Assassin’s Creed Origins

Assassin’s Creed Origins

Dire que la licence Assassin’s Creed a été pressée comme un citron est un euphémisme. Depuis le premier épisode paru en 2007, la série est revenue ponctuellement chaque année, à l’exception de 2016 « virtuellement parlant » (car s’il n’y a certes pas eu de nouvel épisode de la série, nos consoles ont eu droit à la Ezio Collection remasterisée tandis que le film Assassin’s Creed occupait le créneau annuel dans les salles obscures), et n’a pas manqué de s’essouffler.

C’est que non content de compter six titres « principaux », Ubisoft a également proposé des épisodes intermédiaires (Brotherhood et Revelations), des titres alternatifs (Rogue sur PS3 et X360 pour les joueurs n’ayant pas encore sauté le pas de la Next Gen et ne pouvant donc pas jouer à Unity), des déclinaisons portables inédites (Bloodline sur PSP et Liberation sur Vita) voire même des extensions devenues jeux à part entière (Freedom’s Cry), une trilogie d’épisodes en 2D façon Prince of Persia (la série Chronicles) et des adaptations sur téléphones et DS plus oubliables. Il y a de quoi s’y perdre, et fatalement à force d’occuper tous ces créneaux avec assiduité depuis maintenant dix ans, il était inévitable que la poule aux oeufs d’or doive se reposer, repenser et se ressourcer.

La décision s’imposait d’elle-même, et Ubisoft a eu la bienveillance de ralentir la cadence pour proposer Assassin’s Creed Origins. Retour dans le passé (il faut dire que Syndicate et dans une moindre mesure Unity perdaient énormément du charme de la saga au fur et à mesure que la saga avançait dans l’histoire), rafraîchissement des mécaniques de jeu, ouverture du monde, ce septième Assassin’s principal part sur le papier avec des arguments de poids.

Se déroulant en Égypte ancienne, Origins déroule une partition quasi sans faute. Les Assassin’s se sont toujours attelés à proposer des mondes ouverts cohérents et l’Égypte d’Ubisoft profite de son travail sans cesse amélioré dans le domaine pour envoûter le joueur dès ses premiers pas. Tombeaux, villages, dunes, oasis, grottes et autres villes constitueront avec brio le terrain de jeu, et dès le début la magie opère, ne nous donnant qu’une envie : explorer cet immense terrain de jeu s’offrant à nous.

Si la série a commencé en tant que jeu d’aventure, elle a toujours fonctionné sur des mécaniques proches du jeu de rôle dans l’évolution de notre personnage et de son équipement. Si Unity s’est essayé le premier à proposer un système de points d’expérience, Origins enfonce définitivement la porte du RPG en s’inspirant du travail de CD Project sur The Witcher III, et force est d’admettre que de telles mécaniques s’appliquent à la perfection au monde enivrant du jeu d’Ubisoft. Si je reconnais avoir apprécié explorer la mer des Caraïbes dans Black Flag, c’est ici la première fois qu’un Assassin’s Creed m’invite réellement à l’aventure et me pousse à explorer ses moindres confins. Inspiration Witcher oblige, le jeu propose de nombreuses quêtes secondaires bien  plus travaillées que par le passé.

Concrètement, dans les vieux AC, on suit la trame principale tout en croisant des activités secondaires assez répétitives : va là, tue ce mec-là, vole ce truc-ci… Et seules les missions participant à l’histoire du jeu bénéficient d’efforts de mise en scène ou de variété dans les objectifs. Ici, bien que l’on retrouve la formule magique qu’Ubisoft applique à tous ses titres en monde ouvert (campements ennemis à nettoyer, trésor à trouver, …), la plupart des quêtes secondaires auront une histoire à raconter et feront voir à Bayek – le héros du jeu – du pays tout en variant les situations et je vais illustrer cela avec un petit exemple : un vieux monsieur demande à Bayek de récupérer la dépouille de son ami, attaqué par des crocodiles. Après avoir pourfendu les reptiles et ramené le corps du pauvre bougre au chariot du vieil homme, notre héros est intrigué par les dires de la fille en pleurs du PNJ : ah si seulement son oncle était là rien de cela ne serait arrivé ! Après enquête, on se retrouve à s’infiltrer dans un campement ennemi pour libérer ledit oncle qui prendra les armes et nous demandera de venir l’aider à éliminer le gang semant la terreur dans son village. On alterne donc de la chasse, de l’exploration et infiltration puis enfin un combat intense pour le « simple » besoin d’une quête secondaire, et ça apporte pas mal de fraîcheur à la licence !

La dimension RPG du titre s’exprime aussi via la façon dont va évoluer Bayek. Au fil des niveaux remportés, notre personnage va disposer de points de compétences à répartir dans une feuille de personnage marquée de trois archétypes : Exploration, Combat Rapproché, Archerie. Le tour de force du jeu, c’est de proposer une véritable évolution du personnage dans l’affinement des compétences dont il disposait au début de l’aventure plutôt que d’obtenir artificiellement de nouvelles compétences au fil de sa progression, en plaçant d’entrée de jeu le talent du joueur au centre de l’équation. En plus de cette montée en niveau appréciable, il faudra également optimiser ses armes en lootant ou achetant de nouvelles pièces d’équipement et en les faisant évoluer soit chez un artisan, soit en utilisant soi-même les ressources récupérées sur le terrain (par exemple en chassant ou en trouvant des coffres, voire en recyclant une arme de niveau moins élevé). Il existe plusieurs types d’armes de corps à corps (épée classique, épée courbée, lance, masse, …) et d’arcs (normal, pouvant tirer plusieurs flèches en une attaque, disposant d’un zoom) et chaque arme dispose de ses propres caractéristiques et bonus tout en étant triée par rareté et qualité. Bayek dispose également d’un bouclier très utile au combat, et justement puisqu’on y est, parlons-en des combats !

Assurément la plus grande révolution apportée à la formule Assassin’s Creed, adieu les combats en QTE déguisés où les ennemis attendent bien sagement leur tour pour venir vous attaquer, on fait table rase du passé pour accueillir un tout nouveau système d’affrontement plus dynamique et plus exigeant. Sans pour autant parler de Dark-Soulisation du jeu vidéo, de peur d’atteindre le point Godwin vidéoludique, il faut bien reconnaître que les combats de Origins feront appel à de nombreuses esquives et autres contres au bouclier, tout en gérant son placement vis-à-vis des ennemis (qui n’hésiteront pas à attaquer à plusieurs désormais !) et l’alternance entre des coups légers/rapides et puissants/lents. Petit point sympathique, les options proposent deux profils de commande respectivement inspirés de Dark Souls (gâchettes de droite pour les attaques) et de The Witcher III (Carré et Triangle / X et Y cette fois) afin que chacun y trouve son compte. Une jauge de vengeance se remplit au fil des coups portés, permettant une fois pleine d’activer une compétence propre à chaque catégorie d’arme, un argument à prendre en compte lors du choix de son équipement. Mieux vaut prendre son temps lors des affrontements car foncer tête baissée sera souvent synonyme de Game Over assuré.

Et quoi de mieux pour tempérer les affrontements au coeur d’un campement ennemi que de s’infiltrer et assassiner discrètement quelques gardes ? Plus que jamais l’infiltration est gratifiante dans AC Origins, grâce à la présence de l’arc. L’arc à flèche, c’est un peu devenu le passage obligé des jeux en monde ouvert (Skyrim, Tomb Raider, Horizon, Zelda) et il faut bien dire qu’il est plutôt gratifiant de discrètement tendre la corde de son arme en direction de ce garde isolé et le voir s’effondrer la flèche plantée entre les deux yeux. Nouveauté de cet opus, exit la Vision d’Aigle et place à la vision… d’aigle ! Bayek est à tout moment accompagné de son aigle Senou, qu’il pourra invoquer d’une simple pression sur une touche afin de l’envoyer dans les airs. À ce moment-là, le joueur prend le contrôle de l’animal et pourra survoler la carte pour faire de la reconnaissance et localiser ses objectifs.

Petit point négatif d’ailleurs, dès que Bayek arrivera dans la zone où se trouve son objectif, le jeu ne manquera pas d’insister pour faire appel à Senou afin de localiser ce dernier, c’est parfois trop facile et ça casse un peu l’immersion. On constate malgré tout très rapidement que du point de vue de son level design et de ses mécaniques de jeu, Origins est un très bon jeu, mais qu’est-ce qu’il a donc à raconter ? Une question importante, surtout en prenant en compte les récentes déclarations d’Ubisoft quant à l’envie de proposer des jeux de moins en moins scénarisés pour laisser libre cours aux joueurs de se façonner leur propre histoire. Surtout qu’il faut bien se rappeler que depuis Assassin’s Creed III la série pédale dans la semoule pour raconter une histoire principale, perdant le joueur au beau milieu d’événements historiques réels auxquels on prend part sans trop comprendre pourquoi – la faute à de trop nombreux personnages sitôt croisés sitôt oubliés…

Eh bien ça fonctionne relativement bien dans Origins ! Les événements de l’histoire s’imbriquent assez bien et parviennent presque à éviter le trop plein d’intervenants soi-disant importants, et on sent également l’influence de Geralt dans l’écriture de Bayek, son comportement et ses répliques : on est à cent lieues des jumeaux insipides de Syndicate. À vrai dire, s’il arrivera de se sentir perdu entre deux missions principales, c’est plutôt parce qu’on est parti explorer les environs et faire des quêtes annexes pendant trois ou quatre heures, preuve que Ubisoft a transformé l’essai en laissant son titre mûrir un an de plus. Notre héros Bayek est un Medjay, sorte de shérif égyptien (un élément de background qui justifiera assez joliment de nombreuses quêtes annexes). Un beau jour, en voulant sauver son fils et en se retrouvant malencontreusement en mauvaise posture, il va mettre à jour une obscure association à la recherche des fragments d’Eden. Hélas, les choses tourneront rapidement mal et le fils de notre héros perdra la vie, plaçant Bayek au cœur d’une quête vengeresse.

Le titre Origins laisse très justement supposer que l’on va revenir aux origines de la saga, et le jeu propose effectivement de très nombreuses connexions avec la méta-histoire regroupant tous les titres de la série (non sans proposer quelques inutiles segments de jeu se déroulant dans le présent, venant ici et plus que jamais casser l’immersion au moment où l’on s’y attend le moins). Si le jeu vous fait envie de par son contexte envoûtant mais que vous n’avez jamais vraiment suivi la saga, pas d’inquiétude ! Car à l’instar des trilogies Star Wars dont l’ordre de visionnage peut simplement inverser la découverte des événements importants (va-t-on voir ce jeune héros devenir l’un des plus grands méchants du cinéma, ou bien découvrir la jeunesse de cet être tourmenté et comment il a pu en arriver là ?), les révélations cruciales du dernier Assassin’s Creed fonctionnent très bien indépendamment des autres jeux de la saga et inverseront juste l’effet miroir des moments clés. Pour terminer sur la quête principale du titre, elle a de plus le mérite de varier les séquences de jeu en proposant différentes situations aussi inattendues que bienvenues, comme cette séquence de navigation qui rappellera Black Flag à notre bon souvenir.

Note

17/20

Un coup de maître ! En laissant reposer sa licence phare juste un an de plus, Ubisoft s'inspire des aventures de Geralt de Riv et propose avec Origins l'Assassin's Creed le plus réussi depuis Black Flag. Pouvant être résumé à un cocktail à base de Black Flag et The Witcher III saupoudré d’Égypte ancienne, Assassin's Creed Origins s'impose assez facilement comme un incontournable de cette fin d'année 2017 en embarquant le joueur dans une aventure envoûtante, juste entachée de-ci, de-là de quelques bugs et freeze, qui sont bien peu de choses face au plaisir offert par le jeu.

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