Vis ma vie de gamer daltonien

Vis ma vie de gamer daltonien

Loin de moi l’envie de vous raconter ma vie, mais je suis « victime » d’un handicap depuis mon plus jeune âge. Un handicap qui s’est révélé durant l’école maternelle, quand notre institutrice nous apprenait les différentes couleurs : j’avais beau chercher, je ne comprenais pas pourquoi on me présentait plusieurs fois la même couleur tout en m’affirmant à chaque fois qu’il s’agissait d’une tout autre pigmentation; ainsi le rouge pouvait très bien s’appeler aussi orange ou vert selon l’humeur des gens, le tout sans changer de couleur ! Et j’étais le seul à trouver ça bizarre ? Il s’avère en vérité que je suis daltonien. Pour vous présenter brièvement cette « maladie », une personne atteinte de daltonisme ne perçoit pas les couleurs comme la plupart des gens et ce à cause d’une déficience des cônes de la rétine oculaire, des cônes justement responsables de la perception des couleurs. On a souvent tendance à résumer le daltonisme par une incapacité à distinguer le vert du rouge mais de nombreux degrés de daltonisme existent, rendant de nombreuses couleurs absentes du spectre de vision des personnes atteintes.

Ce handicap léger est facilement surmontable dans la vie de tous les jours. Prenons par exemple un classique feu de signalisation : en l’absence de perception correcte des couleurs, il est très simple de se fier aux différentes positions du feu pour savoir quand marquer l’arrêt et quand reprendre sa route. Mais qu’en est-il au sein de notre passion ? Vous allez le découvrir !

puzzle bobble

Imaginons que vous vous lanciez dans une partie de Puzzle Bobble, le classique du puzzle game développé par Taito. Pour rappel, Puzzle Bobble (ou Bust A Move en version US) vous fait incarner de petits personnages tirés d’un précédent titre de Taito, les petits dinosaures de Bubble Bobble, eux-mêmes aux commandes d’un canon à billes. A l’écran, tout un amas de boules de différentes couleurs, et le but du jeu est de détruire l’amas avant qu’il ne touche le bas de l’écran en tirant des boules pour regrouper celles d’une même couleur afin de les faire disparaitre, dans une espèce de Tetris inversé bien sympathique. Complètement pris au jeu, vous vous appliquez à disposer vos billes pour anticiper de gros combos et ainsi compléter efficacement le tableau; et cet amas de boules bleues vous tend les bras. Vous surveillez bien l’approvisionnement en billes de votre canon jusqu’à obtenir enfin la fameuse clé de la victoire, cette bille bleue tant attendue. Là, vous prenez le temps de bien viser et envoyez, sûr de vous, la boule dans l’emplacement que vous lui réserviez depuis plusieurs longues secondes. Alors que vous vous attendiez à voir un bon paquet de billes disparaitre en faisant monter indécemment votre score, c’est la douche froide : vous constatez que malgré ce coup finement placé, rien ne se passe, et pour cause ! La « boule bleue » que vous attendiez tant s’avère en vérité être une boule mauve ; et voici votre partie en bien mauvaise posture. C’est bien là le principal problème des puzzle games basés sur les couleurs : ils utilisent souvent des tons qui, s’ils paraissent anodins pour la majorité des joueurs, tendent à se confondre une fois perçus par un daltonien et ce encore plus facilement quand il s’agit de couleurs relativement proches l’une de l’autre : le bleu et le mauve, le vert et le jaune, le rouge et le rose… sont tout autant de nuances bien souvent impossibles à percevoir pour un joueur atteint de daltonisme, rendant des titres comme Columns, Puyo Puyo ou encore Super Puzzle Fighter complètement injouables.

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De même, de nombreux jeux d’aventure proposent des énigmes reposant elles aussi sur les couleurs. Je pense que personne n’aura oublié les fameux allers-retours propres aux Resident Evil (entre autres), trimballant le joueur de part et d’autre des bâtiments afin de récolter des clés de diverses couleurs systématiquement liées aux serrures assorties : je vous laisse imaginer la frustration du joueur daltonien pensant avoir enfin retrouvé la clé lui permettant d’ouvrir la serrure rouge qui l’empêchait d’avancer face au message d’erreur le ramenant à la réalité de son handicap. Plus récemment, je repense à une séquence d’Uncharted 2, quand Nathan Drake doit déposer une série d’artéfacts sur plusieurs socles de différentes couleurs afin de révéler l’accès à la cité perdue de Shambhala. Après plusieurs tentatives pour résoudre l’énigme en me fiant bien aux explications reprises dans le carnet de Drake; j’ai fini pour ma part à me résigner à me faire aider par un proche, qui n’aura pas manqué de repérer directement le problème : en effet, j’inversais systématiquement deux socles car à mes yeux leurs deux couleurs n’en font qu’une.

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Enfin, penchons nous sur l’une des séries phares de Nintendo, les Mario Kart. Tout le monde a déjà joué au moins une partie sur l’un des épisodes de cette déclinaison en jeu de course de l’univers de Super Mario, il est donc inutile de rappeler que les différents protagonistes n’hésitent pas à se lancer divers objets à la figure pour pimenter les affrontements. Par contre, vous aurez sûrement déjà remarqué que l’arme la plus emblématique de ces courses de karts un peu particulières, la carapace, est déclinée en plusieurs versions de plus en plus redoutables : la carapace verte, la plus basique du lot, part droit devant le kart du joueur une fois tirée ; la carapace rouge, dite à tête chercheuse, se met quand à elle automatiquement à la recherche du concurrent le plus proche ; et enfin la carapace bleue, assurément la plus redoutable des trois, démarre en trombe afin de rattraper le pilote en tête de course pour le frapper de sa pleine puissance, et tant pis pour les pauvres bougres se trouvant sur sa trajectoire ! Des carapaces bleues, rouges et vertes. Bleues, rouges et vertes. Rouges et vertes… Est-il donc bien nécessaire de vous faire un dessin (en couleur, bien sûr) ? Si la couleur de la carapace bleue tranche assez radicalement avec la couleur des deux autres que pour la distinguer, le joueur daltonien peinera par contre à différencier une carapace à tête chercheuse d’une carapace basique une fois l’objet récupéré. J’ai pour ma part appris à tirer parti de ce handicap pour améliorer mes tirs en pleine course : ne sachant effectivement pas dire si ma carapace verrouillera d’elle-même mes adversaires, je m’applique systématiquement à viser le plus précisément possible ma future victime, et tant mieux si je vois la trajectoire de mon tir se corriger automatiquement. Malgré ce temps d’adaptation, je reconnais volontiers n’avoir pas trop compris lors de mes premiers pas sur un Mario Kart pourquoi un « même » objet pouvait adopter deux comportements tellement différents selon les circonstances.

Alors bien évidemment, à l’heure actuelle, il arrive que les développeurs pensent aux daltoniens en rajoutant une option leur étant tout particulièrement dédiée dans les menus de leurs jeux. Je pense notamment à la saga Borderlands qui propose des couleurs alternatives afin de mieux représenter le degré de rareté des armes récupérées par le joueur victime de daltonisme ; ou encore aux Killzone qui permettent quant à eux de changer la couleur du réticule de visée selon que le joueur cible un allié ou un ennemi ; pratique car de trop nombreux TPS et FPS identifient le camp de la cible en rouge pour ennemi et vert pour ami ; mais ces initiatives sont hélas peu nombreuses pour le moment.

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Pratiqueriez-vous encore le jeu vidéo avec la même passion si ces quelques exemples faisaient partie de votre quotidien ? Vous imaginiez-vous qu’il était possible de vivre de telles situations sur base d’un simple souci de perception des couleurs au coeur d’un jeu ? Ou bien encore vous êtes vous aussi un gamer daltonien et avez quelques anecdotes sur le sujet à partager avec nous ? N’hésitez pas, la section des commentaires n’attend que vous !

Réactions

  • Johnny Ofthedead le 12/02/2015

    Je comprends pourquoi tu es aussi aigri maintenant :p

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  • Gatchan77 le 12/02/2015

    Au football tu supportes les diables verts ?

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    • Mass le 12/02/2015

      Ahahaha ! Je déteste le football, j’ai méchamment subi la présence de l’équipe nationale en coupe du monde d’ailleurs, heureusement que tout ça est fini :p

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      • Aerticum le 12/02/2015

        Ca recommence dans 1 an ! 😀

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  • Cyborg Jeff le 13/02/2015

    Sans être daltonien, je peux un peu comprendre tes frustrations. Etant gamin, mon Commodore tournait sur un écran en nuance de vert… et tous les jeux qui impliquait de retrouver des couleurs, d’associer des éléments de couleurs devenaient des missions aléatoires : (

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  • meduz' le 14/02/2015

    Merci pour cet article intéressant. Vais le relayer sur @nintendojofr. 🙂

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    • Mass le 15/02/2015

      Merci à toi pour ton feedback et le partage, c’est cool 🙂

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