
Life is strange : minuit moins une avant l’apocalypse
Une semaine dans la vie d’une adolescente. Une semaine pas banale qui conduit Max Caulfield à explorer le cœur de ses amis/ennemis et la noirceur du monde. Une semaine comme un condensé de vie, étrange et captivant.
La série d’aventure à épisodes Life is strange s’apprête à dévoiler son dernier chapitre et rien ne peut plus lui arriver. C’est sans crainte que nous attendons son dénouement. En quatre livraisons, elle a apporté tout ce qu’on attendait d’elle et n’a rien oublié en chemin : ni le thème de l’adolescence, ni son utilisation de la mécanique de jeu, ni la possibilité de modifier ses choix.
Le vécu de l’adolescence
L’adolescence est une période de révolte qui pousse à tout remettre en question et à ne se satisfaire d’aucune réponse. Un vrai cadeau pour le jeu d’aventure, qui invite à épuiser toutes les interrogations dans les dialogues. Le joueur veut tout savoir, fouiner partout et remettre de l’ordre là où il n’y en a pas. Mais l’adolescence, c’est aussi l’ennui. La lassitude du temps qui ne passe pas et du temps perdu à ne rien faire. Cette sensation nettement plus périlleuse à reproduire dans un jeu vidéo, le studio français Dontnod l’exploite à la perfection.
Life is strange comprend ainsi des moments de glande typique de cet âge. Parfois, il laisse même le joueur tout à son oisiveté, sans interférer. Ce genre de scène où la caméra se balade admirablement dans une pièce, pendant que le jeu quitte cette pièce en vous écrivant un message « Appuyer sur A pour se lever ». La première fois, on attend un moment en craignant de rater quelque chose. Les fois suivantes, on sait qu’il ne se passera rien et on attend quand même. Les plans superbes se succèdent alors et c’est en soupirant qu’on finit par se lever. Si ça ce n’est pas l’adolescence, qu’est-ce que c’est ?
Le jeu au cœur de l’aventure
La trame scénaristique est certes noire, mais elle s’écarte souvent. L’atmosphère peut ainsi s’alléger par moments pour permettre à l’aspect ludique de s’exprimer. Comme dans cette scène sur la banquette d’un diner où Max veut prouver son pouvoir à sa copine punk Chloe en prédisant les événements qui vont se dérouler dans les prochaines secondes. Si vous l’ignorez encore, le pouvoir de Max lui permet de remonter le temps de quelques minutes. Juste le temps de voir un client renverser sa tasse et le juke-box dérailler, pour le raconter ensuite à une Chloe médusée mais toujours d’attaque. Tout cela, Life is strange aurait pu le mettre en scène lui-même sans faire intervenir le joueur. Merci de penser à celui qui tient sa souris ou son pad !
Depuis le début de l’histoire, une disparition inquiétante hante les protagonistes. L’essentiel du boulot du joueur consiste à chercher des indices et à les interpréter. En chipotant adroitement avec le temps, Max et Chloe s’introduisent ainsi dans des lieux interdits et grisants pour un ado, comme le bureau du proviseur ou une piscine la nuit ! Ces actions nous amènent sur le terrain d’un autre type de jeu : le survival. D’autant plus qu’avec sa qualité graphique exceptionnelle et sa représentation à la troisième personne, Life is strange tient la comparaison avec un survival traditionnel. Quel contraste entre la luminosité éblouissante de la journée et les sombres environnements de fin d’épisode 4 ! Avec tout ce qu’on a vu dans le jeu vidéo ou le cinéma, je vous assure que la sauvagerie latente d’une soirée estudiantine met mal à l’aise davantage qu’un monstre à trois têtes.
Et si c’était à refaire
Il y aura un moment de l’histoire où vous vous direz (à la place de Max) : « Argh, j’ai merdé, je n’aurais jamais dû essayer de changer les choses. » Ce moment est, comme toujours, remarquablement mis en scène et frappe juste. Il intervient en effet à un stade où le joueur s’est forcément attaché aux personnages. Sans en prévoir les conséquences à long terme, nous avons changé le cours du temps et… nous avons bien foiré. Mais pour comprendre à quel point notre futur alternatif sent des chaussettes, nous devons déjà avoir connu l’avenir « normal » et comparer en connaissance de cause. De toute évidence, Life is strange ne s’adresse plus à l’adolescent ancré dans le présent, mais à l’adulte qui a du recul.
L’héroïne que l’on incarne n’est pas la plus rebelle de la bande. Max a plutôt un regard distancié sur son entourage et se montre indulgente voire parfois trop compréhensive pour son âge. Allez me trouver une adolescente coulée dans ce moule ! Or, les autres personnages jouent à fond leur rôle d’adolescent. Ils s’étonnent du caractère posé de Max et l’érigent même au rang de super-héroïne (par exemple, en l’appelant Super-Max ou Bat-Max). En fait, Max n’est pas une ado, c’est une adulte ; elle dit elle-même avoir l’impression d’avoir vieilli en une semaine. Et le joueur qui l’incarne est, de préférence, un adulte lui aussi. Un adulte qui regrette peut-être une foule de mauvais choix dans sa vie, sans mesurer les effets que pourrait avoir un changement dans un seul événement de son passé.
Peu importent les choix posés, c’est bientôt l’apocalypse dans Life is strange. Et ça ne rigole pas. Si les débuts passés sur ce campus ensoleillé pouvaient sembler faussement dramatiques, la suite ne laisse plus aucun doute. Le ton se fait grave et les enjeux fondamentaux. On craint pour l’avenir des personnages, de plus en plus touchants pour la plupart. Dontnod a leur destin en main, attendons-nous déjà à un final explosif.
Note
17/20
Life is strange n’a plus qu’à conclure son histoire pour devenir un grand jeu d’aventure. Son thème, sa mécanique de jeu, ses choix modifiables et sa qualité technique lui donnent un caractère bien à lui. Un modèle pour les futures productions du genre ?
Franqui le 11/09/2015
Ce jeu me tente trop !!!
J’attends juste qu’il nous sortent une version boite avec tous les épisodes …
Matérialiste Powaaa