Resident Evil 4 Remake
Après Metroid Prime, un nouveau monument de la Nintendo Gamecube est remis au goût du jour : Resident Evil 4.
L’épisode du renouveau
Pour vous remémorer le niveau d’excitation suscité par Resident Evil 4, il suffit d’explorer les archives de votre forum préféré de l’époque. J’ai moi-même fait cet exercice en visitant l’espace de discussion de Grospixels, où j’ai perçu a posteriori un grand enthousiasme mais aussi des inquiétudes concernant le changement de perspective visuelle. D’après les premières images promotionnelles, Capcom avait abandonné les mythiques plans fixes de sa série de survival horror, quelle audace ! quelle hérésie ! Quelques pages de forum plus tard, le jeu est sorti et sa vue objective par-dessus l’épaule n’effraie plus personne. Avec son action intense, souple, variée et très libre, Resident Evil 4 révolutionne la vue à la troisième personne en 2005, comme le feront plus tard les Gears of War et autres Vanquish avec leur mécanique de couverture. La console de Nintendo franchit au passage une nouvelle étape graphique, et il faut presque se pincer pour croire que Capcom a bel et bien atteint le niveau visuel promis dans la bande-annonce suivante.
Moins d’un an plus tard, Resident Evil 4 perd son statut d’exclusivité sur Gamecube et commence sa litanie de portages. Depuis la version PS2, un long chemin a été parcouru, notamment pour adapter l’affichage aux résolutions de nos téléviseurs actuels. La question à 60-70 euros est donc de savoir s’il était bien nécessaire de rénover encore ce jalon du survival horror.
Le remake anti-rides
Véritable phénomène à sa sortie, Resident Evil 4 a inscrit son nom dans la liste des expériences les plus marquantes d’un grand nombre de joueurs. Son approche avant-gardiste lui a même valu de vieillir sans faire son âge. Néanmoins, déjà à l’époque, Capcom a essuyé quelques critiques sur la relative lourdeur du système ; non pas que ce fut une surprise compte tenu du pedigree de la série…
Cette pesanteur déjà raillée en 2005 est devenue inacceptable en 2023, l’excuse de l’âge ne tenant plus lorsqu’il s’agit de payer le prix d’un jeu neuf. L’éditeur japonais ne pouvait pas se permettre de laisser sa légende dans sa rigidité d’antan et il a retroussé ses manches. Tout d’abord, en assouplissant la maniabilité du héros et ses mouvements de « tank » ; se déplacer en tirant, c’est désormais possible ! Le champ de vision s’élargit aussi, grâce à une caméra qui n’est plus limitée dans son contrôle. La croix directionnelle permet également de changer d’arme à la volée, sans devoir repasser chaque fois par le menu et interrompre ainsi l’action. Pour améliorer encore la fluidité des opérations, le ramassage des objets ne met plus le jeu en pause et les quelques chargements entre les zones ont disparu. Tout a été fait pour maintenir la tension et le rythme.
En 2005, Resident Evil 4 suivait une mode qui n’en était déjà plus une, celle des « QTE », ces interactions rétrogrades consistant à appuyer sur le bon bouton au moment où l’indication s’affiche à l’écran, parfois même en pleine cinématique ! Ces QTE, plus personne n’en voulait déjà il y a 18 ans, et Capcom a eu bien raison de les enlever quasi totalement du remake. Jetées avec l’eau du bain des QTE, certaines scènes ont volé à la poubelle, mais leur perte n’a rien de dramatique. En contrepartie, l’amateur d’infiltration sera heureux de découvrir la nouvelle possibilité de s’accroupir et d’éliminer ses ennemis avec discrétion en leur ouvrant la nuque au couteau. Cette arme tranchante prend aussi plus d’importance en offrant une capacité de contre, très utile quand elle est bien maîtrisée. Néanmoins, à force de vous servir de votre couteau, vous finirez par le casser et devrez débourser quelques pesetas pour le faire réparer chez le marchand.
De vieilles connaissances à redécouvrir
Le marchand de Resident Evil 4 est devenu une icône du jeu vidéo. Son allure et ses répliques sont entrées dans la mémoire collective des joueurs. À tel point que choisir le doublage en français, excellent au demeurant, nous ferait presque regretter les célèbres « Welcome » et « What are you buying ». Toujours aussi énigmatique quelle que soit la langue dans laquelle il s’exprime, le marchand est l’homme providentiel qui vous vend notamment des armes et les améliore en échange de votre agent ou des trésors que vous aurez trouvés en chemin. Après vos emplettes, profitez-en pour enregistrer votre progression sur l’incontournable machine à écrire et ce, même si les points de sauvegarde automatique sont plus nombreux qu’avant.
Capcom a apporté quelques changements à l’histoire, sans toutefois bouleverser son déroulement. Il s’agit toujours de suivre la mission de Leon Kennedy, envoyé dans un village espagnol pour sauver Ashley Graham, la fille du président des États-Unis. Ashley qui, précisons-le, a bénéficié d’un traitement plus respectable. Même si elle reste en grande partie une princesse sans défense, les concepteurs du remake ont nettement atténué sa sexualisation. Il faut se rappeler d’où on vient : en 2005, Leon (ou plutôt le joueur n’est-ce pas) pouvait regarder sous la jupe d’Ashley quand elle montait à une échelle ; « pervert » lui lançait-elle alors à juste titre. La suppression de cette salacité, c’est déjà ça de pris pour l’image de la femme dans le jeu vidéo, bien qu’il reste encore une marge énorme pour rendre le personnage d’Ashley plus fort et moins dépendant du sauveur masculin.
L’intensité avant la beauté
La donne était claire pour les remakes des épisodes 2 et 3 de la série de survival horror : la nouvelle perspective de caméra par-dessus l’épaule chamboule toute la représentation visuelle. Or, c’est précisément Resident Evil 4 qui a introduit cette vue TPS caractéristique. Capcom aurait sans doute pu passer à la vue FPS des 7e et 8e volets – un mode en réalité virtuelle est d’ailleurs annoncé –, mais il a préféré rester plus proche de la version originale. À cet égard, le remake de Resident Evil 4 est similaire à celui du tout premier épisode (surnommé « Resident Evil Rebirth ») qui était sorti en 2002 sur Gamecube. Ces deux remakes partagent la même volonté de rester fidèles au matériau de base tout en améliorant grandement la qualité visuelle. Ainsi, le « nouveau » Resident Evil 4 nourri au moteur RE Engine semble reproduire le jeu original dans un écrin digne des normes actuelles. Que vous optiez pour les modes d’affichage « Performance » ou « Résolution », votre séjour en Espagne infectée sera plus beau que jamais. Outre de meilleurs effets de lumière et des graphismes plus fins, ça va sans dire, attendez-vous aussi à des arrière-plans somptueux à l’extérieur, à des décors intérieurs plus réalistes et même à des segments rallongés à bon escient. Néanmoins, le jeu n’incite pas à se poser pour admirer le paysage, parce qu’il mise tout sur une action trépidante.
Resident Evil 4 mouture 2023 est un jeu sous tension constante. Hormis quelques énigmes vite expédiées, l’action ne retombe jamais durant une vingtaine d’heures. Et le tour de force réside dans le fait que cette intensité n’est jamais lassante ou fatigante ; les combats s’enchaînent avec un plaisir inépuisable. Les affrontements ne paraissent pas redondants grâce à la variété des situations et, surtout, ils n’ont jamais l’air d’une pièce rapportée : les combats sont au centre du jeu et prennent toute la place. Rien ne se met en travers de l’action et certainement pas le réalisme. Si vous êtes à court de munitions en pleine bataille épique, il n’y a aucun problème à aller ouvrir votre inventaire pour fabriquer des balles. Idem pour faire vos mélanges d’herbes médicinales à un moment crucial. En ce sens, Resident Evil 4 est un jeu vidéo qui ne se prend pas pour autre chose. Du départ dans le village enragé à l’arrivée en apothéose balistique, ce remake ne dévie pas de sa trajectoire et maintient une pression exaltante.
Note
17/20
Reproduire le choc conceptuel et graphique du Resident Evil 4 original était une mission impossible. Capcom s’est donc (simplement) attelé à réaliser le meilleur remake possible, et le résultat est remarquable ! Toutes les lourdeurs de 2005 ont été assouplies pour procurer une intensité d’action exceptionnelle. La modernisation visuelle est très réussie, mais Resident Evil 4 n’a pas vocation à être un jeu contemplatif : la tension permanente est l’objectif recherché par les développeurs. Les fans de la première heure retrouveront leurs repères et apprécieront sans doute les améliorations considérables qui ont été apportées à des bases toujours aussi solides. Et pour celles et ceux qui découvriraient cette œuvre aujourd’hui, la version de 2023 est le meilleur choix parmi toutes les versions disponibles.
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