Quantum Break – Max Fringe
Les crédits d’un jeu peuvent parfois en dire long sur les intentions. Ceux de Quantum Break font défiler les noms des acteurs filmés et modélisés avant de révéler l’identité du directeur créatif : Sam Lake. Tout est dit sur un fond de musique rock chère au studio Remedy.
Sam Lake, c’est le créateur et le visage de Max Payne. Une vraie star, comme le jeu vidéo en fait peu finalement. Et si vous n’avez pas joué aux deux premiers Max « bullet-time » Payne, vous avez peut-être, sans le savoir, admiré le boulot du gars et de son équipe dans Alan Wake – une exclu Xbox (et PC) comme Quantum Break justement.
À l’instar d’Alan Wake sur Xbox 360, Quantum Break a été annoncé dès les débuts de la Xbox One. Et à l’image d’Alan Wake encore, la dernière œuvre de Remedy aura traîné… traîné jusqu’à éveiller des doutes sur la sérénité de son développement. À l’arrivée, heureusement, Alan Wake aura été un formidable jeu d’action narrative. Exactement ce que Quantum Break veut devenir, et même plus tendance über-AAA.
Chez Remedy, on aime bien faire des TPS mettant l’accent sur les fusillades. Quantum Break s’inscrit dans cette tradition : votre personnage s’exhibe en vue objective et maîtrise les armes à feu à la perfection. Après l’écrivain un peu gauche d’Alan Wake, Remedy revient ici à un as de la gâchette plus proche de Max Payne. Certes, le propos de Quantum Break convient mieux à un héros surpuissant et bien dans sa peau. La profondeur et la fragilité d’Alan Wake s’effacent devant l’efficacité et le dans-ta-face de Quantum Break.
Très vite, on apprend que l’histoire de Quantum Break tourne autour des voyages dans le temps. Non pas dans le style burlesque de Retour vers le futur, mais plutôt dans le ton sérieux-cool et improbable d’une science-fiction de type Fringe. Le héros masculin de la série Fringe (Pacey dans Dawson) est repris quasiment tel quel : une gueule jeune et lisse, un passé trouble de pistolero et parent d’un grand scientifique. Le savant fou loufoque de père cède ici la place au génie excentrique de frère, les deux ayant aussi en commun d’avoir créé une invention qui changera/détruira le monde (les univers parallèles pour l’un, les voyages temporels pour l’autre). Enfin, l’excellente agente Dunham a son double en brune (et en moins enivrante). Ah et n’oublions pas que Lance Reddick, l’acteur qui interprète le supérieur d’Olivia Dunham dans la série de J. J. Abrams, est aussi au casting de Quantum Break.
Que Quantum Break présente des similitudes avec une série télé, et Fringe en particulier, découle directement de sa structure originale. Les cinq actes du jeu sont ainsi séparés par des séquences cinématiques inhabituellement longues. De vrais épisodes de série télé en définitive, filmés comme tels, interprétés par des acteurs renommés (le « Littlefinger » de Game of Thrones, par exemple) et construits comme un thriller télévisuel. Pendant une trentaine de minutes, vous pouvez donc poser la manette et regarder les personnages faire leur popote tous seuls. Cette sophistication de la cinématique est inédite, et le résultat atteint le niveau d’une série télé de qualité moyenne – comprenez que c’est regardable mais pas démentiel non plus. Pour être bien concret, il n’est pas impossible de somnoler pendant ces séquences filmées, ce qui serait arrivé (deux fois !) au mec écrivant le texte que vous êtes en train de lire… Mais allez, hop hop hop on se réveille, il faut jouer maintenant !
Donc vous voyez Max Payne ? Ce mec qui tire sur les vilains en profitant d’une compétence bien pratique : ralentir le temps pour aligner les ennemis à la Matrix. Et bien, Quantum Break fait un peu pareil, avec un poil plus de couverture. Alors que Max Payne mise tout sur la prise de risque et l’attaque, Quantum Break vous permet de souffler un peu derrière des éléments souvent destructibles. L’équilibre est donc trouvé : le héros peut à la fois prendre des risques sans être puni à chaque essai et s’autoriser des pauses d’observation tant que son petit abri tient debout. Sans surprise, la vie du héros se régénère aussi automatiquement lorsqu’il se met à couvert. Est-ce mieux ou moins bien que les antalgiques de Max Payne ? Ca se discute comme toujours.
L’essentiel est dans le rythme soutenu des affrontements. Les combats sont (assez) tendus, (assez) dynamiques et (assez souvent) réjouissants. Outre ses pétoires, le héros Jack Joyce peut compter sur des pouvoirs surnaturels acquis au début de l’aventure et développés au fur et à mesure. Il est capable notamment d’emprisonner un ennemi dans une bulle temporelle, de créer un bouclier temporel aussi puissant qu’éphémère, de créer une explosion temporelle et surtout d’effectuer des sprints temporels avec enchaînement au ralenti. Bref, tout est dans le temporel et quand même assez bien dans le mouvement. Si vous restez au chaud derrière une plaque de fer, les ennemis vont vous balancer adroitement des grenades ou carrément venir vous chercher par les côtés. Comme les arènes de combat sont vastes et généralement sur plusieurs niveaux, vous ne vous en sortirez pas si vous ne prenez pas l’initiative, c’est vous le boss merde ! Prenez donc des risques, c’est plus efficace, plus classe et finalement pas si dangereux que ça grâce à la possibilité d’esquive-sprint qui se recharge en moins de deux. Enfin, faites gaffe quand même aux ennemis aussi doués que vous en manipulation temporelle, ça peut faire mal. Même trop mal d’ailleurs, le dernier acte en devenant même pénible avec tous ces ennemis costauds.
Les pouvoirs spéciaux sont déjà puissants de base, mais ils deviennent presque jouissifs après quelques améliorations. Pour rendre l’expérience plus personnelle, c’est vous qui sélectionnez les bonus et qui les « payez » avec des points de compétence trouvés à peine en dehors du chemin balisé. Si vous voyez un escalier qui s’éloigne de la direction marquée en lettres capitales « C’EST PAR ICI LA SUITE », le point de compétence est en bas des marches, garanti ! Pour le reste, Quantum Break est très linéaire, même si les environnements ne ressemblent pas à des couloirs. Et parfois, le chemin n’existera même pas… du moins dans cette dimension temporelle, TA-DA-DAAAAA !
Quand Jack Joyce en a marre d’utiliser ses capacités pour buter des gens, il les exploite plus pacifiquement. En se concentrant sur certains objets ou pans entiers de l’environnement, il peut ainsi les rétablir dans une version antérieure. Une planche en hauteur s’est décrochée à votre passage, vous pouvez la replacer temporairement en rembobinant sa chronologie. Certes, ce phénomène est souvent bateau, mais il procure des phases de plateformes plutôt distrayantes si vous n’êtes pas trop regardant.
Comme Jack Joyce et ses ennemis n’arrêtent pas de tripoter la chronologie, la nature se venge et crée des paradoxes temporels. Et là, soyons clairs, ça arrache visuellement ! Remedy s’est fait plaisir en multipliant les effets d’un univers partant en tirelipimpon sur le chihuahua. Le décor s’étire et se fissure jusqu’à déconner complètement pour vous signifier la fin de l’aventure. L’impression de voir derrière le code du jeu est saisissante et inédite à ce niveau. Au-delà de ces charmants effets, la réussite graphique est indéniable globalement. Même si certaines zones ne sont pas fofolles à visiter (un labo, des hangars, bof quoi), leur réalisme est toujours de haut niveau. Enfin, les expressions des visages sont prodigieuses, on s’y croit tellement que la transition est très souple vers les phases de série télé. Certes, on aurait préféré que le jeu tourne comme une horloge à 60 fps et ne souffre pas d’un flou étrange par moments, mais le bilan technique demeure impressionnant. Notez que nous avons testé le jeu sur la console de Microsoft et qu’il se murmure que la version PC n’est pas irréprochable malgré ses exigences démentielles en matière de config.
Quantum Break affiche fièrement son ADN de Remedy et fait référence à Max Payne et surtout Alan Wake dès qu’il le peut. Les écrans cathodiques et les radios renvoient directement à l’époque de Max Payne, et les clins d’œil à Alan Wake ne manquent pas (des affiches pour un concert « Tribute to the Old Gods of Asgard », un casting rigolo pour la série Night Springs, etc.). Et comme dans le précédent jeu boisé de Remedy, la lecture est très présente grâce aux boîtes e-mail ouvertes sur chaque ordinateur (sans doute un conseil d’Hillary Clinton). Tout est donc réuni pour intégrer Quantum Break dans l’univers Remedy, mais il n’arrive hélas pas au niveau de ses modèles. Alan Wake était plus convaincant que lui en termes de narration, et l’action de Max Payne 1 et 2 était plus trépidante. Or, il existe un jeu qui combinait parfaitement l’expertise de Remedy : Max Payne 3. Problème, ce Max Payne 3 porte la marque de Rockstar après le rachat de la licence à Remedy… ouch !
Note
14/20
Quantum Break est un bon jeu, distrayant, riche visuellement et original sur le plan de la narration. Hélas, sa production extrêmement ambitieuse sert un scénario (très) moyen qui entrave l’implication du joueur. Bref, vous ne serez pas volé sur la marchandise, mais vous ne ferez probablement pas un voyage dans le temps dans 20 ans pour rejouer à Quantum Break. Cela dit, profitez du moment présent : si vous recherchez de l’action très scénarisée et musclée techniquement pour votre Xbox One, Quantum Break devrait vous satisfaire.
Franqui le 10/05/2016
Le seul jeu pour l’instant qui me ferait craquer pour une ONE, c’est typiquement le style qui me plait ! en plus j’adore Shawn Ashmore que j’ai découvert dans « The Following »
Bon je pars économiser 😀
spacecowboy le 10/05/2016
Une console, ça se prête aussi 😉