vous sur votre convention de stage, celle-ci devant définir exactement cette gratification ainsi que tous les points importants de votre séjour professionnel, dont notamment l’objectif pédagogique du stage (car cela reste un stage et pas un remplacement d’employé) donc votre rôle dans la structure et ce sur quoi vous serez évalué à la fin. Demandez des détails au responsable de votre formation (notamment le système d’assurance mis en place) et n’hésitez pas à poser des questions durant l’entretien si vous avez des doutes ou que des points ne sont pas abordés (durée, avantages comme pour le remboursement du transport etc).

 

Au pire des cas…

Il se peut malheureusement que malgré tout ça, votre employeur n’est qu’un fieffé menteur doublé d’un ego-maniaque qui vous joue des tours et vous menace de flinguer votre image dans l’industrie et votre évaluation de stage, vous barrant ainsi l’accès à votre diplôme. Dans ce cas, respirez un grand coup et gardez les conseils suivants à l’esprit :

 

  • Don’t panic ! : Un mauvais stage est rarement la fin d’une carrière dans l’industrie. Si la personne va jusqu’à vous menacer, dites-vous bien que c’est parce qu’elle est elle-même en danger (par la Loi par exemple) et que son image est surement déjà mise en doute par d’autres travailleurs de l’industrie.

 

  • Ne laissez rien passer : Il est facile de céder sous la pression quand on débute, surtout quand son diplôme est en jeu. Cependant, ne pas se laisser faire sur des choses que l’on sait immorales voir illégales, c’est aussi se respecter et respecter les autres travailleurs. Bon par contre, rangez moi ce drapeau de la CGT et ces merguez, pas besoin de faire un piquet ici. Faites juste attention aux décisions hâtives, quand votre employeur vous demande de signer certains papiers sans vous laisser le temps de la réflexion par exemple. Comme tout travailleur, vous devez avoir le temps de prendre votre décision et respecter ce droit, c’est aussi faire preuve de professionnalisme en ne prenant rien à la légère.
"Aller ! Signe ! Aaaiiieee cccooonnffffiiiaaaannnnccceeeeee !!"

« Aller ! Signe ! Aaaiiieee cccooonnffffiiiaaaannnnccceeeeee !! »

  • Contactez votre école : Si vous avez un doute quant à une action de votre employeur ou sur votre convention, contactez les. Si le stage devient un cauchemar sans nom, contactez les aussi. Je sais qu’il est parfois dur de s’imaginer prendre le téléphone et se plaindre de son stage à la formation qui doit vous fournir le diplôme à la fin de celui-ci, mais si vous êtes dans une bonne formation, ils vous écouteront et vous aideront à trouver des solutions.

 

  • Objection !! : Sachez qu’en France, dans les cas extrêmes il est toujours possible de faire appel à la Loi directement : Soit par un juge civil si vous voulez cesser le stage (et que votre formation vous l’interdit) ou alors par les prud’hommes si vous jugez que votre travail comporte les mêmes obligations qu’un salarié et que vous désirez être reclassé comme tel. Cette dernière procédure est rare et la première n’est à faire qu’en cas de dernier recours, mais si vous vivez un vrai cauchemar cela peut être votre salut.

 

  • Don’t panic !! Vous n’êtes pas seul : Des gens qui ont eu des mauvais stages et ne se sont pas laissés faire, il y en a… Et ils ne sont pas à la rue pour autant. Travailler dans cette industrie est un challenge mais les personnes intelligentes savent aussi qu’il faut savoir se respecter et respecter ses collègues. Donc, ne paniquez pas, des gens travaillant à différents postes dans cette industrie et ayant eu des expériences de stages épouvantables il y en a et ils pourront vous comprendre.

 

Passion VS professionnalisme

J’ai un dernier conseil à vous donner : sachez faire la différence entre passion et travail.

Bien sûr, on ne travaille pas dans ce secteur par hasard (ou pour l’argent…AHAHAHAHAHAHAH, l’argent…), mais l’argument “passion” est encore trop mis en avant pour faire accepter des pratiques douteuses.

Toutes les tâches et les projets ne vous plairont pas forcément, parfois malheureusement le résultat final ne sera pas à votre goût et la majorité du temps vous travaillerez sur le jeu de quelqu’un d’autre. Attention, ne croyez pas à l’inverse que travailler dans le milieu est une torture. Que ce soit par certains défis ou par les moments de création partagés avec l’équipe, cela vaut le coup d’être vécu si vous êtes passionné. Cependant, gardez à l’esprit que c’est plus votre professionnalisme, et donc, votre désir du travail bien fait qui doit être attendu plutôt qu’une passion aveugle qui vous ferait prendre de mauvaises décisions.

Par contre si c’est le projet de vos rêves, oubliez ce que je viens de dire et foncez.

"Et maintenant tu léves les bras...avec passion s'il te plait."

« Et maintenant tu lèves les bras…avec passion s’il te plait. »

Bref, j’ai fait un stage

 J’espère que ces conseils vous auront été utiles et que dans tous les cas, vous retirerez une bonne expérience de votre stage.

Gardez un oeil sur les activités du gouvernement français mais surtout du SNJV (Syndicat National du Jeu Vidéo) car l’affaire Bloomylight semble avoir fait l’effet d’un électrochoc et plusieurs actions seraient en préparation.

En attendant créez bien, jouez bien et surtout portez vous bien.

Bon ça suffit les stagiaires la séance photo est fini, retour au taf !!

Bon ça suffit les stagiaires ! La séance photo est finie, retour au taf !!

Réactions

  • QuantumV le 03/06/2016

    Un autre conseil à utiliser durant votre recherche qui m’a été tendrement soufflé à l’oreille par Monsieur Urbain est de regarder les projets précédents du studio que vous visé. En effet, si celui-ci est composé d’une petite équipe (genre 5 personnes) mais qui jongle entre différent types de projets (web design / application mobile / développement de jeux, la PME 3 en 1 !!) afin de subsister cela peut être un signe de dysfonctionnement car avec si peu d’effectif il est dur d’imaginer qu’un studio puisse apporter le même soin à tant de projets et de processus de création différents.

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